Maurice, Eugène, Mondhard naît le 4 juillet 1899 à Caen (Calvados – 14), chez ses parents, Constantin Mondhard, 36 ans, journalier, et Marie Déprey, 31 ans, son épouse, domiciliés au 23, rue Saint-Sauveur.

Pendant un temps, Maurice Mondhard travaille comme comptable.

Le 16 avril 1918, il est incorporé au 36e régiment d’infanterie. Le 3 mai suivant, la commission de réforme le classe au “service auxiliaire” pour hypermétropie et amblyopie de l’œil gauche. Le 3 juin suivant, il passe au 4e escadron du train des équipages militaires. Le 22 juin, il réintègre le 36e R.I.. Le 9 février 1920, il passe au 119e R.I. Le 23 avril, il réintègre le 36e R.I. et le 1er mai, il passe au 119e R.I. ! Le 21 mars 1921, il est « renvoyé dans ses foyers » et se retire au 5, rue Saint-Sauveur, à Caen, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 17 mai 1925, à Flers (Orne), il se marie avec Suzanne Lechevrel. Ils auront deux enfants.

Entre novembre 1925 et décembre 1930, la famille habite au 48, rue d’Athis à Flers.

À partir de 1937 et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée rue des Tennis à Saint-Aubin-sur-Mer (14), dans une villa.

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Hubert Mondhard devant la maison de son père,
et où celui-ci fut arrêté en sa présence le 8 mai 1942.
Extrait de De Caen à Auschwitz, éd. Les Cahiers du Temps, 2001, page 33. Droits réservés.

Maurice Mondhard est représentant de commerce pour l’entreprise Savare, importateur de bois de Scandinavie.

C’est un grand sportif : il joue au football à Caen dans des équipes d’un bon niveau, il nage et plonge chez Eugène Mäes, qui tient une guinguette sur l’Orne avec une piscine et un plongeoir de plus de 10 mètres. Il aurait pu y rencontrer Marcel Cimier qui fréquentait le même établissement.

Une piscine sur l’Orne : le Lido dans les années 1950. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Une piscine sur l’Orne : le Lido dans les années 1950.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Mobilisé pendant la guerre 39-40, Maurice Mondhard est “affecté spécial” pendant un temps dans une usine de munitions au Mans. Fait prisonnier le 20 juin 1940 à Mazé (Meurthe-et-Moselle), il est envoyé auStalag 17 dans la Forêt Noire en Allemagne (ou au Stalag 10 B) où il passe dix-huit mois avant d’être libéré, le 26 juillet 1941.

« Épouvanté par l’emprise du régime nazi sur les Allemands », écrit son fils, il ne se gêne alors pas pourdire haut et fort ses opinions, ce qui le fait étiqueter anglophile ou ennemi de l’Allemagne.

Le 8 mai 1942, vers 8 heures du matin, Maurice Mondhard est arrêté à son domicile par des policiers allemands, comme otage politique à la suite du déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [1]. Il est amené au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés une vingtaine otages. Tous subissent un « vague » interrogatoire. Son fils vient le voir dans l’après-midi.

Amenés en camion à la gare de marchandise de Caen le 9 mai au matin, dix-neuf détenus attendent tout la journée dans un wagon à bestiaux le départ du convoi. Sous la surveillance des militaires allemands, ils peuvent discuter avec leurs amis et parents jusqu’à 18 h. Maurice Mondhard rassure son fils. Le train s’ébranle en fin de journée. Le lendemain soir, ils sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Ne partageant pas les convictions politiques de la plupart de ses co-détenus, Maurice Mondhard pense qu’il y a erreur et signe, avec les frères Colin, Marcel et Lucien, les professeurs Musset [2] et Desbiot dont il a fait la connaissance à Compiègne, une lettre adressée au chef de camp « lui expliquant notre cas et indiquant que nous n’avions rien à voir avec le Parti communiste ».

Maurice Mondhard peut écrire au moins une fois chez lui.

Comme l’entreprise qui l’emploie est norvégienne, avec des contacts suédois, son épouse tente vainement une démarche auprès du consul de Suède à Caen.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Mondhard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Comme la plupart des détenus, M. Mondhard jette un message qu’un cheminot transmet à à sa famille : « Tout va bien, partons vers l’Allemagne ».

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Mondhard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45885, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Mondhard.

Il meurt à Auschwitz le 22 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).

Son nom figure sur le monument aux morts de Saint-Aubin-sur-Mer.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] René Musset, professeur de géographie, est doyen de la Faculté des Lettres de Caen en 1937. Sous l’occupation, il n’hésite pas dans ses cours à insister sur la force maritime de l’Angleterre et entretient un esprit d’opposition à l’occupant. Tout cela contribue à le faire remarquer par les Allemands. le 7 mai 1942, il est arrêté comme otage après le deuxième attentat d’Airan. À la gare de Caen, au milieu des familles et amis qui viennent visiter les otages, il s’entretient en latin avec son fils, Lucien.

Au camp allemand de Royallieu à Compiègne, il est avec Emmanuel Desbiot, professeur d’Anglais, les frères Colin et M. Mondhard. Le journal de Lucien Colin le cite fréquemment : le doyen Musset donne à des cours de géographie dans ce qui fait figure d’université.

Quand ses compagnons d’infortune partent pour Auschwitz le 6 juillet, il reste à Royallieu.

Le 24 janvier 1943, René Musset est déporté au KL Sachsenhausen, transféré au KL Oranienburg puis au KL Buchenwald, où il est libéré par les soldats américains en avril 1945.

À son retour, il contacte les familles de ses compagnons. Il tente d’informer celles-ci, mais ne peut témoigner que sur leur séjour à Compiègne. Il reprend ses cours.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, p. 33 et 48, témoignage de son fils Hubert (17/03/2001).
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 414.
- Journal de Lucien Colin, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collection Cahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados (pages 60-80) ; note n° 6 page 62.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, publié pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Caen registre des naissances, année 1899, acte n° 519 (vue 135/278) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1919, bureau de Caen, n° 1001-1459, matricule 1099 (vues 128-129/564).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 826 (37009/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.