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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Léon, Casimir (« Casi »), Thibert naît le 29 janvier 1912 à Ratte, 6 km à l’est de Louhans (Saône-et-Loire), fils de Jules Félix Thibert, 28 ans (8 février 1884), agriculteur, et de Marie Valentine Curau, 23 ans, son épouse. Léon a un frère plus âgé, Roger, né en 1910.

Après avoir effectué son service militaire de l’automne 1905 à l’automne 1907 (passé soldat de 1re classe), son père est rappelé à l’activité militaire le 4 août 1914 au régiment d’Infanterie d’Auxonne (10e RI ?). Le 8 mars 1915, dans le bois de la Louvières (Meuse), Jules Thibert est blessé par une balle qui lui occasionne une plaie en séton à l’avant-bras droit, au voisinage du coude. Après avoir été soigné, il retourne « aux armées » du 25 décembre suivant au 11 mars 1916, restant ensuite mobilisé « à l’intérieur ». Jules Thibert est mis en congé illimité de démobilisation le 11 mars 1919 : Léon a sept ans.

En 1926, ses parents (âgés de 42 et 37 ans) lui donneront un deuxième frère, René.

Au moment de son arrestation, Léon Thibert est domicilié à Chalon-sur-Saône (71) ; son adresse reste à préciser.

Il est cuisinier.

Le 26 février 1942, le même jour que Lucien Rosier, il est arrêté à Louhans (71) à la suite d’un attentat contre l’hôpital allemand de Chalon-sur-Saône (voir Pierre Vendroux), puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Thibert est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Léon Thibert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46140 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Léon Thibert est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, les autres étant ramenés à Auschwitz-I. Il est affecté à un Kommando d’entretien des miradors.

À la mi-août 1943, il est l’un des cinq derniers “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !) ; dix-sept autres ont été ramenés à la mi-mars.

Il rejoint les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Léon Thibert est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 198934). Léon Thibert y reste – avec Louis Faure et André Seigneur – jusqu’à sa libération, le 23 avril 1945, par la 3e armée américaine.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1945 probablement ou dans les quelques années qui suivent (car il date sa lettre par mégarde de 1942), Léon Thibert écrit depuis Saint-Martin-du-Mont (71) au frère de Georges Varenne pour témoigner du décès de celui-ci, qui était avec lui à Birkenau.

Léon Thibert décède le 15 juin 1994.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 225, 346 à 348, 359, 370 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, message de correction, suite à une formulation fautive dans l’édition de l’ouvrage cité ci-dessus, pages 347 et 348 (02-2019).
- André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire : biographies des résistants, Éditions JPM, Cluny 2005, page 369, citant : Enquête sur la déportation (?).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) de Champigny-sur-Marne (94) : fonds Georges Varenne (photocopies).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-02-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.