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Georges, Henri, Moreau naît le 5 juin 1906 à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux (Seine-et-Marne – 77), fils de Georges Moreau, né en 1874, menuisier, et d’Henriette Delorme, son épouse, née en 1875. Georges a un frère, Félix, né en 1898, et une sœur, Louise, née en 1902.

De la classe 1926, Georges Moreau effectue son service militaire au 32e régiment d’artillerie divisionnaire basé au fort de Charenton, sur la commune de Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne).

Le 14 juin 1932, à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, il se marie avec Madeleine Petit, née le 24 mars 1909 à Versailles (Seine-et-Oise / Yvelines). Ils ont deux enfants : Colette, née le 24 avril 1933 à Saint-Jean, et Jean, né le 26 octobre 1935 à Meaux.

Au moment de son arrestation, Georges Moreau est domicilié avec sa famille au 29, avenue du Maréchal-Foch à Meaux (77), dans un logement locatif de trois pièces.

Il est alors ajusteur-mécanicien à l’usine Meunier (chocolaterie) de Noisiel (77).

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

Militant communiste, il est adhérent de la section communiste de Meaux de 1937 à 1938 (au moins…).

Il reste actif dans la clandestinité après l’interdiction du PCF et sous l’occupation allemande, participant à des diffusions de tracts dans sa ville.

Le 31 janvier 1941, étant « soupçonné de se livrer à la propagande communiste, Moreau Georges [est] pris en filature » […] à Vaires-sur-Marne par un inspecteur et un gardien de la paix en civil du commissariat local, « sortant du domicile du nommé Dutertre, militant communiste », ancien secrétaire de la cellule de Torcy. Interpellé vers 18h30 et « invité à exhiber le contenu d’une musette qu’il [porte], on constate [que Georges Moreau est] alors porteur d’une trentaine de numéro du journal “L’Humanité”, d’une quarantaine de tracts intitulés “Rapport du camarade Molotov” et d’une douzaine de brochures intitulées “Vers la réalisation du communisme ». Georges Moreau reconnaît « qu’il devait amener ces tracts à Meaux où il devait les distribuer ». Ces document lui avaient été remis par Germaine Dutertre en l’absence de son mari et sur consigne de celui-ci. Une perquisition opérée au domicile de Georges Moreau ne donne aucun résultat, de même que chez les Dutertre.

Georges Moreau et Germaine Dutertre sont aussitôt placés en état d’arrestation, devant être déférés le 2 février au Parquet de Meaux sous l’inculpation d’infraction au décret du 26 septembre 1939, « portant dissolution du parti communiste ». Robert Dutertre n’est pas appréhendé immédiatement, ayant quitté son lieu de travail, mais son domicile est placé sous surveillance.

Le 7 février, les trois militants sont placés sous mandat de dépôt.

Le 20 février, le Tribunal correctionnel de Meaux condamne Robert Dutertre [1] à quatre mois de prison, et son épouse ainsi que Georges Moreau à trois mois chacun (où sont-ils écroués ?).

À l’expiration de sa peine, prévue le 2 mai suivant, Georges Moreau échappe à un arrêté préfectoral d’internement administratif, mesure que préconise le commissaire central, chef du district de Meaux. En effet, le 15 mars, s’appuyant sur un compte-rendu du commissaire de police de la ville, le sous-préfet préconise seulement un « sévère avertissement », estimant que la condamnation subie par Georges Moreau « lui servira de leçon », sachant que, par ailleurs, « l’intéressé […] ne s’est jamais fait remarquer dans les réunions politiques. Certains membres de l’ancien parti communiste dissous ne le connaissent pas et enfin, le dimanche, il se promenait fréquemment avec sa femme et ses enfants ».

Le dimanche 19 octobre, Georges Moreau est appréhendé par la Feldgendarmerie de Meaux lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Dès le lendemain, Georges Moreau est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”). Il y est enregistré sous le matricule n° 1809, assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels Georges Moreau.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures et repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Moreau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45893 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Moreau.Il meurt à Auschwitz le 31 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), indiquant pour cause certainement mensongère de sa mort  « pleurésie » (Rippenfellentzündung).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Notes :

[1] Robert Dutertre, né le 17 décembre 1903 à Paris 15e, est déporté le 16 avril 1943 dans un transport de 994 hommes parti de Compiègne en direction du KL Mauthausen (matr. 26787). Il survivra à la déportation. Source : Livre-Mémorial de la FMD, I.93.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 414.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, site internet : recensement de 1906, canton de la Ferté-sous-Jouarre (10M414 1906), Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, vue 246/298.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, arrestations collectives octobre 1941 (cote M11409) ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand (XLIV-60).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 828.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 26249/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.