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Collection Marcel Neiman. Droits réservés.

Israël Neiman naît le 31 août 1901 à Thighina (Roumanie).

Vivant en France depuis 1920, il est domicilié au 12, rue Poulet à Paris 18e, près de Château-Rouge.

À une date restant à préciser, il se marie, avec Ida Chouvalsky née le 30 mai 1907 à Paris 18e. Ils ont un fils : Marcel, le 12 juin 1931 à Paris 18e.

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Ida, Marcel et Israël Neiman au pied du Sacré-Cœur.
Collection Marcel Neiman. Droits réservés.

À partir du 21 juin 1923 et jusqu’à son arrestation, Israël Neiman travaille comme assortisseur en pelleteries pour la Compagnie Franco-canadienne, 16 rue Martel à Paris 10e (en face des éditions d’art Yvon).

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Devant l’atelier…
Collection Marcel Neiman. Droits réservés.

Le 14 mai 1940, au début de l’invasion allemande, Israël Neiman s’engage à l’Intendance Militaire de Paris comme volontaire étranger pour la durée de la guerre. Deux jours plus tard, il incorporé au Dépôt d’artillerie n°5 à Orléans comme 2e canonnier, classé à la 104e batterie. Le 4 août 1940, il est rendu à la vie civile par le Centre démobilisateur du canton de La Souterraine .

Sous l’occupation, l’entreprise de fourrure où il a retrouvé son travail ayant des propriétaires juifs, elle est mise sous tutelle dans le cadre de l’aryanisation. Cependant, elle fournit l’armée allemande en canadiennes en peau de mouton pour les conducteurs de char, ce qui semble la faire bénéficier – ainsi que ses employés – d’une relative protection.

En octobre 1941, Israël Neiman est dénoncé par une lettre anonyme dont on ignore le contenu.

Le 28 avril 1942, il est arrêté lors d’une vague d’arrestations déclenchée à l’initiative des “autorités d’occupation” et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Israël Neiman y est enregistré sous le matricule 4218.

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Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central
dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite
dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Il parvient à communiquer et à recevoir des colis par l’intermédiaire de l’épouse de Gaston Bocquillon (45261), domiciliée à Juvisy (celle-ci sera tuée lors d’un bombardement, laissant deux orphelines : Huguette et Georgette).

Entre fin avril et fin juin 1942, Israël Neiman est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Israël Neimann semble être déporté comme otage juif.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Comme d’autres déportés, Israël Neiman jette depuis le train un dernier message adressé à sa famille [1]. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Israël Neiman est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46302 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Israël Neimann.

On ignore également la date exacte de sa mort à Auschwitz, certainement avant la mi-mars 1943  [2].

Son nom a été inscrit sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah, rue Jeoffroy-Lasnier à Paris, mais – par erreur – dans le convoi du 5 juin 1942 au lieu du 6 juillet.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-05-1995).

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Sur le Mur des noms du Mémorial de la Shoah,
au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e,
parmi les déportés de l’année 1942.

Comme Israël Neiman l’évoque dans son dernier message (note ci-dessous), son employeur a continué à verser son salaire à son épouse jusqu’aux quinze ans de son fils. Marcel Neiman avait onze ans au moment de l’arrestation de son père et il a porté l’étoile jaune tout au long de la guerre, sans être aucunement mis à l’index par les enseignants ou les élèves.

Ida Neiman décède le 1er octobre 1993 à Paris 11e.

Notes :

[1] Compiègne le 6/7-42

Nous sommes dans le train et partons pour une destination inconnue.

Je vous ai déjà écris plusieurs mots au sujet de notre départ, mais je vous prépare celle-ci et tâcherai vous la faire parvenir. A la dernière minute je suis transféré chez les Juifs et nous partons 54 Juifs + 1120 du camp français (dit communiste) mais nous sommes séparés d’eux.

Je pars avec un moral excellent car vendredi j’eu ta lettre du 25/6, laquelle m’a rassuré à votre sujet, car n’ayant pas de nouvelles je me faisais du mauvais sang. Les lettres qui ont été retournées, c’est une erreur du bureau du camp, qui me croyait parti avec les Juifs le 5/6. Le colis que tu …

(feuillet 2)

m’annonce être envoyé le 22/6 au nom de Bo(u)quillon est arrivé. Mais il est retourné, car depuis quelques jours ils retournent les colis lourds par représailles (car il avait 19 évasions).

