IDENTIFICATION INCERTAINE… Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice Poursain naît le 18 avril 1915 à Paris 11e, chez ses parents, Georges Poursain, 39 ans, souchier aux Halles de Paris (à la Maison Nicolas, 27 rue Berger), et Louise Baillet, 33 ans, son épouse, domiciliés au 114 rue du Chemin Vert ; il a un frère aîné, Robert Poursain, né le 11 octobre 1911 à Paris 10e.

Au cours de la Première guerre mondiale, son père, qui avait été réformé n° 2 en août 1902 pour fracture de la jambe gauche, « cal volumineux et dévié », est classé “service armé” et  “récupéré”, rejoignant le 34e régiment territorial d’Infanterie le 29 mars 1915. Il est renvoyé dans ses foyers en janvier 1919.

En mai 1920, la famille vient s’installer au 38, rue de la République à Saint-Mandé [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; aujourd’hui avenue du Général de Gaulle, face à l’esplanade de la mairie.

Saint-Mandé, l’avenue de la République, dans les années 1900. La façade du n° 38 apparaît au centre, derrière et au-dessus de l’automobile en stationnement. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Saint-Mandé, l’avenue de la République, dans les années 1900.
La façade du n° 38 apparaît au centre, derrière et au-dessus de l’automobile en stationnement.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Georges Poursain, militant puis secrétaire du Syndicat des employés de l’Épicerie du département de la Seine avant guerre (1er rapport du 3 décembre 1909…), conseiller prud’homme des épiciers, après avoir appartenu au Parti socialiste (SFIO) en 1919, rejoint le Parti Communiste et devient secrétaire de la section locale en 1921.

En février 1923, il est trésorier général du Syndicat unitaire des travailleurs des Halles et parties similaires (fruits et légumes).

Au printemps 1927, il est membre de la cellule des Halles (n° 241), dont le siège est au restaurant de la Grille, 121 rue Montmartre, rattachée au 1er rayon de la Fédération parisienne du PC. Le 5 mai (1927), vers 18 h 45, aux abords des magasins de la Samaritaine, alors qu’avec cinq autres militants syndicaux il procède à la vente du journal L’Inter-Magasins, il est interpellé par la police et conduit au commissariat du quartier Saint-Germain-l’Auxerrois, d’où il est relaxé après vérification d’identité (sans suite judiciaire).

Au printemps 1929, il est secrétaire conseiller juridique du Syndicat général de l’Alimentation de la région parisienne. En juin 1937, il est délégué permanent du syndicat.

Georges Poursain sera tête de liste communiste lors des élections municipales de mai 1929 à Saint-Mandé, sans succès, puis encore candidat lors des élections complémentaires des 25 et 30 août 1936.

Au moment de son arrestation, le jeune Maurice Poursain, 25 ans et célibataire, est domicilié chez ses parents.

Il est opticien.

Pendant un temps, il est secrétaire des jeunesses communistes de Saint-Mandé.

En 1939, à la déclaration de guerre, son père, Georges, est secrétaire du syndicat et secrétaire de la commission de contrôle de la Fédération de d’Alimentation. En octobre 1939, lors d’une réunion tenue à Orléans, il est – avec une dizaine de camarades – exclu comme communiste du Comité national de l’Alimentation, mais reste néanmoins membre du syndicat et employé appointé comme permanent.

Mobilisé, le fils aîné, Robert, 30 ans, est fait prisonnier de guerre. Il s’évadera d’Allemagne pour revenir en France…

Le 26 juillet 1940, Georges Poursain est arrêté par des inspecteurs de la police judiciaire à la permanence du Syndicat général de l’Alimentation de la région parisienne, au 5 rue Sauval à Paris 1er, en même temps que René Gondol, pour confection de tracts communistes (lors de la perquisition des locaux, la police enlève dans les bureaux une machine duplicateur Gestetner électrique). Georges Poursain est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé, Paris 14e, « à la disposition des autorités allemandes ».

