© Collection Max Valentin. Droits réservés.

Jean, Augustin, Valentin naît le 10 septembre 1907 à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritime [1] – 76), fils de Léon Valentin et de Nadia Barbier. Jean est l’aîné de neuf enfants, dont son frère Max, né en 1926.

Le 9 novembre 1929, au Houlme (76), Jean Valentin se marie avec Yvonne Bachelet. Ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Jean Valentin est domicilié au 68, rue des Prévoyants à Grand-Quevilly (76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine.

Jean Valentin est ouvrier de la chimie, manœuvre spécialisé, à l’usine Saint-Gobain.

Communiste et syndicaliste, il participe « aux mouvements de grève de 1936 et 1938 ».

Le 12 septembre 1939, son domicile est perquisitionné par la police qui y trouve des tracts, des prospectus et des brochures communistes. Une inculpation pour menées antinationales est prononcée (suite à vérifier…).

Sous l’occupation, Jean Valentin reste actif au sein du parti communiste clandestin.

Le 3 octobre 1940, il fait l’objet d’une notice individuelle établie par le commissariat central de Caen, qui note : « Élément dangereux en cas de mouvement social. À surveiller. » À la fin de l’année 1940 et au début de 1941, Jean Valentin est agent de liaison dans la région rouennaise, chargé du transport et de la diffusion des tracts, principalement dans le département de l’Eure.

À plusieurs reprises, il se rend au domicile d’Arthur et Marie-Louise Lefebvre, à Montigny (commune rurale située près de Maromme), pour prendre possession du journal clandestin La Vérité, rédigé par André Pican et imprimé avec l’aide de Lucie Guérin sur la Ronéo cachée dans la maison du couple. Arthur Lefebvre sera arrêté à son domicile le 20 novembre 1940 [2].

Le 15 mars 1941, alors qu’il circule en tandem avec Maurice Guillot, Jean Valentin est arrêté à Grand-Couronne par des gendarmes français de la brigade de Bourgtheroulde (Eure). Deux jours plus tard, le 17 mars, il est incarcéré à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen.

Le 31 mars, un inspecteur principal adresse au commissaire divisionnaire de police spéciale de Rouen un rapport sur l’ « Activité communiste dans le canton de Grand-Couronne », selon lequel ce parti, « un des plus importants et des mieux organisés n’a de cesse, malgré sa dissolution, son son activité clandestine dans les localités de Petit-Quevilly, Grand-Quevilly, Petit-Couronne et Grand-Couronne ». Parmi les éléments communistes désignés, un chapitre concerne Jean Valentin et Maurice Guillot « arrêté[s] ces jours derniers ».

Le 18 avril suivant, en audience publique de police correctionnelle du tribunal de première instance de Rouen, Jean Valentin et Maurice Guillot sont condamnés à un an d’emprisonnement et 100 francs d’amende, coupables « d’avoir distribué des écrits tendant à propager les mots d’ordre de la Troisième Internationale ou des organismes qui s’y rattachent faisant application des articles 1 et 2 du décret – loi du 26 septembre 1939 dont lecture à été donnée à l’audience » (une autre source désigne la Section spéciale de la Cour d’appel de Rouen).

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Jean Valentin, « Détenu à la prison de Rouen. À interner à sa sortie. »…

Le 17 mars 1942, Jean Valentin et Maurice Guillot sont remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Valentin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Valentin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46166. La photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Valentin est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” . Les conditions y sont plus meurtrières.

Il meurt à Birkenau à une date inconnue : l’état civil français l’a déclaré décédé le 15 octobre 1942.

Il a été déclaré “Mort pour la France” le 30 janvier 1947 et homologué comme “Déporté politique” (n° 1176 0865 – le 10 avril 1963).

À Grand-Quevilly, son nom est inscrit parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-06-2001).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 422.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par Louis Jouvin, rescapé, en 1972 – Liste établie par la CGT, p. 10 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Max Valentin, frère cadet de Jean, portrait et informations transmises à Alain Alexandre (courriel 31-03-2016).
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, S.-I. n° 49.
- Catherine Voranger, petit-fille de Louis Jouvin (“45697”), message 04-2013, copie d’un rapport de police ayant été conservé par Louis Jouvin.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946 ; individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (cote 51 W 421), recherches conduites avec Catherine Voranger.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-04-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Arthur Lefevre : né le 14 mai 1896 à Caudry (Nord), installé à Rouen, ayant travaillé aux Chantiers de Normandie jusqu’en 1939, incarcéré à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen après son arrestation, condamné à deux ans d’emprisonnement le 20 février 1941, livré aux autorités allemandes et conduit au camp de Royallieu à Compiègne (Oise – 60) le 8 janvier 1942, fusillé comme otage le 21 février suivant à la Butte aux Zouaves à Moulin-sous-Touvent (60) avec Émile Michaud et Léon Durvillé, inhumé à Carlepont (60).

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. A partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).