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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Robert Riche naît le 21 octobre 1893 à Saint-Mards-en-Othe (Aube – 10), chez ses parents Cyrille Émile Riche, 45 ans, manouvrier, et Alix Thierry, 41 ans, son épouse, domiciliés au hameau de Vaucouard. La famille compte déjà – au moins – deux frères, Émile, né vers 1873, Eugène, né vers 1876, et une sœur, Berthe Marthe, née en 1883. Leur foyer héberge également un petit-fils (?), Louis Camille Graupner, né en 1892.

En 1911, Robert Riche est “domestique de culture” chez Hippolyte Charles, marchand de graines à Saint-Mards, qui l’héberge.

De la classe 1913, Robert Riche est d’abord ajourné de service militaire pour « insuffisance de développement ». Incorporé à compter du 2 septembre 1914, il arrive au 8e régiment d’artillerie le lendemain comme soldat de 2e classe. Dès le 11 octobre, il passe au 29e régiment d’infanterie. Le 23 avril 1915, dans le secteur du Bois d’Ailly (Meuse), au cours d’une contre attaque, un éclat d’obus lui occasionne un arrachement des testicules avec plaie à la cuisse gauche et à la verge. Lors de cette attaque, le régiment compte 57 tués, 189 blessés et 69 disparus parmi les hommes de troupe. Considéré comme un « très bon soldat qui a toujours servi d’une façon parfaite », Robert Riche est décoré de la Médaille militaire à compter du 13 mars 1916.

Le 23 juillet 1918, à la mairie de Saint-Mards, Robert Riche épouse Marie Lucienne Gris, née en 1896 à Saint-Mards, veuve d’Aramis Dardelut, “mort pour la France” en juin 1917 [1], dont elle a eu deux filles : Yvette Dardelut, née le 4 décembre 1913, et Marie-Louise, née le 20 avril 1916. Tous habitent alors au hameau de Vaucouard. Le 7 septembre 1918, le tribunal civil de Troyes (10) décide par jugement que les deux orphelines Dardelut sont adoptées par la Nation.

En 1921, la famille recomposée habite au bourg, rue de l’Église. Robert Riche est alors établi comme artisan cordonnier. En 1926, il est marchand de peaux et chiffons. En 1931, il est redevenu manouvrier. En 1937, il est de nouveau marchand de peaux.

Saint-Mards-en-Othe dans les années 1900. Au premier plan, la Grande-Rue, au fond, la rue de l’Église. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Saint-Mards-en-Othe dans les années 1900. Au premier plan, la Grande-Rue, au fond, la rue de l’Église.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 9 novembre 1936, à Saint-Mards, sa belle-fille, Marie-Louise Dardelut épouse Émile Duru.

Au moment de son arrestation, Robert Riche est toujours domicilié à Saint-Mards-en-Othe. Il est redevenu manouvrier.

Le 23 octobre 1941, à la suite d’une dénonciation (?) pour détention d’arme prohibée (un pistolet ?), Robert Riche est arrêté à son domicile par la Gestapo de Troyes (10) et conduit à la Maison d’arrêt de la ville. Le 6 décembre suivant, le tribunal militaire de la Feldkommandantur 531 le condamne deux ans d’emprisonnement pour « propos germanophobes ». Mais il est bientôt gracié (?) et libéré le 31 décembre.

Le 25 février 1942, dénoncé de nouveau, peut-être pour des « propos anarchistes » à la Feldgendarmerie d’Aix-en-Othe, il est arrêté à son domicile le lendemain, 26 février, à 5 h du matin – le même jour qu’Émile Andrès, de Troyes -, et conduit à la Maison d’arrêt.

Robert Riche est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Robert Riche est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46055 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Robert Riche est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital du camp souche (Auschwitz-I).

Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, d’après plusieurs registres du camp [2].

Le 10 mai 1946, Marie Lucienne Gris (sic), en qualité d’épouse, complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 21 juillet 1948, le tribunal civil de Troyes décide par jugement de fixer le décès de Robert Riche à Auschwitz à la date du 6 juillet 1942, jugement transcrit sur les registres d’état civil de sa commune de naissance (et de domicile), en marge de son acte de naissance [2].

Le 5 décembre 1953, Marie Riche – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté politique à son mari à titre posthume.

Le 12 août 1954, la commission départementale de la Seine prononce un avis favorable à la demande, suivie en cela par le directeur interdépartemental, puis par la commission nationale. Le 3 septembre 1954, le ministère des ACVG décide de l’attribution du titre de déporté politique à Robert Riche. Le 20 septembre, la carte DP n° 1116.12607 est envoyée à Marie Riche.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Mards-en-Othe.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] Aramis Bénoni Dardelut, né le 12 décembre 1885 à Saint-Mards-en-Othe, manouvrier, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, rejoint le 156e régiment d’infanterie dix jours plus tard comme soldat de deuxième classe. Le 1er juin 1917, dans le secteur de Braye-en-Laonnaois (Ostel), il est tué à l’ennemi. Il est inhumé dans le cimetière militaire de la ferme “Lacour-Soupir” (Aisne). Son décès est transmis à l’état civil de Saint-Mards-en-Othe le 4 novembre suivant.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Ainsi, concernant Robert Riche, c’est le 6 juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès, mais « à Auschwitz ». Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 65, 360 et 419.
- Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu, La déportation de répression dans l’Aube, fichier ressource pour le Concours national de la Résistance et de la Déportation, www.crdp-reims.fr
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1005 (24702/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossiers individuels (21 P 269 588 et 21 P 530 936.
- Site MemorialGenWeb, relevé de Dominique Dumont (8/2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-04-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.