Le 14 novembre 1940, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application des décrets du 18 novembre 1939 et du 3 septembre 1940, dans « l’Établissement d’Aincourt » (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre précédent dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y est enregistré le 21 novembre. À une date restant à préciser, il sera transféré au camp de Voves (Eure-et-Loire).

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 2 décembre, le commissaire de Vincennes demande la collaboration d’un inspecteur de la brigade spéciale n° 1 des Renseignements généraux pour perquisitionner au domicile des Poursain : « Ayant découvert un tract, des brochures et des emblèmes, [le jeune Maurice] a été amené au service et conduit au dépôt en vue de son transfert au camp d’Aincourt où son père est déjà interné ». Le même jour, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant l’internement administratif de Maurice Poursain, considéré lui aussi comme un « meneur communiste actif ». Le 6 décembre, il est conduit au centre de séjour surveillé d’Aincourt.

L’administration du camp lit systématiquement la correspondance des détenus et y relève toutes les informations concernant leur état d’esprit à titre individuel ou collectif. Le 12 juillet 1941, après l’invasion de l’URSS par le Reich, le directeur du CSS d’Aincourt adresse un rapport au préfet de Seine-et-Oise avec plusieurs extraits des lettres interceptées en lui faisant « connaître que, depuis la guerre germano-soviétique, [il] communique tous les matins, à Laurent Darnar, la presse parisienne. Ce dernier fait un extrait succinct et objectif des informations que[le directeur fait] afficher ensuite à l’intérieur du Centre. Ce procédé représente l’avantage de [lui] éviter toute critique personnelle dans la rédaction de ce communiqué et a fini de discréditer complètement l’interné Laurent Darnar aux yeux de ses anciens camarades… ». Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise écrit à Joseph Darnand, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, pour lui transmettre « les réactions suscitées par ce communiqué ». Georges Poursain a écrit : « …nous sommes à l’affut des nouvelles extérieures, car nous croyons que c’est notre sort qui se joue en ce moment et nous donne de l’espoir ».

Le 23 septembre 1941, Robert Poursain, prisonnier de guerre évadé qui vit en hôtel au 7 rue du Poteau à Paris 18e, est arrêté dans des circonstances restant à préciser. Trouvé porteur de faux papiers, il est envoyé au dépôt de la préfecture de police quatre jours plus  tard, inculpé d’infraction à la loi du 27 octobre 1940 (article 156 du Code pénal) ; suites inconnues…

Le 9 mai 1942, Maurice Poursain est parmi les quinze internés d’Aincourt remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Poursain est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46007, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Poursain se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Poursain.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

Le 18 novembre 1943, son père, Georges Poursain, est transféré au camp de Pithiviers (Loiret).

Libéré par le directeur du camp le 10 août 1944 en raison de l’approche des troupes alliées, Georges Poursain est désigné par le Comité local de Libération de Saint-Mandé comme vice-président et troisième adjoint de la délégation spéciale chargée d’administrer provisoirement la commune. Il conserve son siège de conseiller municipal en mai 1945, puis est réélu le 19 octobre 1947 et le 26 avril 1953.

Le nom de son fils, Maurice Poursain, est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Mandé et dédiée à ses habitants morts pour la France (pas de plaque sur l’immeuble où il a habité, au 38 avenue de Général de Gaulle, en face de la place Charles Digeon, anciennement place de la Mairie).

Le nom de Maurice Poursain également inscrit sur le monument aux morts comme syndicaliste.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Saint-Mandé : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 417.
V Claude Pennetier, notice de Georges Poursain, in Le Maitron en ligne, Université Paris 1.
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941, 4e trim. 1940 (BA 2397) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossier individuel de Georges Poursain à la préfecture de police (1 W 1758-102480) ; registre de main-courante du commissariat de la circonscription de Vincennes, 1939-1941 (C B 103-63).
V Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux (78), camp d’Aincourt ; cotes 1W148, 1W71, 1W76, 1W80 (recherches de Claude Delesque).
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961 (31901/1942).
V Site Mémorial GenWeb, 94-Créteil, relevé de Bernard Laudet (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.