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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucien, Gaston, Émile, Preuilly naît le 16 juin 1920 à Paris 15e, fils de Ferdinand Preuilly et de Louise Normand. Lucien à un frère, Louis, et une sœur, plus jeunes.

Au moment de son arrestation, il est domicilié chez ses parents, au 14, rue des Quatre-frères-Peignot à Paris 15e. Il est célibataire (il a 20 ans…).

Lucien Preuilly est ouvrier métallurgiste dans l’usine d’aviation Amiot, à Colombes (Seine / Hauts-de-Seine).

C’est un militant actif des Jeunesses communistes.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste actif ».

Le 16 mai 1940, à Colombes, Lucien Preuilly est arrêté sur la voie publique par les services du commissariat de police de cette ville pour distribution et détention de tracts. Selon la police, il distribuait également des tracts sur son lieu de travail. Il est inculpé d’infraction au décret du 26-9-1939. Peut-être n’est-il pas immédiatement incarcéré à cause de la débâcle ou a-t-il été libéré de prison de la Santé à l’arrivée de l’armée allemande.

Le 19 décembre, il comparaît – seul – devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à trois mois d’emprisonnement qu’il effectue à la Maison d’arrêt de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 18 mars 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. En attendant son envoi dans un “centre de séjour surveillé”, Lucien Preuilly est conduit au dépôt.

Le 20 mars, sa mère, Louise Preuilly, 55 ans, écrit au préfet de police pour solliciter sa libération : « Je réponds de lui qu’il n’oubliera plus le droit chemin ». Elle indique que la possession d’un seul tract aurait suffit à motiver l’interpellation de son fils.

Le 7 avril, Lucien Preuilly est transféré au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

 

Le 6 septembre 1941, il fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Son père, âgé de 63 ans, décède le 6 octobre 1941. Dès qu’il l’apprend, il sollicite auprès du commandant du camp de Rouillé une permission de sortie pour se rendre à ses obsèques. Deux jours plus tard, le chef de camp écrit au préfet de police, indiquant que le règlement  du CCs prévoit ce cas de figure et que l’attitude de cet interné n’a fait l’objet d’aucune remarque défavorable depuis son arrivée.

Le 13 janvier 1942, sa mère, Louise Preuilly, écrit au préfet de police pour solliciter de nouveau la libération : « Le malheur qui est dans ma maison depuis trois mois me rend folle. Je perds ma sœur, mon mari et ma mère dont (sic) je veille cette nuit. Est-ce elle, ma chère maman, qui me pousse à venir vous demander de bien vouloir me rendre mon fils, Lucien Preuilly, interné au camp de Rouillé (Vienne). Ce cher enfant, qui était ma joie et mon soutien, pour un malheureux tract et qui, cependant, depuis le début de la guerre, ne s’occupait plus de rien. Avec ma mère, qui vivait avec moi, j’avais encore un petit soutien et partageait avec moi sa petite rente qu’elle avait, la maladie de mon mari et de ma sœur et de ma mère, puis ces trois décès m’ont mise dans le plus complet dénuement.. Je reste seule avec deux enfants et n’aie que la ressource de mes yeux pour pleurer. »

Le 9 février 1942, Lucien Preuilly est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiauxdu Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Preuilly est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46013 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Lucien Preuilly est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Il meurt à Birkenau le 24 décembre 1942, d’après les registres du camp. Il a 22 ans. Selon le témoignage de Georges Dudal, il serait mort sous les coups.

Il est homologué comme « Déporté politique ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier individuel aux Archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre – Témoignages de Georges Dudal et de Fernand Devaux, rescapés du convoi.
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 2 décembre 1940 au 25 février 1941, cote D1u6-5852.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; archives des Renseignements généraux (carton 77w1610), dossier (66970) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-09-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).