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Jean, Simon, César, NicolaÏ naît le 30 avril 1921, à Paris 14e, fils de Don Jacques Nicolaï, 33 ans, cordonnier natif de Corse, et d’Élise Dufois, 26 ans, employée de bureau, son épouse.

Il effectue une partie de sa scolarité à l’école Jean-Baptiste Say, 11 bis, rue d’Auteuil à Paris 16e, où il fait la connaissance de Camille Gianni, frère cadet de Paul Gianni, et de Jean Christian, et où il obtient le brevet élémentaire et le brevet d’études primaires supérieures.

L’école Jean-Baptiste Say dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

L’école Jean-Baptiste Say dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

De sa naissance au moment de son arrestation, Jean Nicolaï habite chez ses parents, dans un logement au 225, rue d’Alésia à Paris 14e, à hauteur de la rue de l’Ouest. Il est célibataire.

En septembre 1939, son père décède subitement à l’âge de 52 ans.

Jean Nicolaï est étudiant à l’École d’administration des Ponts et Chaussées, en suivant des cours par correspondance à son domicile.

Sportif, il est adhérent de la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail).

Sous l’Occupation, il donne son adhésion au Parti communiste “dans l’illégalité” et se joint à un groupe actif qui réussit plusieurs sabotages d’installations allemandes (voir René Deslandes).

À partir de septembre 1940, il intègre un “triangle” des Jeunesses communistes clandestines (trois garçons – lui-même, Jean Christian et Paul Gianni – sous l’autorité d’une responsable : Jeannine Gagnebin [1]) qui fabrique des tracts et des papillons puis les distribue et les colle. Jean NicolaÏ pourrait plus particulièrement être chargé des jeunes chômeurs : en compagnie de Jean Christian, il dactylographie un tract intitulé Union des comités populaires des jeunes chômeurs de Paris.

Dans la nuit du 15 décembre 1940, vers 22 heures, alors que Jean Christian et Camille Gianni collent des affiches (« Pour que vos enfants aient du pain »), ils sont surpris par une patrouille d’agents cyclistes. Camille Gianni parvient à s’enfuir, mais Jean Christian est appréhendé. Interrogé par le commissaire de police  du quartier et, devant les preuves qui l’accablent, le jeune homme livre toutes les informations qu’il possède sur son groupe.

Le 17 ou 18 décembre 1940, Jean Nicolaï est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de son quartier (Plaisance ou Necker), en même temps que Jeannine Gagnerin, une jeune femme et trois autres garçons (dont les frères Camille et Paul Gianni). Une perquisition au domicile de Jean NicolaÏ permet à la police française de trouver une machine à écrire, un tampon encreur et un timbre sec permettant la confection de bons à tarif réduit pour un Comité Populaire de jeunes chômeurs.

Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 par un juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine, tous sont placés sous mandat de dépôt. Après un passage par la Conciergerie, Jean NicolaÏ est écroué le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 11 janvier 1941, lors du procès verbal d’interrogatoire et de confrontation conduit par le juge d’instruction dans son cabinet, il est assisté par Maîtres Hajje et Santarelli.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 1er mars, les cinq garçons et les deux jeunes filles comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine. Celle-ci condamne Jean NicolaÏ à trois mois d’emprisonnement, car il n’a pas d’antécédent judiciaire ni ne fait l’objet de renseignement défavorable. Sa peine ayant déjà été largement couverte par sa détention préventive, il est libéré le 18 mars.

À partir de septembre 1941, il entre comme employé de bureau à la Société industrielle des téléphones (SIT), sise au 2, rue des Entrepreneurs (Paris 15e).

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Avec lui sont arrêtés Jean Christian et Paul Gianni. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 - Polizeihaftlager). Jean Nicolaï y est enregistré sous le matricule n° 4064 et assigné au bâtiment C2.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Peut-être écrit-il à sa mère un dernier courrier daté du 28 juin (date mentionnée dans un rapport de police).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Nicolaï est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45923 selon les listes reconstituées et par comparaison de la photo du détenu portant ce matricule avec un portrait “civil” datant d’avant son arrestation.

À Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Collection numérique Mémoire Vive, © Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

À Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Collection numérique Mémoire Vive,
© Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Jean Nicolaï.

En France, peu après avoir s’être vue retourner une lettre adressée à son fils au camp de Royallieu avec la mention « Parti. Retour à l’envoyeur », sa mère écrit à une autorité française qui la met en contact avec la Délégation générale du Gouvernement français dans les territoires occupés. Le 18 juillet, elle répond à un courrier de cette administration posté deux jours plus tôt.

Jean Nicolaï meurt à Auschwitz le 9 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1].

Le 4 avril 1946, Élise Nicolaï, sa mère, complète et signe à la mairie du 14e un formulaire du ministère des Anciens combattants et victimes de la Guerre (ACVG) en vue d’obtenir la régularisation de l’état-civil d’un “non-rentré” ; elle sait alors que son fils a été déporté le 6 juillet 1942 pour un « camp présumé à Auschwitz ».

Le 1er juin 1948, Lucien Penner, de Paris, rescapé du convoi, complète et signe un formulaire à en-tête de l’amicale d’Auschwitz-FNDIRP, par lequel il certifie que Jean Nicolaï est décédé au camp d’Auschwitz à la date de « mars 1943 ».

Le 5 juin suivant, Élise Nicolaï compète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Elle indique décédé à « Auschwitz-Birkenau ».

Le 9 juin, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre dresse l’acte de décès officiel de Jean Nicolaï « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement le témoignage de L. Penner) et en fixant la date à mars 1943 [2].

En février 1951, Madame Nicolaï complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son fils. À la rubrique “renseignements relatifs à l’acte qualifié de résistance à l’ennemi qui a été la cause déterminante de l’exécution de l’internement ou de la déportation”, elle indique sommairement « Front national » [3], conformément au certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) établi en décembre 1948. Le 10 juillet 1952, la Commission départementale des Déportés Résistants rend un avis défavorable, suivie par la Commission nationale le 8 janvier 1954. Une semaine plus tard, la Commission nationale des Déportés Politiques rend un avis favorable à l’attribution de cet autre titre. Le 12 février suivant, le ministère des ACVG notifie cette décision à Madame Nicolaï, en lui envoyant à la carte n° 1.101.09283.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Jean Nicolaï (J.O. du 28-07-1995).

Notes :

[1] Jeannine Gagnebin, épouse Gianni (Camille ?), née le 10 janvier 1923 à Paris 15e), secrétaire, demeurant avenue Victor-Hugo à Thiais (Seine, Val-de-Marne) après la guerre, est élue conseillère municipale communiste de Thiais le 26 avril 1953, sur une liste dirigée Émile Zimmermann (mandat achevé en 1959). Source : Maitron en ligne.

[2] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Jean NicolaÏ, c’est le mois de mars 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 415.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut) – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29, fév. 1989, p. 71.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, jugement du samedi 1er mars 1941 (D1u6-3733).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 273-145724).
- Musée de la Résistance nationale de Champigny (94) : fonds Deslandes (nombreux documents rassemblés par André Deslandes à la mémoire de son père Gaston et de son frère René).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 861 (34950/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Nicolaï Jean (21 P 520 484), recherches de Ginette Petiot (message 01-2019).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-02-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.