Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Gustave, Rousseau naît le 22 juin 1907 à Saint-Chéron [1] (Seine-et-Oise / Essonne – 91), fils de Louis Rousseau et de Julia Cherpion.

À une date restant à préciser, il épouse Pierrette Vigneron, née en 1912 à Milly(-la-Forêt – 91). Ils auront cinq enfants, âgés de 12 ans à un mois au moment de son arrestation, dont l‘aîné, André, Pierre, né en 1929 à Draveil.

Au premier semestre 1931, la famille habite rue du Marais, quartier de Mainville, lieu-dit à l’est de la commune de Draveil [1] (91) .

Au moment de son arrestation, André Rousseau est domicilié au 5, impasse Bellevue à Draveil ; une autre adresse figure dans les archives : le 1, rue Charles-Mory, quartier de Mainville.

Il est chauffeur de camion.

C’est un militant communiste, membre de la cellule de Mainville à Draveil.

Il est mobilisé de septembre 1939 à mai 1940.

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, André Rousseau. Le jour même, il est convoqué au commissariat de la circonscription de Montgeron pour se voir notifier qu’en cas de jet, de distribution ou d’affichage de tracts sur le territoire de sa commune, il sera immédiatement considéré comme responsable et appréhendé, ceci en application du décret préfectoral du 15 octobre 1940. Quatre jour plus tard, il est de nouveau convoqué au commissariat pour signer la notification de son assignation à résidence.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1941, André Rousseau est arrêté par la police française (préfecture de Versailles pour le compte de la Feldkommandantur 758) pour distribution de tracts du Front national [2] préparant les manifestations du 14 juillet contre l’occupant, avec Pierre Bonnot (interné à Beaune-la-Rolande), Marcel Linard (fusillé comme otage le 9 mai 1942 à Clairvaux), Robert Moricci (futur “45000”).

Le 29 juillet, André Rousseau est condamné par le tribunal militaire allemand de Saint-Cloud à six mois de prison pour propagande communiste, comme Robert Moricci. Il est successivement emprisonné à la prison militaire du Cherche-Midi (juillet-août 1941), à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne – 94) (août-octobre), puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges (94) (octobre 1941-janvier 1942).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 15 janvier 1942, à l’expiration de sa peine, André Rousseau n’est pas libéré, car il figure sur les listes allemandes d’otages susceptibles d’être fusillés ou déportés : deux jours plus tard, il est transféré avec Robert Moricci au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le 25 février, André Rousseau figure parmi seize personnes « non retenues » (pour l’exécution ?) par la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Rousseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46078 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Rousseau est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 17 ou 18 mars 1943, André Rousseau fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juin, il travaille à la DAW [3] avec Gustave Rémy, un français “123 000”, dans un groupe de détenus chargé de décharger le bois brut des wagons, de le porter et de le mettre en pile pour qu’il sèche. « Il fallait travailler à toute vitesse sous les coups et hurlements, avec nos claquettes et nos habits rayés, tout raides à la moindre pluie ; ce n’était pas facile. » Un jour, André Rousseau réussit à changer de Kommando. « Mais repéré le lendemain au camp, dans les colonnes de départ, il est obligé de revenir [à la DAW], où il [reçoit] une raclée carabinée par le Kapo, sous [les] yeux [de Gustave Rémy] ».

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, André Rousseau est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Dans ses “cahiers” de déportation, rédigés après guerre, Pierre Monjault a témoigné d’un moment de désespoir à Auschwitz : « Un jour, le camarade Rousseau, de Vigneux [confondu avec Draveil ?], me dit : “Pierrot, je vais crever, c’est fini” et se pencha sur mon épaule. Je lui dis : “Mais mon vieux, nous crèverons tous, allez viens.” »

À la fin de l’été 1944, André Rousseau est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, il est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL Mauthausen.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, André Rousseau est parmi les douze qui sont affectés au Kommando de Melk. Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers le Kommando d’Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement.

Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.

André Rousseau est rapatrié le 28 mai 1945.

Il décède le 30 décembre 1963 à Villeneuve-Saint-Georges, âgé de 56 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 419.
- Archives départementales des Yvelines (78), Montigny-le-Bretonneux : cabinet du préfet de Seine-et-Oise, bureau politique (1W69), dossier individuel (1W151).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet:archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLVa-2, dossier 138.C.758 de l’état-major administratif du district militaire A (XLIII-3).
- Lucie Kerjolon, Pierre Monjault, Quatre années de souffrance pour rester français, cahier dactylographié, 70 pages, Maisons-Alfort, 1984.
- Gustave Rémy, ouvrier aux établissements Kiener à Éloyes (Vosges), en zone interdite, envoyé à Terniz (Autriche) en novembre 1942 au titre du STO, arrêté par la Gestapo après avoir envoyé à son frère prisonnier de guerre une lettre exprimant son dégoût de travailler pour le Reich, enregistré à Auschwitz à la fin mai 1942 (matricule “123000”), passé par la “quarantaine” du Block 11 ; récit dactylographié envoyé à Renée Joly en septembre 1992.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Saint-Chéron et Draveil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[3] La DAW : (Deutsche AusrüstungsWerke), société SS implantée dans plusieurs camps de concentration, usine d’armement entre autres.