Justin, Louis, Salamite (dit “Jacob”) naît le 10 avril 1908 à Cassis (Bouches-du-Rhône).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 12, rue Sainte-Isaure à Paris 18e, ou au 37, rue de Belfort à Clichy (Seine / Hauts-de-Seine). Il est cuisinier.

Le 19 octobre 1938, il commet un acte en infraction aux lois sur les « substances vénéneuses » (« opium ») et il fait l’objet d’un rapport de police le 19 décembre. Il n’a pas jusque-là de casier judiciaire.

Le 30 juin 1939, le Procureur de la République prononce son inculpation. Le 26 septembre, un juge d’instruction du Tribunal de première instance de la Seine ordonne son arrestation et sa conduite à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e (mandat d’arrêt).

Le 5 février 1941, Justin Salamite est arrêté place de Clichy par la police française et écroué le jour-même à la Santé. Une note indique alors qu’il aurait été arrêté « pour activité communiste ».

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 27 février, la 10e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quinze mois de prison, 1000 F d’amende et cinq ans d’interdiction de séjour pour “stupéfiants” (usage, détention, trafic ?).

Le 24 juin, la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement. Entre temps, le 3 avril 1941, il a été transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes [1] (Val-de-Marne – 94).

Il est libérable le 12 janvier 1942 : a-t-il été interné administrativement ?

Le 5 mai 1942, Justin Salamite fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Salamite fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Justin Salamite est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46089 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Justin Salamite.

Il meurt à Auschwitz le 26 août 1942 [2]. Sa date de décès est la même que celle du matricule 45089 (?), ce qui correspond à l’ordre alphabétique de la liste du convoi reconstituée par Claudine Cardon-Hamet.

Il n’a pas été reconnu comme “Déporté politique” (1957). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-07-1998).

Notes :

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Justin Salamite, c’est « le 17 mai 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 12 mai 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 373 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel, rapport d’enquête de 1948 – fichier central) – Témoignage de Jean Pollo, rescapé du convoi.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 1837 (internés aux camps de Vaujours… – Tourelles).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1059 (25326/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-06-2008)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.