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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Édouard, Marie, Rouault naît le 5 mars 1893 à Rennes (Ille-et-Vilaine – 35), chez ses parents, Constant Rouault, 38 ans, journalier, et Marie Louise Briantais, 28 ans son épouse, domiciliés champ de la Justice, route de Lorient. En même temps que lui naît sa sœur jumelle, Jeanne. Les témoins pour l’inscription des deux nouveaux-nés à l’état-civil sont deux autres journaliers.

Jean Rouault acquiert une formation d’ajusteur.

Le 27 novembre 193, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 13e régiment de hussards afin d’accomplir son service militaire. Le 2 août 1914, au lendemain du décret de mobilisation générale, son unité part « aux armées ». Le 5 septembre 1915, malade, il est évacué vers une ambulance, toujours dans la zone des armées, puis rejoint son régiment quelques jours plus tard. Le 21 janvier 1917, il est détaché à Toul (pour quelle mission ?). Le 13 mai 1917, de nouveau malade, il est évacué, mais reprend l’uniforme dix jours plus tard. Le 8 janvier 1918, il est évacué malade vers l’hôpital n° 37 du quartier Sainte-Radegonde, à Tours, orphelinat Saint-Joseph, rue de l’Hermitage (250 lits). Rentré au dépôt le 12 février, il retourne aux armées le 8 juin. Une semaine plus tard, il passe au 8e régiment de hussards. Le 8 mars 1919, dirigé sur l’intérieur – le dépôt de transition du 26e bataillon de chasseurs à pied -, il est mis à la disposition des Chemins de fer de l’État. Du 26 novembre 1919 au 7 mai 1920, l’armée le classe affecté spécial au titre des Chemins de fer de l’État comme ajusteur à La Garenne.

Le 30 octobre 1920, il est mis en congé illimité de démobilisation par le 2e régiment de hussards et se retire à La-Garenne-Colombe (Seine / Seine-Saint-Denis), titulaire d’un certificat de bonne conduite.Entre temps, le 14 novembre 1916, à Paris 8e, Jean Rouault s’est marié avec Héloïse Beaufreton. Ils auront deux enfants dont un fils : Raymond.

Pendant un temps, Jean Rouault habite au 8, rue Lacroix, à Paris 17e.

Fin janvier 1925, puis fin février 1927, l’armée le classe affecté spécial dans la réserve au titre des Chemins de fer de l’État comme ouvrier à Courtalain (Eure-et-Loire). Il habite cette commune en janvier 1937.
Au moment de son arrestation, Jean Rouault est domicilié au 3, rue Saint-Louis, au cœur de la ville de Rennes.

Ouvrier de première classe à la gare SNCF de Rennes, il a des responsabilités à la Fédération Nationale CGT de la SNCF.

Militant communiste, il est secrétaire à l’organisation pour le Rayon de Rennes. Avant guerre, il est en contact avec René Perrault, jeune cheminot, et Émile Drouillas, dit Laporte.

Le 17 avril 1940, Jean Rouault est « rayé de l’affectation spéciale » par mesure disciplinaire et rappelé à l’activité militaire au dépôt d’infanterie n° 44 où il arrive le 22 avril. Un mois plus tard, il est « renvoyé dans ses foyers ».

Sous l’occupation, Jean Rouault dirige des formations armées et, dès sa création, il est le responsable à l’organisation du Front national [1] pour l’Ille-et-Vilaine en 1940 et 1941.

Fin juin 1941, il est arrêté par des policiers allemands en gare de Rennes pour distribution de tracts, au retour d’une mission (?), interné à la Maison d’arrêt Jacques-Cartier de Rennes, puis transféré le 10 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht(Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Il n’obtient pas de permission pour se rendre au mariage de sa fille en avril 1942. Mais celle-ci lui rend visite début mai, sortant clandestinement une lettre à destination de Marthe Drouillas.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Rouault est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jour et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Rouault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 456076 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Rouault est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Affecté aux cuisines, Jean Rouault tente de sauver son compagnon Émile Drouillas en lui faisant passer de la nourriture. Malheureusement, raconte-t-il à son retour, celui-ci trouvait toujours quelqu’un de plus malade et de plus affamé que lui pour partager.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Jean Rouault est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) aupremier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Jean Rouault est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés auKL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat Bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule 19890).

Le 29 octobre, Jean Rouault est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (autre Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (n° 93422).

Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le Nordde Halle.

Le 15, Jean Rouault est libéré par l’avancée des troupes américaines.

Son retour en France est douloureux : engagé dans la Résistance, son fils Raymond est mort le 6 juillet 1942 à l’hôpital militaire de Rennes, rue Saint-Louis, à la suite de tortures subies lors de son interrogatoire, et son neveu, André Rouault, cadre de la résistance armée à 17 ans, a été fusillé le 29 janvier 1943 avec huit autres résistants au champ de tir de Bêle à Nantes (Loire-Atlantique).

Jean Rouault devient secrétaire départemental de l’A.D. d’Ille-et-Vilaine, et entre au Comité National de la FNDIRP.

Jean Rouault décède le 1er décembre 1970, à Rennes.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Archives municipales de Rennes, “Émile Drouillas, dit Laporte”
- Jeanne Roquier-Drouillas et Renée Thouanel-Drouillas [ses filles], Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, Imprimerie Commerciale, Rennes 1978, 224 p.
- Archives de la Ville de Rennes, site internet, archives en ligne ; registre des naissances année 1893 (cote 2 E 101), acte n° 261 (vue 49/273).
- Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (AD 35), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des matricules militaires, bureau de Rennes, classe 1913, vol. 4, matricules de 1501 à 2000 (cote 1 R 2134), matricule 1864 (vues 691/920).
- UDAC d’Ille-et-Vilaine, site mémoire de guerre.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France  : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.