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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oświęcim, Pologne. 
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles Renaud naît le 7 avril 1898 à Palinges (Saône-et-Loire – 71), fils de Jean-Baptiste Renaud, 36 ans, tourneur en grès demeurant au Montet, et de Jeanne Chauveau, 30 ans, son épouse.

Pendant un temps, Charles Renaud travaille comme employé de commerce.

La Première Guerre mondiale éclaté début août 1914. Le 27 décembre 1916, à la mairie d’Autun, Charles Renaud, âgé de 18 ans et demi, devance l’appel comme engagé volontaire pour la durée de la guerre Le lendemain, il est incorporé au48e régiment d’artillerie. Le 23 juillet 1917, il passe au 81e régiment d’artillerie lourde, qu’il rejoint deux jours plus tard. Le 9 août suivant, il passe au 84e R.A.L. Le 15 janvier 1918, il est nommé 1er canonnier. Le 17 mai 1919, il passe au 85e R.A.L. Le 1er juin suivant, il passe au 15e escadron du train (des équipages). Dix-huit jours plus tard, il passe au 15e escadron du train et rejoint l’Armée d’Orient. Le 22 août [?], il est rapatrié. Le 27 décembre 1919, il est envoyé en congé de démobilisation et se retire à Palinges, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 21 octobre 1922, Charles Renaud épouse Marcelle Fradin, née le 9 juin 1902, vendeuse de journaux. Le couple a un enfant : Raymond, né le 15 juillet 1923 à Palinges.

En 1925, Charles Renaud est chaisier. En 1928, il est mineur.

En mai 1928 et jusqu’au moment de son arrestation, Charles Renaud est domicilié au 60, rue de Charolles à Montceau-les-Mines (71), à la Maison [?] Dufour.

Le 5 février 1930, l’armée le classe « affecté spécial » au titre des mines de Blanzy, à Montceau (71). En 1938, l’armée le classe « affecté personnel de renforcement » aux usines Schneider du Creusot (71).

Son dernier métier connu est manœuvre dans les travaux publics, pour l’entreprise Corbières ; déclaré comme ouvrier maçon.

Il est syndiqué à la CGT, adhérent à l‘Association républicaine des anciens combattants (ARAC) et au Parti communiste, où il milite avec Claude Chassepot, de Saint-Vallier, commune limitrophe.

Sous l’occupation, il est actif au sein d’un “triangle” clandestin.

Le 3 décembre 1940, Charles Renaud est arrêté – avec son fils de 17 ans – pour distribution de tractscommunistes : le libraire qui lui a vendu les rames de papier vierge en reconnaît le filigrane pour la police. Après qu’ils aient été interrogés tous les deux, son fils est libéré au bout de 48 heures.

Charles Renaud est jugé et condamné à six mois de détention. Il est écroué dans les Maisons d’arrêt de Chalon-sur-Saône puis de Dijon. Le 3 juin 1941, à l’expiration de sa peine, il est libéré… pour peu de temps.

Le 22 juin 1941, il est arrêté à son domicile par les Allemands [1] et conduit à l’hôtel de Ville de Montceau-les-Mines, où il est bientôt rejoint par son ami Claude Chassepot, mineur de Montceau, arrêté dans les mêmes conditions. Ils ne seront jamais interrogés.

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Montceau-les-Mines, l’Hôtel de Ville et la Poste. 
Carte postale non datée (années 1940 ?), collection MV.

Ensemble, ils sont conduits en voiture à la Maison d’arrêt de Chalon, où ils arrivent à 22 heures. Ils sont enfermés dans la même cellule.

Le 17 juillet – Charles Renaud et Claude Chassepot dans une voiture, trois détenus dans une autre – ils sont amenés, via Beaune, à la Maison d’arrêt de Dijon où ils sont enfermés dans des cellules individuelles. Le lendemain, une escorte de Feldgendarmes les conduit à la gare de Dijon pour prendre un train en direction de Paris. À l’arrivée dans la capitale, leurs gardiens leurs mettent les menottes pour les conduire en métro jusqu’à la gare du Nord. Au sortir de la gare de Compiègne, ils réquisitionnent une camionnette et le petit groupe arrive le 19 juillet au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers 
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, 
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. 
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise, 
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements 
avec “dégâts collatéraux” sur le camp. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Pendant deux jours, les nouveaux internés sont gardés dans un coin de bâtiment par une sentinelle. Puis, Charles Renaud est enregistré sous le matricule 1341 (?) et assigné à la chambre 6 du bâtiment A5, avec Claude Chassepot, Paul Girard, de Montchanin, Jean Damichel et Alphonse Mérot, de Chalon-sur-Saône, avec lesquels il constitue un groupe de partage des colis. Ses compagnons le désignent comme chef de chambrée, chargé notamment de la juste répartition des repas.

Charles Renaud peut écrire à ses proches, et son épouse est autorisée à lui rendre une visite. Pendant son temps libre, il taille une chaîne de forçat dans le bois d’un pied de lit et cisèle des couvre-livres dans des morceaux de linoléum.

Le 8 décembre, Jean Damichel est extrait de leur chambre et isolé avec neufs autres détenus dans un bâtiment vide. Ils n’apprendront son exécution comme otage que bien plus tard [2].

