Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Eugène, Aimable, Thédé naît le 7 décembre 1901 à Argenteuil (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), fils de Charles Thédé et Louise Launay.

Plus tard, la famille emménage au Mans (Sarthe). Pendant un temps, ils habitent au Vieux Chemin d’Ar [?].

De la classe 1921, Eugène Thédé est du bureau de recrutement du Mans. Mais son appel au service militaire est ajourné pour « faiblesse » en 1921 et 1922. En 1923, l’armée le classe dans la 2e partie de la liste, au service auxiliaire, pour tachycardie. Le 12 mai 1923, il est incorporé à l’école d’artillerie de Fontainebleau. Le 1er octobre suivant, il passe au petit état-major de l’École militaire d’artillerie de Poitiers. Il est renvoyé dans ses foyers le 7 mai 1924, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

À une date restant à préciser, Eugène Thédé se marie avec Léa Noir ou Nois. Ils ont un fils, né vers 1926. Mais son épouse décède prématurément. Par la suite, il vivra maritalement avec Juliette Boissonnade, née le 12 juillet 1904 à Condom-d’Aubrac (Aveyron), “fille de salle” (agent d’entretien/aide-soignante dans un hôpital).

En janvier 1928, Eugène Thédé habite au 7 avenue d’Hill, à Joinville-le-Pont (Seine / Val-de-Marne). En mai 1931, on le trouve au 29 rue Duris, à Paris 20e. En mars 1936, il demeure au 27 avenue de la Plage, à Joinville-Le-Pont.

Eugène Thédé est cuisinier, souvent inscrit au fonds de chômage à partir de 1931.

Adhérant du Parti communiste à partir de 1936. Il est connu de la police pour vendre L’Humanité dans son quartier. Il reçoit L’Éveil du XXe, organe mensuel d’informations locales édité par la section communiste.

Le 2 avril 1939, il est interpellé avec sa compagne pour quête sur le voie publique au profit des blessés de l’Espagne républicaine. Conduits au commissariat de police du 11e arrondissement, ils sont relaxé après les vérifications d’usage. Ils habitent alors eu 12 rue des Partants, à Paris 20e. En novembre de cette année, Eugène Thédé déclare être domicilié au 148, rue Gasnier-Guy, à Paris 8e.

Le 10 janvier 1940, Eugène Thédé est rappelé à l’activité militaire dans le cadre de la mobilisation générale  et rejoint le dépôt d’artillerie n° 4. Le 8 mai, il passe au 84e régiment régional, « dépôt d’Artillerie Coloniale 28 à Joigny » (Yonne). Le 24 août 1940, il est démobilisé.

À partir d’octobre 1940 et jusqu’à son arrestation, Eugène Thédé est domicilié au 14, rue des Partants, à l’angle de la rue des Pruniers ; un “garni” où il occupe la chambre n° 7.

Le 2 février 1941, vers 16 h 15, Eugène Thédé est repéré dans le secteur du Marché aux Puces, à Paris 20e, par un brigadier du poste de police de Charonne  « au moment où il installe dans les arbres de l’avenue Girardot une banderole aux effigies des Lénine, Staline et Thorez et portant l’inscription “Le communisme sauvera la France” ». Un camarade qui l’accompagnait et « jetait des poignées de tracts dans la foule » s’esquive. Le brigadier, dont c’est le jour de repos, est en civil et accompagné de ses enfants, n’attirant ainsi pas l’attention. Il suit Eugène Thédé jusqu’au moment où, croisant deux gardiens en civil, il peut procéder à son arrestation. Les trois agents conduisent le militant au poste de police, où la banderole est ramenée, puis au commissariat. La perquisition opérée au domicile d’Eugène Thédé par le commissaire n’amène la découverte d’aucun document ayant trait au Parti communiste clandestin. Par contre, les policiers présents sur place appréhendent Albert Carayon, opticien de 30 ans et voisin habitant le même immeuble depuis 7 août 1937, venu lui rendre visite. Dans le logement de celui-ci, les policiers trouvent un unique document « ayant trait à la recherche d’un camarade pour la distribution de matériel dans le Père Lachaise » sur lequel il ne peut pas donner d’information.

Le 3 février, inculpé d’infraction à l’ordonnance allemande du 20 juin 1940 et au décret du 26 septembre 1939, Eugène Thédé est dirigé sur le dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la République, puis écroué à la  Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 6 février, un numéro clandestin de L’Éveil du XXe fait allusion à cette arrestation ; un exemplaire est envoyé sous enveloppe au commissaire de quartier du Père Lachaise avec la mention au crayon bleu « Malgré toi, L’Éveil paraît toujours ».

Le 2 avril 1941, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Eugène Thédé à six mois d’emprisonnement. Il est successivement écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 5 juillet, à l’expiration de sa peine, considéré comme un « militant notoire et meneur actif », Eugène Thédé n’est pas libéré : le jour-même, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Eugène Thédé est maintenu en détention à Poissy sous un statut d’interné. Sous la matricule n° 1134, il est affecté à l’atelier “seccotine”.

Le 15 septembre, sa compagne écrit au préfet de police pour lui faire part de sa surprise qu’on retienne son « mari » à la centrale de Poissy, « sa peine étant terminée depuis deux mois et demi ».

Le 28 novembre, Eugène Thédé fait partie d’un groupe de neuf internés transférés de Poissy au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Raymond Langlois, Pierre Marin et Marcel Nouvian. Ils sont conduits en voiture de police jusqu’à la gare de Paris-Austerlitz où ils prennent le train sous escorte.

Le 22 mai 1942, Eugène Thédé fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Eugène Thédé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Eugène Thédé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46135, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Eugène Thédé.

Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-06-2000).

Une plaque a été apposée sur l’immeuble où il habitait.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central, liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz) – Témoignage d’Henri Marti.
- Archives départementales de la Sarthe (AD 72), site internet du Conseil départemental, archives en ligne ; registres matricules du recrutement militaire, bureau du Mans, classe 1921, matricules de 501 à 1000 (1 R 1326), n° 592, orthographié « Thidé » (vue 112/601).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), APPo, site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; dossiers individuels du cabinet du préfet (1w0037), dossier de Jean Lannoy (24459) ; archives des renseignement généraux (77W1549), dossier d’Eugène Thédé (47538).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjours surveillé d’Aincourt (1W77).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 174.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (n° 24153/1942).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-07-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.