Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Robert, Émile, Léon, Moura naît le 14 novembre 1898 à Paris 19e arrondissement, chez ses parents, Louis Moura, 29 ans, employé de commerce, et Mathilde Robinot, son épouse, 31 ans, domiciliés au 179, rue de Flandre. Il est fils unique.

Pendant un temps, Robert Moura habite chez ses parents, au 79, rue de Crimée à Paris 19e.

Le 26 novembre 1915, bien qu’appartenant à la classe 1918 – il a 17 ans -, il se porte volontaire pour la durée de la guerre à la mairie du 10e arrondissement. Le 15 avril 1916, il passe au 11e régiment d’artillerie. Le 25 février 1917, il passe au 6e régiment d’artillerie de campagne. Le 5 mars 1917, il passe au 81e régiment d’artillerie lourde. Le 7 janvier 1918, il manque à l’appel. Trois jours plus tard, il est déclaré déserteur, mais rayé des contrôles de la désertion dès le 15 janvier. Le 1er mai, il passe au 500 R.A.L. Le 22 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation. Le certificat de bonne conduite lui est refusé, peut-être à la suite de son absence non autorisée. Dès le 16 août, il indique une adresse au 130, rue de Belleville, à Paris 20e, où habitent ses parents.

Du 4 septembre 1920 au 17 janvier 1922, Robert Moura est classé par l’armée dans l’“affectation spéciale” dans la 6e section des chemins de fer de campagne comme employé de la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

Le 26 juin 1920 à Paris 20e, il se marie avec Charlotte Céline Vasseur, née le 20 novembre 1899 à Effry (Aisne), employée de chemin de fer. Ils ont un fils, Pierre Robert Georges, né le 27 décembre 1923 à Paris 20e. Mais le couple se séparera rapidement.

En août 1922, Robert Moura déclare habiter au 35, rue des Trois fontaines à Reims (Marne). En janvier 1923, il est retourné vivre chez ses parents.

Dès novembre 1924, Robert Moura vit maritalement avec une nouvelle compagne, Marcelle M.

Le 2 janvier 1928, son père, âgé de 59 ans, décède en son domicile, rue de Belleville, à Paris.

On ignore à quelle date Robert Moura quitte les chemins de fer ; pendant un temps, il est manœuvre (ouvrier spécialisé).

Militant communiste, il est trésorier de la cellule du lotissement ouvrier de La Lutèce à Garges-lès-Gonesse [1] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).

Selon un rapport ultérieur de la police, il part en Espagne combattre dans les Brigades internationales. Lui-même relate qu’il est parti en décembre 1936 et que, vers avril 1937, il est affecté au consulat français à Valence où il passe trois mois avant d’être rapatrié en juin suivant.

En juillet 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Robert Moura est domicilié au 12, rue Perrin-Maréchal à Garges-lès-Gonesse.

Le 9 juin 1938, le divorce d’avec sa première épouse est prononcé par le tribunal civil de Pontoise.

Au début de la guerre, Robert Moura se met à la disposition de la mairie de Garges pour organiser la défense passive, puis il travaille dans l’aviation (?).

Le 13 mars 1940, Robert Moura est rappelé à l’activité militaire au dépôt d’artillerie 21, puis affecté à l’atelier de chargement de Salbris (21/42 compagnie de T.M., travailleurs militaires). Le 22 avril, il passe au dépôt 225 B.O.A. Il rentre dans ses foyers le 23 ou 24 août.

À Garges, il travaille pour l’armée d’occupation jusqu’au départ de celle-ci de la commune, le 15 octobre.

Sous l’occupation, il exprime ouvertement le maintien de ses convictions.

À la suite d’une distribution de tracts dans son secteur d’habitation, le commissaire de Gonesse demande son internement administratif en application de l’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 [2].

Le 30 octobre, le nom de Robert Moura figure sur une liste établie par la préfecture de Seine-et-Oise de douze « individus proposés pour être dirigé sur le centre de séjour surveillé d’Aincourt », sur laquelle est également inscrit Yves Cariou, du Blanc-Mesnil.

Le lendemain, 31 octobre, le préfet signe l’arrêté ordonnant cet internement. Le 1er ou 2 novembre, Robert Moura est conduit au camp d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 31 décembre 1940, Marcelle M., la compagne de Robert Moura, peut lui rendre visite au camp lors d’une « visite régulière ». À l’occasion des fêtes de Noël et du nouvel an, ces premières visites sont accordées aux seuls internés de Seine-et-Oise, le préfet de police de Paris ne les ayant pas autorisées pour les internés du département de la Seine.

Le 11 janvier 1941, Marcelle M. écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter la libération de son ami,assurant que celui-ci « est bien décidé à s’abstenir, comme depuis la dissolution du Parti, de toute activité politique et à se consacrer uniquement à son foyer ». Elle ajoute qu’il est « le seul soutien de sa mère, veuve et âgé de 74 ans et malade ».

Le 18 janvier, le préfet demande l’avis du commissaire de police spécial commandant le camp d’Aincourt sur l’opportunité de la libération sollicitée. Quatre jours plus tard, celui-ci répond : « Cet interné a manifesté au Centre un assez bon esprit. Il a participé à certaines corvées. Toutefois, Moura est un communiste convaincu, il ne cache pas ses opinions […] Son internement n’a modifié en rien ses convictions et j’émets, à l’égard de sa libération, un avis défavorable ».

