Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Marcel, Touret naît le 15 décembre 1907 à Clichy(-la-Garenne) [1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Louis Touret, 27 ans, chauffeur, et Émilie Benoit, son épouse, 21 ans, domiciliés au 15, rue Curton. Un des deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil est Albert Vauclard, directeur d’usine, domicilié à la même adresse.

Le 3 janvier 1911, la 1re commission spéciale de réforme de la Seine réforme n° 2 son père pour « impotence fonctionnelle presque complète de la main gauche [par] suite de traumatisme ». Le 30 décembre 1914, le conseil de révision de la Seine le maintien dans ce statut. Enfin, le 22 mars 1917, la commission de la Seine le maintien dans sa position.

Le 15 septembre 1925, André Touret entre à l’usine de la société Fusion des gaz à Esbly (Seine-et-Marne – 77) comme encaisseur et releveur de compteurs, emploi qu’il ne quittera plus.

De la classe 1927, il est appelé pour effectuer son service militaire au 106e régiment d’infanterie à Chalons-sur-Marne, mais est déclaré « réformé n° 2 » pour tuberculeuse osseuse.

Le 22 août 1931, à Torcy (77), il se marie avec Régine Lucienne Aussude, née le 8 décembre 1907 à Torcy. Ils auront deux enfants : Michelle, née en 1932 à Torcy, et un·e autre, âgé·e d’un an en novembre 1941.

Au moment de son arrestation, André Touret est domicilié au 26, rue du Chemin de Fer à Esbly.

Il est membre du Parti communiste de 1936 à 1939. Pendant un temps, il est trésorier de la cellule d’Esbly.

Lors de la déclaration de guerre, son statut de réformé militaire lui évite d’être mobilisé.

Le dimanche 19 octobre 1941, André Touret est appréhendé par la Feldgendarmerie dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – meules, hangars – ayant eu lieu dans le département. En tout, sept habitants d’Esbly sont arrêtés, dont André Bichot, Alexandre Douchet et Marcel Vincent.

Ils sont rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1789, André Touret est assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels André Touret.

En novembre, sa tuberculose osseuse conduit la direction du camp à le transférer à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, où il reste jusqu’en février 1942.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Touret est néanmoins sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Touret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46152 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Touret.

Il meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942, l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 3-01-2001).

Notes :

[1] Clichy(-la-Garenne) : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Touret, c’est le 1er août 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.
Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

-Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73,127 et 128, 378 et 421.
-Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Clichy, année 1907 (E NUM CLI N1907), acte n° 885 (vue 151/163).
-Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1253 (36705/1942).

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.