Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Henri, Philibert naît le 17 décembre 1892 à Romans-sur-Isère (Drôme), à l’hospice de la ville, fils de Mélanie Philibert, 26 ans, domestique.

Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…).

Le 25 février 1919 à Puteaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), Jean Philibert se marie avec Anne Pinon.

Le 15 janvier 1921, il est nommé concierge titulaire à la ville de Puteaux.

Le 27 juin 1925 à Puteaux, Jean Philibert se marie avec Louise Hinault, née le 20 janvier 1899 à Trégeux (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor). Ils ont deux enfants : Ginette, née le 18 juillet 1926 à Paris 8e, et Serge, né le 2 juin 1932 à Paris 18e.

Le 21 avril 1926, il est nommé cantonnier titulaire à la ville d’Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne – 94).

Le 1er août de la même année, il est nommé cantonnier à la ville de Clichy-la-Garenne [2] (92), exerçant les fonctions de concierge de l’école Paul-Bert au 3, rue Gobert (devenue rue du Docteur-Calmette). Louise, son épouse, intègre le personnel communal de Clichy en 1929, comme femme de service.

Jean Philibert est un militant communiste.

Le 6 décembre 1940, il est arrêté une première fois à Clichy par la police française pour « reconstitution de ligue dissoute » (le Parti communiste a été interdit à l’automne 1939), en même temps qu’Alexandre Antonini (à vérifier !).

Le 24 juin 1941 [3], alors qu’il est presque aveugle, il est de nouveau arrêté et interné le 27 juin au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager. Enregistré sous le matricule 386, il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 5 janvier 1942, le maire (ou le président de la délégation spéciale ?) prend un arrêté qui le relève de ses fonctions, avec effet rétroactif au premier juillet 1941.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Philibert est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Philibert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45978, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Philibert.

Il meurt à Auschwitz le 14 octobre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Sa fille Ginette est embauchée le 1er octobre 1943 à la mairie de Clichy, comme employée aux écritures. Elle en part le 7 avril 1945.

Jean Philibert est homologué comme “Déporté politique” en 1954. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

Une cellule du PCF de Clichy a pris son nom.

Notes :

[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Clichy-la-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, administré par la Wehrmacht, réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich” et qui ouvre en tant que camp de police. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignage de René Petitjean, de Clichy – Archives municipales de Clichy.
- Archives communales de Romans-sur-Isère, archives en ligne : état civil, registre des naissances de l’année 1892, acte n°402 (cote E109, vue 206/236).
- Archives communales de Clichy : listes électorales, archives de la section locale de la FNDIRP.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 924 (36108/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.