Le 21 janvier, « n’ayant pas obtenu satisfaction », Marcelle M. réitère la demande de libération de son compagnon, reprenant les mêmes arguments, mais ajoutant que la mère de Robert Moura est atteinte d’une maladie incurable (cancer).

Interrogé également par le préfet le 23 janvier, le commissaire de Gonesse – à l’origine de la mesure d’internement – retourne sa réponse deux jours plus tard : considérant que « Robert Moura est un individu activité et dangereux pour l’ordre public », lui aussi émet un avis défavorable.

Le 27 janvier, le préfet demande au commissaire de notifier à Madame M. le rejet de sa demande de libération. Notification que la “pétitionnaire” signe le 4 février.

Le 29 janvier, Madame Moura mère, habitant au 130, rue de Belleville, s’adresse à son tour au préfet pour demander la libération de son fils, qui est le seul dont elle peut espérer un peu de secours. Le certificat médical joint à sa lettre indique que « son état de santé ne lui permet d’occuper aucun emploi ».

Dès le 11 février, Marcelle M. écrit de nouveau au préfet, croyant sans doute que le maintien en internement de son ami résulte de ce « qu’il y a eu de nouveaux tracts de distribués dans la commune. Mais peut-on en faire porter la responsabilité sur des hommes internés, alors même qu’aux dernières arrestations opérées, de l’aveu même de l’inspecteur, ces tracts ne pouvaient venir que de Stains ou Pierrefitte ». Elle lui demande de « rendre le soutien de deux femmes dans la misère », elle-même et la mère de Robert Moura.

Le 6 mars, le formulaire de “révision trimestrielle” rempli par le commandant du camp renvoie laconiquement à son propre rapport du 22 janvier : « avis défavorable ».

Le 25 mars, Marcelle M. revient à la charge auprès du préfet de Seine-et-Oise, ajoutant, aux personnes nécessitant la libération de son ami, sa propre mère « qui n’a aucune ressource, ne touchant même rien de l’Assistance aux vieillards, puisque, dans la petite localité qu’elle habite, il n’y a aucun secours ».

Le 27 juin, Robert Moura fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors déclaré comme siège de la Geheime Feldpolizei – où ils rejoignent des hommes appréhendés le jour même dans les départements de la Seine-et-Oise et de la Seine par la police française en application d’arrêtés d’internement administratifs [3]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), alors camp allemand, premier élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [4].

Le fort de Romainville, sur les hauteurs de la commune des Lilas. Transformé en camp allemand sous l’occupation,  l’entrée était complétée d’un mirador surplombant la porte depuis l’intérieur de l’enceinte. Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive

Le fort de Romainville, sur les hauteurs de la commune des Lilas. Transformé en camp allemand sous l’occupation, l’entrée était complétée d’un mirador surplombant la porte depuis l’intérieur de l’enceinte.
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (93) pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions “Des Français vendus par Pétain” » [5]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Neuf mois plus tard, le 19 mars 1942, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses] services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Robert Moura.

Entre fin avril et fin juin 1942, Celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Moura est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45910, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Moura.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher) [6], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [7]).

Le nom de Robert Moura est inscrit sur le monument aux morts de Garges-lès-Gonesse, dans le cimetière municipal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] Garges-les-Gonesse : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 :


CABINET du PRÉFET de SEINE-et-OISE

Versailles, le 19 octobre 1940

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, OFFICIER de la LÉGION d’HONNEUR,

Vu le décret-loi du 26 septembre 1939 ;

Vu la loi du 3 septembre 1940 ;

Considérant que la diffusion de tracts est interdite par les ordonnances des autorités d’occupation et par les lois françaises et qu’elle est, à ce double titre, illégale ;

Considérant que ces tracts sont d’inspiration communiste et que leur diffusion ne peut avoir lieu qu’avec la complicité de militants du parti, ainsi que l’ont prouvé de nombreuses perquisitions domiciliaires ;

ARRÊTE :

Article 1er. – Toute découverte de tracts à caractère communiste sur le territoire d’une commune du département de Seine-et-Oise entraînera l’internement administratif immédiat d’un ou de plusieurs militants communistes notoirement connus résidant sur le territoire de cette commune, sans préjudice des poursuites judiciaires dûment engagées.

Article 1er. – MM. le Secrétaire Général de la Préfecture pour la Police, les Sous-Préfets, le Directeur de la Police d’État, le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie de Seine-et-Oise, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Versailles, le 19 octobre 1940.

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, signé : Marc CHEVALIER

Pour ampliation, Le Sous-Préfet, Directeur du Cabinet.


[3] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder dès le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de « Différents communistes actifs que vous désignerez » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés[du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. »

Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés. Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[4] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

[6] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Robert Moura, c’est 15 février 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[7] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 150 et 153, 380 et 405.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur le transfert depuis Aincourt des 88 de Seine-et-Oise, fin juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 19e arrondissement à la date du 16-11-1898 (V4E 10591), acte n°2912 (vue 10/31) ; registre des mariages du 20e arrondissement, année 1920 (20M 336), acte n° 1820 (vue 15/31) ; table décennales des naissances du 20e, décennie 1923-1932 (V11E 724).
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, classe 1918, 1er bureau du recrutement de la Seine, volume 1501-2000 (D4R1 2024), n° 1697.
- Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w76, 1w80 (relations avec les autorités allemandes), 1w142 (dossier individuel), 1w277 (Liste des 88 internés d’Aincourt remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 834 (31900/1942).
- Site Mémorial GenWeb, Garges-lès-Gonesse, relevé de Philippe Frilley (juin 2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.