Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Émile, Étienne, Tunesi naît le 16 janvier 1914 à Moineville (Meurthe-et-Moselle – 54), fils d’Angelo Tunesi et de Rosa Gambini, 24 ans.

Émile a une sœur, Léonie, née en 1917 à Olgiate (Italie), pendant la Première guerre mondiale.

Le 29 juillet 1933, à Batilly, à proximité d’Homécourt (54), sa mère – probablement veuve – se remarie avec Victor Danzer, né le 3 juillet 1888 à Ars-sur-Moselle (en Moselle alors annexée), qui a trois filles d’un premier mariage, dont la benjamine, Angèle, née en 1934 à Batilly. La cadette, Jeanne, est née à Metz en 1932.

Au printemps 1936, Émile Tunesi habite avec sa belle-famille à Batilly.

Pendant un temps, il habite à Valleroy (57).

Il est mineur de fer (chargeur) à la mine d’Auboué.

Syndiqué à la Fédération du Sous-sol, membre du bureau syndical des mineurs, il est licencié après l’échec de la grève nationale du 30 novembre 1938, lancée pour protester contre l’abandon des acquis du Front populaire.

Selon une liste manuscrite de quarante-quatre internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Émile Tunesi “démissionne” de son syndicat, probablement lors de l’interdiction du Parti communiste à l’automne 1939, accompagnée de scissions au sein de la CGT.

Le 25 juin 1941, le préfet signe un arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts communistes dans son secteur d’habitation (il y est gardé quinze jours).

Le 11 octobre 1941 à Batilly, Émile Tunesi se marie avec Marie Igada. Ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Batilly ; son adresse reste à préciser.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Émile Tunesi est arrêté vers le 9 février 1942. Selon l’inspecteur général de la police judiciaire de Nancy,« signalé très suspect et disparu de la région depuis les attentats, a été retrouvé et mis hors de cause ».

Son nom figure néanmoins – n°38 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes désignés seulement par leurs noms et prénoms.

Le 20 février, il est conduit par la police allemande (Feldgendarmerie) au camp français d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne ».

Le 27 février, son nom est inscrit sur un état nominatif des otages transmis par le préfet Jean Schmidt à Fernand (de) Brinon à Vichy ; 31e sur la liste.

Le 5 mars, Émile Tunesi est parmi les trente-neuf (nombre à vérifier…) détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Aussitôt, le sous-préfet de Briey intervient auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle pour qu’au moins sept d’entre eux, dont Émile Tunesi, ne soient pas considérés comme otages.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Tunesi est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46163 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Émile Tunesi.

On ignore la date de sa mort à Auschwitz [1] ; probablement avant la mi-mars 1943.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 6-06-2001).

JPEG - 190.6 ko
Collection Denis Martin – ARMREL.

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Émile Tunesi, c’est – globalement – le mois de décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74127 et 128, 367 et 422.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 122 et 246, 345.
- Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros / Histoire, Nancy, avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes de suspects et d’otages p. 205, 208-210).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.