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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roland, Jean, Pannetrat naît le 15 décembre 1923 à Paris 11e (75), fils de Pierre Pannetrat, 32 ans, monteur en fer, et de Marguerite Pellé, son épouse, 27 ans, culottière à domicile. Roland a un frère aîné, Gilbert, né 21 décembre 1919 à Paris 20e.

Leur père est mobilisé au cours de la première guerre mondiale : titulaire de la Croix de guerre, de la Médaille militaire et de la Croix de combattant, sergent dans la réserve, il est pensionné à 10 % pour blessure de guerre.

Au moment de son arrestation, Roland Pannetrat habite encore chez ses parents, alors domiciliés dans une cité HBM [1] au 11, rue Édouard-Robert à Paris 12e, de même que son frère.

Pendant un temps, il travaille comme manœuvre (petite main ajusteur) à l’établissement des Eaux minérales de Vic-sur-Serre, aux entrepôts de Bercy (Paris 12e). À partir de juillet 1940, il est au chômage.

Avant-guerre, il est membre des Jeunesses communistes (JC).

Pendant la drôle de guerre (après la dissolution du Parti communiste ?), Roland Pannetrat est évacué dans le Cher, d’où il revient au début juillet 1940, après l’armistice.

Au début de l’occupation, son père, Pierre Pannetrat, « ancien trésorier de la 12e section de Paris-Ville » constitue « un centre de diffusion de tracts où [les militants viennent] se ravitailler ». En septembre 1940, il demande à un voisin des HBM, ancien camarade de Parti, Ludovic G., 47 ans, veuf, qu’il considère comme moins exposé, d’entreposer dans son propre logement ce matériel de propagande clandestine, ainsi que des brochures. À la suite de quoi, des délégués de région du PC (restés anonymes) viennent à plusieurs reprises y effectuer des dépôts de tracts. Ludovic G. stocke également des exemplaires du journal des JC, L’Avant-Garde, diffusés par les jeunes militants du secteur, dont son fils, Raymond, 19 ans. Enfin, son appartement servant aussi de lieu de réunion pour un comité de chômeurs de l’arrondissement, Ludovic G. entrepose aussi des exemplaires de La Vie Ouvrière, organe de la CGT clandestine.

De son côté, Roland Pannetrat participe aux « réunions de propagande » des JC, dont certaines se tiennent dans la rue, près de la grille d’entrée des immeubles située au 10, rue Tourneux, sous la direction de Joseph Le Lagadec [2] (27 ans) et regroupant également Jean Canard [3], Raymond G., les frères Migdal, Armand et Jean Feldmann. Les membres du groupe diffusent leur journal et/ou des tracts, collent des papillons sur les murs du voisinage, ou y inscrivent à la craie des slogans comme « Thorez au pouvoir ». Le père de Roland Pannetrat est au courant de l’engagement clandestin de son fils.

En décembre 1940 et janvier 1941, la brigade spéciale des renseignements généraux constate « qu’une active propagande communiste [est] menée dans le 12e arrondissement » et surveille de très près un militant qui reçoit « à son domicile, rue de la Lancette, de nombreux individus » Surveillances et filatures permettent en effet de repérer plusieurs militants. Le 25 janvier, deux inspecteurs se présentent au domicile de Ludovic G. (15, rue Édouard-Robert, premier étage gauche, deux pièces). La perquisition opérée amène la découverte dans un coffre à charbon de 15 000 tracts ronéotypés divers (« scellé n° 1 […] conduit à la fourrière en raison de son volume et de son poids ») et, sur une table dans la chambre, de diverses brochures, de 90 Avant-Garde, de 70 tickets de souscription pour les chômeurs, et de 530 papillons gommés. Père et fils sont conduits dans les locaux des renseignements généraux, à la préfecture de police, pour y être interrogés, Ils admettent rapidement leur propre implication, et mettent en cause les membres de leur réseau qui leurs sont connus ; André Migdal parlera ultérieurement d’« un père et son fils qui ne résistèrent pas aux interrogatoires ». Ainsi, Raymond G. signe une liste nominative de tous leurs contacts (« Je certifie que les susnommés prennent part à la propagande clandestine est [sic] qui venaient chez mon père chercher les tracts »). Sur cette liste figurent les trois frères Migdal et la famille Pannetrat. Tous sont appréhendés le lendemain, 26 janvier, à leurs domiciles respectifs. Sur Pierre Pannetrat, les inspecteurs de la BS 1 trouvent alors un carnet (de rendez-vous ?) et, dans l’appartement, 18 exemplaires du tract intitulé « Liberté pour les emprisonnés politiques ».

Dix-sept autres personnes sont arrêtées et interrogées à leur tour dans les bureaux des RG. La plupart démentent d’abord leur participation à l’activité de propagande clandestine. Mais, les dénégations des militants ne tiennent pas lors de leur confrontation avec le père et le fils G. qui persistent à les mettent en cause, ou lors des confrontations avec les premiers d’entre eux ayant “craqué” (situation vécue par Roland Pannetrat).

