Camille, Armand, Nivault naît le 1er septembre 1906 à Paris 17e, fils d’Armand Nivault, employé de la Société des transports en commun de la région parisienne (SCTRP, ancêtre de la RATP), et d’Anna Heimberger, son épouse.

Pendant un temps, Camille Nivault travaille comme menuisier ou ébéniste.

Le 10 novemnre 1926, du 1er bureau de recrutement de la Seine (matricule 5658), il est appelé à effectuer son service militaire comme soldat de 2e classe (au 8e régiment du génie ? à vérifier…). Il est renvoyé dans ses foyers le 16 avril 1928.

Le 24 mai 1930 à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), il se marie avec Suzanne Nali, née le 4 mai 1910 à Reims (Marne),  vendeuse.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 6, avenue des Marronniers à Saint-Ouen).

Pendant un temps, Camille Nivault est employé à la STCRP, comme son père.

Pendant un temps, il est secrétaire des Jeunesses communistes de Saint-Ouen, puis ayant adhéré au PCF en 1938, il sera secrétaire administratif de la section locale.

Après la grève du 30 novembre 1938, à laquelle il participe, il est licencié de son entreprise.Le 4 septembre 1939, après la déclaration de guerre, il est rappelé à l‘activité militaire et affecté au 8e génie en qualité de sapeur-colombophile de 2e classe à la caserne de la Tour-Maubourg à Paris 7e, restant un des animateurs de la section clandestine de Saint-Ouen. Le 7 mars 1940, les renseignements généraux de la préfecture de police effectuent une perquisition à son domicile au cours de laquelle est découvert un tract d’inspiration communiste, le n° 1 du Trait d‘Union, adressé plus particulièrement aux militaires. Il est arrêté avec son épouse, mais ils sont relaxés, leur culpabilité n’ayant pu être établie. Camille Nivault est démobilisé le 18 juillet 1940.
Le 7 août, dès son retour de l’exode, il reprend des responsabilités dans l’action clandestine ; il est considéré par les Renseignements Généraux comme un « meneur communiste très actif » À la veille de son arrestation, il diffuse des tracts « anti-allemands » dans son entreprise, l’usine Charléty, sise rue Blanqui à Saint-Ouen, où il travaille à l’atelier de menuiserie.Le 27 juin 1941, il est appréhendé par la police française sur son lieu de travail dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. Camille Nivault est livré le jour-même aux autorités allemandes à l’hôtel Matignon, puis conduit au fort de Romainville qui sert en cette occasion de centre de regroupement, et transféré le 1er juillet au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police [2].Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Camille Nivault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45928 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Camille Nivault est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté dans un Kommando de la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres).

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Camille Nivault est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

En février 1944, avec R. Lambotte, R. Montégut et L. Penner, Camille Nivault est transféré au KLBuchenwald, avec plusieurs dizaines de détenus de toutes nationalités, pour répondre à un besoin de main d’œuvre de la SS. Après leur arrivée, le 23 février 1944, ils sont affectés dans des ateliers dépendant encore de la DAW.

Assignés au Block 14, Camille Nivault (matr. 34191), Raymond Montégut et Lucien Penner restent au même poste de travail jusqu’à la libération du camp, le 11 avril 1945. Ce jour-là, la Résistance militaire organisée parmi les détenus – dont Camille Nivault – prend le contrôle de celui-ci à l’approche des troupes américaines. Camille Nivault est rapatrié le 29 avril et passe par le centre de rapatriement de la gare d’Orsay. Il rejoint ensuite une adresse au 14, rue des Envierges à Paris 20e.

Rapidement, il reprend ses activités militantes à Saint-Ouen : membre du Comité de section du PCF.

Dès 1945, il est secrétaire de la section locale de la Fédération nationale des Déportés, Internés et Résistants Patriotes (FNDIRP).

En juin 1948, il habite au 84, boulevard Victor-Hugo, à Saint-Ouen.

Le 3 février 1948, le secrétaire administratif de la fédération de la Seine du Parti communiste français signe une attestation certifiant que Camille Nivault faisait partie de la Résistance dans les rangs du PCF.

Le 7 août suivant, le secrétariat d’État aux Forces armées lui délivre un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) au titre de son appartenance au Front national avec le grade fictif de sergent.

Le 7 juillet 1950, le liquidateur du Front national de lutte pour la libération, l’indépendance et la renaissance de la France signe une attestation au nom de Camille Nivault indiquant que celui-ci a fait partie de la Résistance au sein de ce mouvement, participant à sa création sur la région Nord, et plus particulièrement chargé du transport et de la répartition du matériel de propagande à l’intérieur de son usine.

Le 3 septembre 1950, Camille Nivault remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant à en-tête du ministère des Anciens combattants et Victimes de la guerre (ACVG). Le 21 décembre suivant, la commission départementale de la Seine des déportés et internés résistants donne un avis défavorable à cette demande, suivie par le directeur départemental, par la commission nationale, et enfin par le ministère qui rejette la demande le 21 septembre 1953, au motif que : « Il résulte du dossier que l’intéressé ne remplit pas les conditions exigées par les dispositions combinées des articles R.286 et R.287 ». Le 5 novembre 1953, Camille Nivault se voit délivrer la carte de déporté politique n° 1101.07192. Le 24 décembre, il écrit au ministre des ACVG pour lui présenter un recours gracieux contre ce rejet « qui blesse l’équité ». Le 29 mars 1954, la direction du contention des ACVG écrit à la direction des renseignements généraux pour lui demander des renseignements concernant les motifs de son arrestation. Le 20 septembre 1954, Camille Nivault reçoit une fin de non recevoir : « L’article R.286 du Code des Pensions Militaires d’invalidité et des Victimes de la Guerre édicte que le titre de Déporté Résistant est attribué à la condition expresse que la cause déterminante de la déportation soit un des actes qualifiés de résistance à l’ennemi définis à l’article R.287 dudit code. Or, il appert d’un document du dossier que vous avez été arrêté le 27 juin 1941 par la police française en vertu du décret du 18 novembre 1939 relatif à la répression des activité politiques clandestines et non des activités résistantes. Ces faits se trouvent confirmés par les renseignements recueillis postérieurement à la décision de rejet qui ne peut être modifiée ».

Le 26 avril 1953, Camille Niveau est élu Conseiller municipal du quartier Victor-Hugo sur la liste du Parti communiste.

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Saint-Ouen. La mairie après guerre.
Carte postale sans date (années 1950 ?). Coll. M. Vive.

Camille Nivault décède le 13 décembre 1982.

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

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Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346, 359, 387 et 415.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 44.
- Fernand Devaux, de Saint-Denis, 45472, rescapé, note.
- Le Réveil, 30-07-1945, Archives communales de Saint-Ouen.
- Archives de la préfecture de police, Seine / Paris ; cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Camille Nivault (21 P 605 410), recherches de Ginette Petiot (message 06-2016).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.