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Roger, Louis, Xavier, Pélissou naît le 9 juillet 1914 Paris 9e, chez ses parents, Henri Louis Pélissou, 35 ans, tailleur d’habits, et Thérèse Feld, 35 ans, hôtelière, domiciliés au 66 rue Rochechouart.

Ayant rejoint le 22e régiment d’infanterie coloniale le 18 mars 1915, son père est “tué à l’ennemi” à Massiges (Marne) le 6 novembre suivant.

Le 2 juillet 1919, Roger Pélissou est adopté par la Nation en vertu d’un jugement du tribunal civil de la Seine.

Le 3 janvier 1938, Roger Pélissou entre en qualité de “garçon de bureau” à la Compagnie du Métropolitain de Paris (ancêtre de la RATP)..

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Les quais de la station Place d’Italie dans les années 1930.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 5 février 1938, il est appréhendé par la police alors qu’il quête sur le voie publique en faveur de l’Espagne républicaine (suite à vérifier…).

Le 4 novembre 1939, à Paris 5e, il se marie avec Jeanne (« Jeannette ») Le Guillou, née le 25 octobre 1921 à Trebeurden (Côtes-d’Armor). Ils n’ont alors pas d’enfant.

Pendant un temps, il milite au sein de la section des Jeunesses communistes du 5e arrondissement.

Le 30 août 1939, il est mobilisé dans le corps des Sapeurs pompiers à la caserne de Grenelle. Il est “renvoyé dans ses foyers” le 9 juillet 1940.

D’avril 1941 jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié dans un pavillon au 62, avenue Raspail à Bagnolet [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le 4 octobre 1941, Roger Pélissou est arrêté avec son épouse. Lui est conduit au dépôt de la préfecture de police, la Conciergerie sur l’île de la Cité (Paris 1er) où il retrouve d’autres militants et en “accueille” d’autres, tel Pierre Bertolino.

Le 8 octobre, le préfet de police de Paris signe les arrêtés ordonnant l’internement administratif de Jeanne et Roger Pélissou.

Le 12 octobre Jeanne Pélissou écrit au préfet de police : « Ayant été arrêtée avec mon mari le 4 octobre, je fus conduite à La Roquette comme administrative. Depuis, je ne sais ce que mon mari est devenu. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me faire savoir l’endroit où il fut transféré et vous prie de me donner les renseignements pour pouvoir correspondre. »

Le 10 novembre, le cabinet du préfet de police écrit au directeur de La Petite-Roquette pour qu’il fasse connaître à Jeanne Pélissou que son mari « est actuellement détenu au Dépôt près la préfecture de police en attente de son transfert dans un camp de séjour surveillé. »

Ce même 10 novembre, Roger Pélissou est parmi les 58 militants communistes transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; alors que son épouse n’apprendra que le lendemain son passage au Dépôt.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Par la suite, Jeanne Pélissou est internée à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier, à Paris 20e.

Début mai 1942, Roger Pélissou écrit à une autorité française afin de solliciter la libération de son épouse.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 29 mai, Jeanne Pélissou est transférée au centre de séjour surveillé d’Aincourt (Seine-et-Oise).

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Pélissou est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Pélissou est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45957 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Pélissou se déclare alors comme serrurier. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Pélissou est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est intégré au Strafkommando (compagnie disciplinaire) et affecté au creusement du Königsgraben, fossé de drainage central du camp de Birkenau.Avec Guy Lecrux, Roger Pélissou se rend devant le Block 24, près de l’entrée du camp, où des détenus autrichiens leur donnent un peu de soupe. Il prend ainsi contact avec des membres de la résistance autrichienne. Avec Roger Abada et Eugène Garnier, il crée le triangle de direction du groupe français de résistance, intégré au sein du Comité international d’Auschwitz.Georges Gallot, de Montreuil, a témoigné que R. Pélissou lui a sauvé la vie à deux reprises : en partageant son pain et en l’empêchant de se jeter sur les barbelés électrifiés de |’enceinte du camp.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Roger Pélissou reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis. Avec quelques autres, il aide ses camarades à écrire en allemand.

À la mi-août 1943, Roger Pélissou est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. Roger Pélissou est affecté au WerkStatten.

Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transféré au KL [2] Flossenburg (Haut-Palatinat Bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août. Roger Pélissou est inscrit sous le matricule 19 908.

Le 23 octobre 1944, Roger Pélissou est transféré au KL Mauthausen avec Marcel Thibault. Dans ce camp, où ils arrivent le 25, il est enregistré sous le matricule 108 098.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 26 janvier 1945, ils sont transférés ensemble à Gusen II, Kommando annexe de Mauthausen (Marcel Thibault y meurt d’épuisement).

C’est dans ce camp que Roger Pélissou est libéré par l’avancée des troupes américaines le 5 mai 1945. Il est rapatrié en France le 21 mai.

Au retour des camps, il retrouve Jeannette, qui a successivement été internée dans les camps français de Gaillon (Eure), de la Lande, à Monts (Indre-et-Loire) et enfin, le 15 janvier 1944, celui de la route de Limoges à Poitiers (Vienne), d’où elle s’est évadée le 4 août 1944 (le camp ayant été libéré le 7 septembre suivant).

Le couple a un enfant.

Roger est réintégré à la RATP en qualité d’électricien.

Le 19 octobre 1947, il est élu conseiller municipal de Bagnolet sur la liste présentée par le Parti communiste français, dont il est redevenu un militant actif.

Le 11 décembre 1950, il fait partie d’une délégation du personnel de la RATP qui se rend au palais de l’Élysée afin de protester contre le réarmement de l’Allemagne.

Début février 1953, il dépose une pétition à la caserne de Reuilly pour demander la libération de Le Léaps (?).

Comme beaucoup de rescapés, Roger Pélissou renseigne des familles de déportés sur le sort de ceux qu’il a connu (tel André Sevens, Pierre Bertolino…). Il voit «  fréquemment » Georges Gallot.

Roger Pélissou décède le 9 décembre 1985, à 61 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 134, 179 et 180, 203, 210, 294, 346 à 348, 359, 384 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 13.
- Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, liste « Résistants déportés », page 288, liste « Résistants internés » page 296.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” , camps d’internement… (BA 2374) ; dossier commun de Jeanne et Roger Pélisson (sic) au cabinet du préfet (1 W 338-24632).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 141.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cote 1W145 (arrêté d’internement de Jeanne Pélissou).
- Archives départementales de la Vienne (AD 86) : camp de Rouillé (109W75).
- Lettre de Roger Pélissou à Rolande, veuve de Pierre Bertolino (22-03-1964).
- Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, Pologne, version française 2011, volume IV, La Résistance, Henryk Swiebocki, pages 131 à 137.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Bagnolet : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.