Ne vous inquiétez pas pour moi. Avec l’argent que j’avais et que j’ai encore, je me suis débrouillé au mieux.

Je ne sais pas si tu as fait le nécessaire pour tout ce que je te demandais dans les lettres précédentes : bicyclette, graissage. A prendre, l’allumage que j’ai laissé sur mon bureau et aussi un pantalon que j’ai laissé où je mettais mon chapeau. Il faut que tu reprenne mon complet qui est chez Bac. S’il peut le finir tel que, sans essayage, ou tel que je l’ai laissé. Range-les dans la valise avec les autres tissus. Tâche d’ajouter …

(3)

de la Naphtaline.

Aussi, en dehors de ma paie du mois d’avril, je devais toucher 2 Francs par gilet livré et il y (en) avait environ 2000 déjà livrés. Donc, tu devrais toucher 4000 F en plus.

Tu peux toujours dire à la maison que, si je suis dans ce bain, c’est à cause de la fameuse lettre anonyme du mois d’octobre par laquelle (on a ?) cherché à atteindre la maison plutôt que moi. Et après c’est la certitude d’être libéré en cas d’arrestation. Et , pour ces raisons, la maison ferait pas mal de te donner, si pas tout, au moins une partie des mensualités.

Je suis très content du fiston et ça m’a fait plaisir le résultat de son examen. Qu’il tâche d’être gentil.

(4)

Je fais tout mon possible pour écrire bien, que tu puisses lire. Mais c’est difficile, dans le train qui marche, d’écrire sur le genou.

Malgré tout, continuez à vivre comme par le passé, sans vous priver de rien. Et moi, de mon côté, je continuerai d’avoir l’espérance et un bon moral. Et je suis sûr que, d’ici peu, nous serons tous ensemble.

Je t’ai envoyé la nouvelle valise avec quelques affaires que je n’ai pas voulu traîner avec moi.

Si tout arrive à notre destination, à mon avis c’est en Allemagne que nous allons pour travailler. Et comme j’ai encore de l’argent (Draizentouz), je tâcherai …

(5)

de vous faire parvenir un mot pour vous dire où nous nous trouvons et ce que nous faisons.

Vendredi soir, comme j’étais déjà dans le camp juif, on a fait un (minien pour minha et mariv ?) et j’en ai profité pour dire (le) Kaddish. On y a pensé aussi pour samedi, mais on a été occupés avec les préparatifs de départ.

Tu peux écrire à Madame Boquillon que son mari est aussi parti avec le même train que nous.

Si tu as reçu mon bulletin de présence au camp, si tu t’es pas encore inscrite, fais-le maintenant de t’inscrire pour toucher l’allocation, et par la suite tu pourras avoir des autres avantages et aussi l’entrée facile dans les bureaux de la Croix-Rouge …

(6)

où tu pourras, si des fois je n’arrivais pas à te donner des nouvelles, te renseigner à mon sujet en rappelant mon n(uméro) de matricule 4218, départ de Compiègne le 6/7 – 54 Juifs. Il faut spécifier, car ils s’occupent de nous mieux que des autres.

Un camarade qui joint une lettre pour envoyer à sa femme. Tu lui indiquera l’endroit que sera indiqué sur l’enveloppe estampillé de la Poste, c’est - (interruption probable)

J’aimerais écrire encore, mais impossible ici.

Donc je t’embrasse bien fort et aussi le petit fiston, et à bientôt.

Votre Hi(?) qui pense à vous.

Embrasse bien ta mère, Georges, Sarah, Huguette et Monique, Margot, Jean et Serzik. Bien le bonjour à Diadia, à la mère de Sarah. Et aussi embrasse, si tu les vois, Rose et Hélène. Et un bonjour au 15 rue du Paradis et à tous les amis et connaissances, à notre concierge et voisin.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant d’Israël Neiman, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 415.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi, Musée d’Auschwitz).
- Marcel Neiman, son fils, témoignage, informations complémentaires.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-04-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.