Paul, Louis, Minette naît le 18 mai 1905 à Poissons (Haute-Marne – 52), fils de Gustave Mougeot, 27 ans, et d’Émilienne Minette, 38 ans, son épouse, couturière, domiciliés rue de l’Île-d’Aliron, dans le quartier de Saint-Agnan. En 1906, Ses parents hébergent sa grand-mère maternelle, Adeline Collin, 80 ans. À la mi-octobre 1906, la famille s’installe à Thonnance-lès-Joinville (52), où sa sœur cadette, Suzanne Gabrielle Mougeot, naît le 12 février 1907.

En septembre 1908, ils reviennent à Poissons.

Gustave Mougeot, le père de famille – qui a accompli son service militaire de novembre 1898 à octobre 1901, notamment au sein du corps expéditionnaire de Chine -, est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 et rejoint comme réserviste, probablement à Troyes, le 20e escadron du Train des équipages (20e ETEM). Compagnie d’Ouvriers Automobiles. En août 1917, il passe au 15e escadron du Train, dans une compagnie qui rejoint l’Armée d’Orient.  Le 16 février 1919, après avoir été rapatrié, Gustave Mougeot est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Poissons, retrouver son épouse et leurs enfants.

En 1921 à Poissons, Paul Mougeot est forgeron dans l’usine Viard-Royer ou Fiard-Royer (?).

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue du Moulin ou rue de Voulins à Poissons (n° ?).

Il est célibataire.

Il est ajusteur ou monteur à la Société Métallurgique Haute-marnaise à Joinville.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste présente Louis Mougeot, monteur, comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Poissons.

Le 23 juin 1941, Louis Mougeot est arrêté sur son lieu de travail et interrogé à la Kommandantur de Joinville ; il fait partie de la soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”). D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré le 27 juin camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le «  camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Mougeot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Mougeot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45907 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Mougeot est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Affecté à un Kommando de spécialistes (« installeurs ») qui peuvent circuler dans la camp, il participe à la solidarité clandestine avec les “31000”.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À une date et pendant un temps restant à préciser, il est admis au bâtiment de chirurgie (Block 21) de l’hôpital des détenus.
À la mi-août 1943, Louis Mougeot est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Louis Mougeot est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 29 août, il est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [3] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

Dans ce camp, Louis Mougeot rencontre Georges Savary, de Saint-Dizier (52), qui y a été déporté dans le convoi du 24 janvier 1943 et auquel il apprend la mort à Auschwitz de deux compagnons de Résistance : Pierre Gazelot et Henri Queruel.

Le 10 octobre, Louis Mougeot et Henri Marti sont transférés au petit Kommando de Trebnitz, où ils restent ensemble.

Le 1er février 1945, tous deux sont évacués vers le Kommando Siemens Stadt, usine de matériel électrique à 12 kilomètres de Berlin, puis dirigés sur le KL Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque). H. Marti conduit lui-même son camarade à l’infirmerie du camp : « Il avait beaucoup de fièvre. il ne pouvait plus manger depuis plusieurs jours. C’était une espèce de dysenterie. Pourtant, depuis que je le connaissais, il n’avait jamais été malade. Comme il était plombier, il a toujours travaillé dans le même Kommando que moi à Auschwitz. (…) J’ai fait tout ce que j’ai pu pour le remonter afin d’éviter son entrée à l’infirmerie. Mais il n’y avait plus rien à faire. Il ne tenait plus sur ses jambes. »

Paul, Louis, Mougeot (matr. 45890 dans ce camp) meurt au KL Flossenbürg le 10 mars 1945.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 218, 348 et 349, 367 et 414.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, page page 447, citant la lettre d’Henri Marti à Madame Mougeot du 24 août 1945.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France : L’Humanité n° 14080 du 6 juillet 1937, page 4, “huitième liste…”.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 39.
- Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-01-2024)

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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.