Émile, Jean, Obel naît le 13 janvier 1896 à Courbevoie [1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez sa mère, Charlotte, Jeanne, Obel, 23 ans, couturière, domiciliée au 49, quai de Courbevoie, de père « non dénommé ». Pour son enregistrement à l’état civil, le nouveau-né est présenté par la sage-femme qui l’a accouché. Sa mère vient le reconnaître en mairie trois semaines plus tard.

Pendant un temps, Émile Obel habite à Paris 19e.

De la classe 1916, il est incorporé le 13 avril 1915 comme solat de 2e classe au 20e régiment de chasseurs. Il monte au front le 10 octobre 1916. En août et septembre 1917, à Verdun, chargeur à la 2e section de mitrailleurs, il se fait remarquer par sa bravoure et son sang froid. Le 29 avril 1918, au Bois-le-Prêtre, au cours d’un violent bombardement, il est blessé par éclats d’obus à l‘index droit et à l’avant-bras gauche. Il ne consent à se laisser conduire au poste de secours qu’à la fin de l’attaque. Il est cité à l’ordre du 20e chasseurs le 9 mai suivant et reçoit la Croix de guerre. Le 16 juillet, il est affecté au 500e régiment d’artillerie d’assaut et rejoint cette unité le 16 août. Le 13 septembre suivant, il passe au 82e bataillon d’artillerie (?). Le 6 novembre, il passe « renfort Bouron » (?). Le 25 septembre 1919, étant en permission, à Paris, il est mis en congé illimité de démobilisation par le dépôt du 13e RAC, à Vincennes, titulaire d’un certificat de bonne conduite (il recevra la Croix de combattant en mai 1930). En décembre 1931, tout en le maintenant dans la réserve du service armé, la 5e commission de réforme de la Seine constatera une « laryngite catarrhale chronique, cordes vocales épaissies, congestionnées, rougeur des aryténoïdes [cartilages du larynx qui tendent les cordes vocales], dysphonie ; reliquats de conjonctivite due au gaz (déclaration de l’intéressé)… ». En 1933, la 1ère commission de réforme ajoutera « …dysphonie et voix éraillée ».

Émile Obel est marié et père de deux enfants.

Il est mécanicien-ajusteur.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 4, rue Émile-Duployé à Paris 18e, à l’angle de la rue Stephenson.

Le 1er avril 1939, il est victime d’un accident à la main droite, entraînant une limitation de la flexion de ses doigts.

En 1939, à la suite de la déclaration de guerre, il n’est pas mobilisé. Le 8 avril 1940, la 1ère commission de réforme de la Seine le classe réformé temporaire n° 2 pour « laryngite catarrhale chronique simple avec dysphonie et séquelles de fracture à la main droite entraînant une limitation des mouvements ». Le 8 avril 1940, la 1ère commission de réforme de la Seine le classe réformé définitif n° 1 pour les mêmes causes.

Le 13 novembre 1940, Émile Obel est arrêté au café des Marronniers, boulevard Rochechouart à Paris 18e, par la police française, « pour propos anti-allemands » en même temps que trois autres hommes : Georges Fabre (décédé le 1er février 1942 au camp de Rouillé), Jean Maninchelli et Ernest Pichard. Émile Obel est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (à Paris 14e). À un moment restant à préciser, il passe sous le statut d’interné administratif.

En mars 1941, il est transféré à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire), puis, en mai, à celle de Clairvaux (Aube).

Le 26 septembre 1941, Émile Obel fait partie de la centaine d’internés de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il est le premier de la liste rédigée à cette effet.

Entre fin avril et fin juin 1942, Émile Obel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Obel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45933 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Émile Obel est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il contracte le typhus, puis une broncho-pneumonie.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Émile Obel est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [3] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin (matr. 94282 ).

Le 21 avril 1945, Émile Obel est pris dans les colonnes de détenus évacués du camp et conduits à marche forcée sur les routes en direction de la mer Baltique. Début mai, sa colonne est libérée par l’avancée des troupes soviétiques.

Émile Obel est hospitalisé pendant un mois et demi à Haguenau (Bas-Rhin).

Au cours d’un examen médical, il déclare avoir eu le typhus et trois broncho-pneumonies. Son état général est coché « mauvais » et son amaigrissement global est estimé à 10 kg.

Le 9 juin 1945, Émile Obel est rapatrié en avion à Paris, passant par le Centre parisien de l’hôtel Lutetia et la « rue d’Artois ».

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Au début des années 1950, il habite à La Rochelle (Charente-Maritime).

Le 27 novembre 1953, Émile Obel remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté politique. Dans sa séance du 12 juillet 1955, la Commission d’attribution de La Rochelle émet un avis favorable à sa demande, à partir duquel la délégation interdépartementale de Bordeaux du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui délivre le 15 juillet suivant le titre de Déporté politique (carte n° 1133.0373).

Émile Obel décède à Bordeaux le 20 décembre 1962.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 350, 359, 373 et 415.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut) – Mémorial de Sachsenhausen – État civil de la Mairie de Courbevoie.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Courbevoie, année 1896 (E NUM COU N1896), acte n° 27 (10/140).
- Archives communales de Courbevoie ; relevé de la mention marginale portée sur l’acte de naissance, transmis à G. Petiot (message 01-2014).
- Archives de Paris ; registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1916, 1er bureau, volume 1501-2000 (D4R1 1897), Obel Émile, Jean…, matricule 1739.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 1.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’Émile Obel (21 P 606 191), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-12-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Courbevoie : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon(45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais(45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin(45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).