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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Ernest Repiquet naît le 21 novembre 1896 à Saussey (Côte-d’Or – 21), de Jacques Repiquet, 34 ans, cultivateur maréchal-ferrant, socialiste, et de Marie Bussière, 29 ans, native de Saussey, son épouse, catholique pratiquante, épicière. Il a une sœur Marie, née en 1888, et deux frères, Marius, né en 1890, Claude Alfred, né en 1892.

Il poursuit ses études jusqu’à l’âge de dix-sept ans.

Pendant un temps, il travaille comme cultivateur, peut-être avec son père. Il a l’intention d’entrer à l’école des Beaux-Arts, mais la guerre éclate.

Le 13 avril 1915, il est incorporé au 56e régiment d’infanterie. Le 7 décembre suivant, il passe au 29e R.I. Le 24 juillet 1916, nommé soldat de 1ère classe, il passe au 167e R.I.  Le 28 août suivant, au bois Mullot ou au bois d’Ailly, il est blessé par balle à la paupière droite et perd la vision de cet œil. Le 4 décembre 1916, la commission de réforme de Bézier le propose pour une pension de retraite n° 5. Par décret du 22 juin 1917, il est admis à une pension de 637 F. Par arrêté ministériel du 26 septembre 1918, il reçoit la Médaille militaire : « Jeune soldat courageux et dévoué ayant toujours fait son devoir ». Il est également titulaire de la Croix de guerre avec palme.

CroixDeGuerre-etoile

La perte de son œil met fin à son projet de carrière artistique.

Il entre dans l’administration des contributions indirectes et devient receveur.
Le 29 février 1920, à à Abergement-Saint-Jean [1] (Jura), Ernest Repiquet épouse Marie-Louise Rabut, dite Léa, née en 1895. Ils ont un fils Jacques né le 1er septembre 1920 à Saussey, et deux filles : Jacqueline, née en 1923 et Huguette, née en 1925.
En 1923, Ernest Repiquet adhère au Parti communiste et milite à Dijon (21) où il rédige des articles pour l’hebdomadaire Le Travailleur, participant aux grèves et aux manifestations et complétant sa formation politique par la lecture. Membre du Secours rouge en 1936, il organise des soupes populaires puis s’occupe de l’hébergement des réfugiés espagnols.
En 1939 (septembre ?), il rompt avec le Parti communiste, mais il participe à la Résistance à partir d’avril 1941.
Début 1941, son fils Jacques souhaitant s’inscrire au concours pour l’admission au surnumérariat de l’Enregistrement, le directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre demande son avis au Préfet de Côte d’Or. Le rapport du 15 mars 1941 résultant de l’enquête de Police stipule que son père, Ernest Repiquet, a déjà fait l’objet de plusieurs rapports pour son activité communiste et précise que Jacques Repiquet, alors étudiant à Dijon, est « intelligent, travailleur et de bonne conduite », qu’« il est toutefois connu des étudiants pour ses idées politiques communistes », et que « depuis la dissolution de ce parti, il se fait moins remarquer, mais aurait conservé ses opinions ».
Le 21 juin 1941, Ernest Repiquet est arrêté par les Autorités allemandes en tant que communiste [2] ; il est alors domicilié à Saint-Seine-l’Abbaye, à 27 km de Dijon. À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).
La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 11 novembre 41, le Préfet de région donne un avis favorable à l’inscription de son fils Jacques au concours pour l’admission au surnumérariat de l’Enregistrement, sous réserve de le surveiller au point de vue de ses opinions politiques.

Entre fin avril et fin juin 1942, Ernest Repiquet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Ernest Repiquet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46051 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Ernest Repiquet de déclare comme comptable (Finanzbeamte). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Ernest Repiquet.

Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], qui indique « hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht) pour cause mensongère de sa mort.

Le 22 octobre, dans un courrier à caractère urgent adressé au maire de Saint-Seine-l’Abbaye, le Préfet de la Côte-d’Or demande de lui faire connaître si l’intéressé a été libéré et, dans la négative, de lui préciser quelles sont les personnes à charge, leur situation matérielle et son avis sur l’opportunité de leur attribuer une aide financière.

Ernest Repiquet est homologué comme Déporté politique (carte n° 1-116-12167).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Son fils Jacques décède le 17 avril 1948 à Dijon des suites de l’occupation. Son épouse Léa décède en 1993.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Abergement-Saint-Jean : commune fusionnée depuis 1976 avec celle de Neublans pour former Neublans-Abergement. Le nom d’« Abergement Saint Jean » viendrait de propriétés ou d’un établissement autrefois installé par les Templiers de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem. Une partie de la forêt porte encore l’appellation de « Bois du Temple » (source Wikipedia).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Ernest Repiquet, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/ Éditions Ouvrières, version CD-rom 3.61, 1990-1997, citant : Arch. Secrétariat Ministère des Anciens combattants – Rens. de sa veuve et ses deux filles.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 11 (cahier de Gabriel Lejard), 73, 127 et 128, 363 et 398.
- Archives départementales de Côte-d’Or, Dijon : Arrestations par les autorités d’occupation en raison de leur passé et activité politique (1630 W, article 252), et  fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, (6J61 à 62) don de Pierre Gounand, historien.
- Archives départementales de Côte-d’Or (AD 21), site internet, archives en ligne : recensement de 1911 à Saussey ; registres des matricules du recrutement militaire, bureau d’Auxonne, classe 1916 (R2521-0644), n° 367 (vue 644/834).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1003.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23900/1942..

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Résistants Internés et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.