Marcel Désiré Moroy naît le 17 décembre 1921 au Pré-Saint-Gervais [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Charles Théophile Moroy, 37 ans, et de Juliette Charlotte Abry, 35 ans, son épouse.Marcel a une sœur de dix ans son aînée, Alice Marie, née le soir du 24 décembre 1911, chez leurs parents au 34, rue Grande au Pré-Saint-Gervais.Du 15 avril 1915 au 18 mars 1919, leur père – exempté de service militaire en 1904 pour « perte de la vision à droite » – avait néanmoins été mobilisé dans un escadron du train (transport automobile).En 1921, Charles Moroy est mécanicien dans les ateliers de la Société des cycles Gladiator, établie au Pré-Saint-Gervais.

En septembre 1925, la famille s’installe au 14, rue Fontaine à Bondy [1] (93).

En 1931, Alice est magasinière dans une entreprise des frères Lautenbacher, « industriels » à Bondy : Adolphe, né le 17 juin 1900 à Paris 11e, Paul, né le 1er août 1905, et Frédéric, né le 11 septembre 1906, tous deux à Paris 10e. Ils habitent au 121, avenue Galliéni à Bondy. 

Le 16 décembre 1933, à Noisy-le-Sec, Alice Moroy épouse Frédéric Lautenbacher. Plus tard, le couple s’installe à Lure (Haute-Saône).

Marcel Moroy et sa sœur Alice, vers 1937, probablement à Lure (Haute-Saône). © Jean Philippe Lautenbacher.

Marcel Moroy et sa sœur Alice, vers 1937, probablement à Lure (Haute-Saône).
© Jean Philippe Lautenbacher.

Marcel Moroy et Frédéric Lautenbacher, époux de sa sœur, photographiés dans les mêmes circonstances. © Jean Philippe Lautenbacher.

Marcel Moroy et Frédéric Lautenbacher, époux de sa sœur, photographiés dans les mêmes circonstances.
© Jean Philippe Lautenbacher.

Son père décède en 1932 ou 1933 (cette année-là, Charles Moroy est radié de la liste électorale de Bondy, arrêtée le 31 mars).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Moroy habite seul avec sa mère, qui travaille comme femme de ménage. Ils sont toujours domiciliés au 14, rue Fontaine à Bondy.

Lui est célibataire.

Il travaille comme manœuvre.

Le 2 ou 3 août 1940, sur le marché de Bondy, en compagnie de Robert Douvillez, menuisier de 23 ans, et de deux autres militants des Jeunesses communistes clandestines, Marcel Moroy distribue L’Avant-Garde n° 16 datée de juillet 1940 et titrée « Gloire à la jeunesse soviétique ». Soit pris en flagrant délit, soit dénoncés par un entrepreneur en maçonnerie de Bondy qui aurait intercepté un tract conservé par sa fille de 17 ans, ils sont appréhendés le 3 août par des gardiens de la paix du commissariat de la circonscription de Noisy-le-Sec. Le lendemain, 4 août, Robert Massiquat, de Bondy (qui sera déporté avec lui), est arrêté comme fournisseur des tracts, imprimés aux Lilas. Le commissaire fait conduire les cinq jeunes gens au Dépôt de la préfecture de police, à disposition de la justice militaire allemande sous l’inculpation d’infraction à l’ordonnance du gouverneur militaire de la région de Paris du 20 juin 1940.

Le 22 octobre suivant, Marcel Moroy est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants communistes (dit « procès des cinquante » ?), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Marcel Moroy à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il est libéré (il a déjà été détenu six mois…). Néanmoins, comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février.

Marcel Moroy, portrait de studio, probablement sous l’occupation. © Jean Philippe Lautenbacher.

Marcel Moroy, portrait de studio, probablement sous l’occupation.
© Jean Philippe Lautenbacher.

Le 28 avril 1942, vers 5 heures du matin, il est arrêté au domicile familial par des Feldgendarmes accompagnés d’un policier français. Sa mère, qui ignore son activité clandestine, les questionne en vain. Puis il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Moroy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Marcel Moroy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 45902 ; la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été identifiée par comparaison avec son portrait civil.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Moroy se déclare alors comme protestant (« evangelisch »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Moroy.

Il meurt à Auschwitz le 5 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; il a 21 ans.

Sa sœur Alice conservera un portrait au fusain réalisé à partir de sa photo avec son mari.

© Jean Philippe Lautenbacher.

© Jean Philippe Lautenbacher.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 14-12-1997).

Notes :

[1] Le Pré-Saint-Gervais et Bondy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 414.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7042).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 3589-353136) ; registre de main courante du commissariat de Noisy-le-Sec (C B 108 art. 7) ; registre de main courante du commissariat de Noisy-le-Sec (C B 108 art. 7).
- Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 829 (28184/1942).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Jean Philippe Lautenbacher, son neveu (fils de sa sœur Alice Marie Moroy, épouse Lautenbacher), message 04-2017 : souvenirs familiaux, photos.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-09-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.