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Renaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Renaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46047 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée) [3] ; il est déclaré comme « Landwirt ».

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Charles Renaud est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Selon Camille Nivault (45928, rescapé, qui y est alors hospitalisé pour un phlegmon), Charles Renaud entre au Revier en décembre 1942 pour une otite (mastoïdite), puis en sort après avoir reçu des soins.

Charles Renaud meurt à Auschwitz le 1er mars 1943, d’après les registres du camp.

En août 1943, à la suite de ses propres démarches, son épouse, Marcelle, reçoit la lettre circulaire de la Croix-Rouge indiquant que le convoi a eu Auschwitz pour destination et que certains déportés ont déjà pu correspondre avec leur famille ; mais elle n’en saura pas davantage.

Le 14 août 1942, son fils Raymond, menuisier puis terrassier chez Corbières, membre des Jeunesses communistes, a été arrêté pour transport et distribution de tracts. En avril 1943, il est jugé par le Tribunal spécial de Dijon et condamné à 13 mois de prison. Il est écroué dans les prisons de Chalon-sur-Saône, puis de Dijon. Remis aux autorité d’occupation, il est interné au camp de Compiègne-Royallieu, puis déporté le 17 septembre 1943 au KL [4] Buchenwald. Arrivé le 18, il est enregistré sous le matricule 21448. Assigné au Block 40 avec des détenus politiques allemands chevronnés, il est affecté dans des Kommandos de terrassement, de travail en forêt, puis à la Gustloff-werke, grande usine d’armement qui emploie jusqu’à 3600 détenus. Le 22 février 1944, quand il apprend l’arrivée de déportés politiques français venant d’Auschwitz pour travailler à la DAW, Raymond Renaud va à leur rencontre dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de son père. Ce sont Raymond Montégut et Camille Nivault qui lui apprennent la mort de celui-ci.

Dominique Renaud, le frère de Charles Renaud, et Dominique Daumas, leur neveu (fils de leur sœur, Jeanne Daumas, née Renaud), rejoignent le maquis des carrières de Sylla, situé entre Palinges et Martigny-le-Comte, puis s’engagent ensemble comme volontaires dans l’armée de Lattre de Tassigny (Rhin et Danube). Avant de partir, Dominique Renaud dit à sa belle-sœur Marcelle qu’il part « délivrer Charles et Raymond ».

Le 9 décembre 1944, leur unité attaque le village de Rammersmat, dans le canton de Thann, au pied des Vosges (Haut-Rhin – 68). Au cours de l’engagement, Dominique Daumas est grièvement blessé au poumon droit par une balle dum-dum. Témoin de la scène et croyant son neveu mort, le sergent-chef Dominique Renaud se lance à l’assaut de l’ennemi sans précaution et est tué d’une balle dans la tête.

Le 11 avril 1945, le camp de Buchenwald est libéré par une insurrection des détenus à l’approche des troupes alliées. Raymond Renaud passe la frontière française le 8 mai pour arriver à l’hôtel Lutétia à Paris.

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L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. 
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. 
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 17 mai, Raymond Renaud rentre à Salinges, mais ne parvient pas à dire à sa mère ce qu’il sait du sort de son père. Il ne s’y résoudra qu’en juillet…

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Charles Renaud (14-12-1997).

Sources :

- Raymond Renaud, son fils, courrier et échange téléphonique (10 et 11-2007) : copies de diversdocuments (familiaux, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). 
- État civil de la mairie de Palinges. 
- Archives départementales de Saône-et-Loire (AD 71), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des mariages de Palinges 1888 (cote 5E340/19), acte n°14 (vue 8) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement d’Autun, classe 1918 (cote (1 R RM 1914/4). 
- Archives départementales de Côte-d’Or, cote 1630 W, article 252 : « arrestations par les autorités allemandes-correspondances » (liste de Saône-et-Loire). 
- Message internet de Frédérique Daumas, sa petite-nièce (26/1/2005). 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 370 et 418. 
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein-FMD, Paris nov. 2000, page 220. 
- Claude Chassepot, cahier commencé à Royallieu le 22 août 1941, archives du Musée de la Résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94) ; voir ci-dessous… 
- André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire : biographies des résistants, éditions JPM, Cluny 2005, page 352, citant : Enquête sur la déportation (?) 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1002 (8709/1943). 
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I. 136, tome 2, pages 1113-1114, 1145.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour le 17-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] L’ « Aktion Theoderich » :

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le « judéo-bolchevisme ». Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action.

131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] L’instituteur Jean Damichel, ancien secrétaire départemental du Parti communiste de Saône-et-Loire, est exécuté le 15 décembre 1941, avec 94 autres personnes, dont Gabriel Péri. Contrairement aux fois précédentes, la liste des fusillés n’est pas publiée et l’incertitude règne pendant plus d’un mois. Puis les informations commencent à percer à la mi-janvier.

[3] Sa photographie d’immatriculation a été reconnue (son nom est alors orthographié « Renault ») par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948). Son fils Raymond a eu connaissance de ce portrait en s’adressant directement au Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau par l’intermédiaire d’amis polonais.

[4] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.