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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Raymond Rousseau naît le 24 octobre 1913 à Saint-Marc-sur-Seine – à 15 km de la source du fleuve – (Côte-d’Or – 21), fils de Jean-Baptiste Rousseau, 30 ans, ouvrier forgeron, et de Zénaïde Boulommier, 31 ans, son épouse, domiciliés au hameau de Chénecières, où est implantée une forge industrielle [1]. Raymond a deux frères plus âgés – Lazare, né Boulommier le 13 novembre 1902, et Gaston, né Boulommier le 29 décembre 1907, tous deux à Villaines-en-Duesmois (21) et reconnus par Jean-Baptiste Rousseau lors son mariage avec leur mère, le 17 février 1912 – et une sœur plus jeune, Marie, née le 26 janvier 1920 à Saint-Marc-sur-Seine.

Le père de famille – qui a effectué son service militaire au 18e régiment de chasseurs (à cheval ?) de novembre 1904 à juillet 1907 – est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 2 août 1914, et rejoint huit jours plus tard le régiment de cavalerie légère stationné à Beaune. Le 18 octobre 1916, il passe au 48e régiment d’artillerie de campagne. Le 25 avril 1917, il passe au 105e régiment d’artillerie lourde. Le 1er septembre 1918, il passe au 452e R.A.L. Le 19 janvier 1919, il passe au 111e R.A.L. Le 9 mars suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

En avril 1924, Jean-Baptiste Rousseau est installé avec sa famille dans les Cités de Buxières-lès-Froncles, sur la Marne, entre Chaumont et Joinville (Haute-Marne – 52).

Buxières-lès-Froncles, les cités et l’usine dans les années 1950. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Buxières-lès-Froncles, les cités et l’usine dans les années 1950.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le ppère de famille est alors chauffeur de four aux Forges de Froncles, implantées de l’autre côté de la rivière, où ses fils Lazare (22 ans) et Gaston (17 ans) sont lamineurs. En 1926, ils ont pour voisins la sœur de Zénaïde, Mathilde, 27 ans, avec sa famille : son mari, Jean-Marie Robelin, 37 ans, lamineur, ses fils Marcel, né en 1921, et André, né en 1923, tous deux à Saint-Marc, et son père, Arthur Boulommier.

En 1931, les frères de Raymond Rousseau ont quitté le foyer parental. Le père de famille héberge à son tour son beau-père, Arthur Boulommier, déclaré comme manœuvre aux Forges malgré ses 77 ans, ainsi qu’une nièce de Zénaïde, Louise Robelin, 5 ans. Raymond, âgé de 18 ans, est “métallurgiste” aux Forges. En 1936, la sœur de Raymond est partie. Son grand-père maternel et sa cousine vivent toujours avec eux. À 23 ans, Raymond est forgeron aux Forges, comme son père.

Au moment de son arrestation, Raymond Rousseau habite sans doute toujours chez ses parents dans les Cités de Buxières.

Entre le 22 et le 24 juin 1941, Raymond Rousseau est arrêté parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [2] (dont 15 futurs “45000”). Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Rousseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

TransportAquarelle

Le 8 juillet, Raymond Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46080, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Rousseau.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz, très probablement avant la mi-mars 1943.

Le 10 mai 1948, le tribunal civil de Chaumont prononce le jugement déclaratif fixant son décès au mois de septembre 1942.

Son nom est inscrit sur le monument au morts de Buxières-lès-Froncles, près de l’église.

Notes :

[1] Le moulin de Chenecières, transformé en forge au fil du temps, devient un important centre industriel dans la seconde partie du 19e siècle sous la direction de Louis Cailletet, qui a notamment fait en ces lieux ses recherches sur les gaz contenus dans l’acier lorsqu’il est chauffé (oxyde de carbone) et sur la propriété des gaz à être liquéfiés. Louis Cailletet (Châtillon-sur-Seine, le 21 septembre 1832 – Paris, le 5 janvier 1913), ingénieur chimiste et physicien français, premier à liquéfier le dioxygène le 2 décembre 1877. Ses multiples découvertes sur les gaz sont à l’origine de l’industrie moderne du froid, de la cryogénie, des très basses températures et des hautes pressions. Parmi leurs très nombreuses applications, on peut citer aujourd’hui la conservation des aliments, la médecine (conservation des organes, banque du sperme), l’industrie des métaux, la conquête spatiale (l’oxygène servant de comburant pour fusées). Après sa formation à l’École des Mines, la modernisation des installations et la surveillance des employés sont son premier travail comme ingénieur. Son frère Camille, plus doué que son frère pour la direction et la gestion de l’entreprise familiale, meurt de tuberculose en 1860. Son père, Jean-Baptiste Cailletet, et son grand-père, Claude-Phal Lapérouse, meurent également quelques années plus tard, en 1865. Louis Cailletet doit alors assumer pendant encore 20 ans, avec l’aide de sa mère Élise, l’ensemble des tâches de direction de l’usine, (gestion, recherche et commercialisation). En 1884, Louis Cailletet est élu membre de l’Académie des sciences. Il s’intéresse alors plus à ses recherches et à ses publications à l’Académie des Sciences, qu’à la direction d’une forge en perte de vitesse et à la commercialisation de sa production dans une région sans grands moyens de communications fluviales et ferroviaires. En 1887, Louis vend  à son beau-frère Émile Suquet la forge de Chenecières. À partir de 1930, le site est transformé en fabrique de chaînes pour l’agriculture et la marine par la famille Seytre. (source Wikipedia)

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 399.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
- Guy Chaillaud, site internet Mémorial GenWeb, 2007.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.