Droits réservés.

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Roger, Maurice, Mauger naît le 13 septembre 1912 à Paris 19e, chez ses parents, Henri Mauger, 39 ans, ouvrier maréchal-ferrant (qui deviendra communiste) et Augustine Loreda Senecal, son épouse, 37 ans, sans profession, domiciliés au 7 impasse Bouchet (une voie aujourd’hui disparue débouchant rue de Meaux). Le père change souvent de lieu de travail, déménageant avec sa famille. Dernier d’une famille de cinq enfants, Roger a – au moins – trois frères, dont Henri, né en 1904 à Paris, Édouard, né en 1905 à Notre-Dame-de-Bondeville, et Ernest, né le 3 mars 1907 à Paris 18e.

Au cours de son service militaire (classe 1932), Roger Mauger est réformé pour vue défectueuse.

Pendant un temps, il demeure au 98, avenue du Chemin de Fer à Vitry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne – 94). À partir du 22 août 1938, il loge au 4, place de l’Église ; peut-être un hôtel. Célibataire, il est prend régulièrement ses repas chez ses parents, dans leur pavillon du 25, voie Cuvier à Vitry.

À partir de 1936, Roger Mauger est tapissier-bourrelier (sellier) ou manœuvre spécialisé chez Citroën, quai de Javel. Syndicaliste actif dans son entreprise, il est délégué du Syndicat des Métaux, affilié à la CGT.a

Il est membre du Comité de diffusion de L’Humanité de Vitry (CDH).

Le 1er juillet 1938, alors qu’il est dans un taxi pris dans un embouteillage avec Georges Riklin, sellier chez Citröen, ils insultent des gardiens de la paix venus dans leur car de police.

Fin novembre 1938, il est licencié de chez Citroën à la suite du mouvement national de grève lancé contre les décrets-lois du gouvernement Daladier annulant les acquis du Front populaire.

Du 1er décembre suivant au 25 août 1939, il est inscrit au fonds de chômage de Vitry.

Puis il entre comme manœuvre à la centrale électrique Arrighi (« les quatre cheminées ») de l’Union d’Électricité, voie Tortue, à Vitry-sur-Seine. Chez cet employeur, il ne manifeste « aucune activité politique ».

La centrale électrique des “Quatre cheminées” en bordure de la Seine. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La centrale électrique des “Quatre cheminées” en bordure de la Seine.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Mobilisés en 1939-1940, ses deux frères sont fait prisonniers de guerre.

Sous l’occupation, Roger Mauger diffuse la presse clandestine : les Renseignements généraux le considèrent comme un « meneur communiste actif ». Une fiche du commissariat de circonscription d’Ivry-sur-Seine [1] (94) le désigne comme étant le « principal propagandiste » de son entreprise.

JPEG - 164.6 ko     Fiche de police du commissariat d’Ivry-sur-Seine.      10 x 15 cm (hauteur modifiée). Fichier de militants (CGT et PCF).  Musée de la Résistance Nationale de Champigny-sur-Marne (94)

Fiche de police du commissariat d’Ivry-sur-Seine. 10 x 15 cm (hauteur modifiée).       Fichier de militants (CGT et PCF).
Musée de la Résistance Nationale de Champigny-sur-Marne (94)

Le 20 janvier 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en même temps que celui de 65 autres militants communistes de la Seine. Tous sont probablement arrêtés ce jour-là, comme Roger Mauger qui est arrêté sur son lieu de travail et d’abord emmené au commissariat d’Ivry.

Le jour-même, celui-ci fait partie d’un groupe de 69 militants communistes conduits à la gare de l’Est et rejoints par une centaine d’autres venant de la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2] (Maine-et-Loire).

Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques. Roger Mauger fait une demande de libération infructueuse avant le 11 mai.

Le 27 mars, Roger Mauger écrit au préfet de police parce qu’il considère que sa libération « s’impose », notamment parce qu’il est enfermé sans qu’on lui en « ai fait connaître le motif », en l’arrachant à son travail qui lui permettait de remplir son devoir vis à vis de sa famille, ses vieux parents et ses frères détenus en Allemagne. Le 8 avril, sa lettre est transmise aux Renseignements généraux pour avis. Le 18 mai, ceux-ci répondent que « Sa libération ne semble pas opportune dans les circonstances actuelles. »

Le 14 mai, une centaine d’internés de Clairvaux est transférée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire Inférieure /Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Roger Mauger fait partie de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

Le 26 septembre, Roger Mauger est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). C’est depuis ce camp que ses proches reçoivent sa dernière lettre, le 23 décembre 1941.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 juin, son père écrit à une haute autorité française à propos de son transfert entre les mains des autorités allemandes, en vue d’une intervention de la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés (services de Brinon).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Mauger est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45865, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Mauger.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), comme Adrien Raynal, alors qu’a lieu une grande sélection des « inaptes au travail » au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu)

Son nom est inscrit sur le monument dédié aux employés de l’ancienne centrale électrique Arrighi « soldats, déportés, civils, morts pour la France » entre 1939 et 1945, situé dans l’enceinte EDF à Vitry-sur-Seine (avec celui d’Adrien Raynal, d’Orly).

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Le monument aux morts de la centrale électrique …probablement le jour de l’inauguration nombreuses fleurs) (collection particulière - droits réservés)

Le monument aux morts de la centrale électrique …probablement le jour de l’inauguration (nombreuses fleurs)
Collection particulière. Droits réservés;

Le nom de Roger Mauger est également inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

Notes :

[1] Vitry-sur-Seine et Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la « Solution finale », mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code « 14 f 13 »). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Informations collectées par José Martin (frère d’Angel Martin) pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 413.
- Archives municipales de Vitry-sur-Seine, listes électorales de 1935, 1945, listes de recensement 1936.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397), dissolution du PC (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 792-32885).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne : fichier du commissariat de circonscription d’Ivry-sur-Seine sur les militants communistes du secteur.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 130.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 791 (31946/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.