Le 26 janvier, après les divers interrogatoires et au vu des rapports des inspecteurs, considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la distribution, la détention en vue de la distribution, l’apposition de tracts et de papillons d’inspiration communiste », le commissaire André Cougoule, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, inculpe seize personnes – dont les quatre membres de la famille Pannetrat – d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt, à disposition du procureur de la République (trois personnes étant laissées libres, aucun fait délictueux n’ayant été relevé à leur charge). Le, 28 janvier, Roland Pannetrat est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, Paris 14e.

Le 30 mai 1941, les seize inculpés de cette affaire comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; trois pères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables. Roland Pannetrat est condamné à quatre mois de prison, son père à un an de prison et 100 francs d’amende (il se pourvoit en appel), son frère et sa mère sont relaxés ; « Il est bien apparu en effet que ceux-ci sont restés étrangers aux agissements du sieur Pannetrat. » Roland Pannetrat est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), quartier des mineurs, le jour-même.

Le 26 mars 1942, la Cour d’appel de Paris, considérant qu’il est mineur (17 ans) et « ayant agi sans discernement », le place sous le régime de la liberté surveillée (n’avait-il pas purgé sa peine entre temps ?).

Le 28 avril suivant, Roland Pannetrat est de nouveau arrêté – par la police française et la Feldgendarmerie - comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par «  les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin (particulièrement des hommes ayant précédemment été poursuivis par la Justice). Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Roland Pannetrat est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roland Pannetrat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45946, selon les listes reconstituées (la photo correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Roland Pannetrat est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Là, il se trouve un moment dans le même Kommando qu’Aimé Obeuf, lequel s’efforce de le protéger : lui, qui est ancien mineur et ancien terrassier, creuse la terre pour deux, pendant que Roland Pannetrat fait le guet. Mais cela ne suffit pas…

Roland Pannetrat meurt à Birkenau, le 2 décembre 1942 d’après les registres du camp ; il n’a pas encore dix-neuf ans.

Son père, Pierre Pannetrat (né le 10 novembre 1891 à Paris 12e), est déporté le 12 mai 1944 dans le transport de 2073 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 51559). Rescapé, il est rapatrié en 1945.

Roland Pannetrat est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-02-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 416. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’André Migdal, frère de son camarade Henri Migdal qui a connu le même sort – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut). 
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941, cote D1u6-5857. 
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” (BA ?) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 112, « affaire G. – Pannetrat – Canard – Vadkerti – Poing – Feldman – Migdal – Stéphan – Le Lagadec », 26–1-1941. 
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie, BB18 7047, 2B2 3260. 
- Aimé Oboeuf, entretien réalisé par Claudine Ducastel et Gilbert Lazaroo (4-10-1997), transcription de Renée Joly. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 902 (42686/1942). 
- Concernant Pierre Pannetrat : Claude Mercier, François Perrot, Livre-Mémorial d la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.211, tome 3, pages 541-543, 606.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La cité Fécamp-Robert-Tourneux se situe dans le 12e arrondissement à proximité de la place Félix Eboué et du métro Daumesnil (quartier de Bel-Air sud). Il s’agit d’un ensemble HBM construit en 1920-1924 par l’architecte Alexandre Maistrasse, comptant 603 logements de taille réduite – ainsi que 2 loges de gardiens et 3 logements rattachés à des commerces – répartis dans 4 ensembles de bâtiments en briques à R+6 et R+7 aux angles des rues.
L’office public d’habitations à bon marché (HBM) a été créé en 1914 pour fournir un logement aux miséreux de la « zone », mais aussi un « cadre éducateur d’ordre et de propreté ». Ainsi les nouveaux logements sont-ils plus spacieux et confortables que les anciens bidonvilles (électricité, eau courante, W-C, douches, chauffage). Cependant, l’îlot refermé sur lui-même est au service de la discipline et de la surveillance sociale, comparable à celle des grandes usines. (source : parisbalades.com/arrond/12/12ereuilly.htm et belairsud.blogspirit.com/files/2013%20DLH%20338.pdf)

[2] Joseph Le Lagadec, né le 24 novembre 1913 à Paris, déporté le 6 avril 1944 dans le transport de 1489 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Mauthausen (matricule n° 62683), meurt au Kommando de Gusen le 10 mars 1945. (source : Claude Mercier, in Livre-Mémorial FMD, convoi I.199, tome 3, pages 354-355, 390)

[3] Jean Canard, né le 3 avril 1919 à Paris 12e, employé de banque, domicilié au 16, rue Édouard-Robert, déporté le 12 mai 1944 (comme Pierre Pannetrat) dans le transport de 2073 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 51834), est transféré au Kommandos de Dora-Ellrich, puis Dora-Norhausen. Rescapé, il est libéré dans ce camp le 11 avril 1945. (source : Claude Mercier, François Perrot, Livre-Mémorial d la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.211, tome 3, pages 541-543, 559)