Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Germain, Nicolas, Pierron naît le 15 novembre 1912 à Clémency (Luxembourg), près des frontières belge et française, fils d’Eugène Pierron et d’Anne Kaun.

Pendant un temps, il habite à Audun-le-Tiche (Moselle).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 9, rue du Viaduc à Thil, à l’ouest de Villerupt (Meurthe-et-Moselle). Célibataire, il vit en concubinage avec Rosette P., d’origine italienne, au domicile des parents de cette dernière, à partir du 11 mars 1941. Sa compagne est connue par la police comme partageant ses idées politiques et le père de celle-ci est désigné comme un « vif sympathisant communiste ».

Nicolas Pierron est ouvrier, wattman de mine à la Société des Mines des Aciéries de Micheville à Thil.

De 1937 à 1938, il est syndiqué à la Fédération du sous-sol. La police le considère également comme « sympathisant communiste », ajoutant qu’il « s’est fait remarqué (sic) lors de manifestations communistes ».

Au cours des « hostilités 1939-1940 », il est mobilisé au 139e régiment d’infanterie, au camp de Mortfontaine. Mais il est démobilisé dès le 17 octobre 1939, selon un rapport de police. Peut-être est-ce alors qu’il revient à Thil comme « affecté spécial ». La police le considère comme un « vif propagandiste » du Parti communiste, continuant à colporter le journal L’Humanité et soupçonné de placarder des affiches la nuit. Mais, au retour de l’évacuation de son entreprise (“débâcle” et “exode”), la police ne recueille plus de « preuve de son activité subversive ».

À une date restant à préciser, il semble qu’il soit envoyé en Allemagne par son entreprise, mais qu’il revienne en France « irrégulièrement ».

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 21 février, Nicolas Pierron est arrêté comme otage par la Feldgendarmerie, avec Maurice Ostorero, de Thil.

Le 23 février, il fait partie d’un groupe de vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Nicolas Pierron est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Probablement sollicité par sa compagne lui demandant d’intervenir pour le faire libérer, le commissaire de police de Villerupt écrit au sous-préfet de Briey : « il ne me semble pas qu’il y ait lieu de réserver une suite favorable à la requête de la demanderesse. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Nicolas Pierron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Nicolas Pierron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45985 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Nicolas Pierron est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Germain Pierron est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Germain Pierron est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, Germain Pierron est parmi les trente “45000” [1] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

On ignore le parcours qu’il a suivi ensuite en déportation et les circonstances de sa libération et de son rapatriement.

Germain, Nicolas, Pierron décède le 25 août 1993.

Notes :

[1] Les trente “45000” d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 348 et 350, 359, 368 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 246.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) et  cote WM 312 ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-02-2024

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.