Henri, Octave, Mathiaud naît le 6 août 1909 à Clichy-la-Garenne [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents Henri, Michel, Mathiaud, 29 ans, journalier, et Marie Rose Béal, son épouse, 34 ans, domiciliés au 34, rue Petit. Henri aura deux frères plus jeunes nés à Clichy, Raymond, né le 16 septembre 1912, et Marcel, né le 19 juillet 1914.

Henri Mathiaud est inscrit en 1931 sur les listes électorales de Clichy, domicilié au 3, passage Paillé en 1932 et 1933.

Le 29 octobre 1932 à Levallois-Perret (92), il se marie avec Simone Lagrange. Ils auront deux enfants : Andrée, née le 15 octobre 1933, et Michel, né le 6 juillet 1936.

En 1936 (liste électorale) et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Mathiaud est domicilié au 29, passage du Puits-Bertin à Clichy, comme son frère cadet Raymond.

Henri Mathiaud est ajusteur.

Il est adhérent du Parti communiste.

Le 14 octobre 1940, Henri Mathiaud est arrêté à son domicile avec son frère Raymond. Quatre autres militants sont pris dans la même affaire de distribution de tracts, dont René Petitjean. Tous sont inculpés d’ « infraction au décret du 26 septembre 1939 » (interdiction de la propagande communiste). Henri Mathiaud est écroué le 16 octobre à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 17 octobre 1940, tous comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Probablement condamnés à des peines d’emprisonnement, ils se pourvoient en appel auprès du Procureur de la République.

Le 10 mars 1941, la Cour d’appel de Paris condamne les deux frères à six mois de prison, peine couvrant probablement leur détention préventive. Le 17 mars, Henri Mathiaud est conduit à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; sans doute pour sa levée d’écrou. Mais il n’est pas libéré : le lendemain, le préfet de police (de Paris) signe un arrêté ordonnant l’internement administratif des deux frères, considérés chacun comme « meneur communiste actif ».

Le 7 avril, Henri et Raymond Mathiaud sont conduits au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre, les frères Mathiaud font partie d’un groupe d’une centaine de détenus transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 13 septembre, un des deux frères Mathiaud écrit à Berthuc, de Clichy-sous-Bois, resté à Aincourt, pour donner des nouvelles des transférés. Ce nommé Mathiaud espère que son épouse, qui avait été autorisée à lui rendre visite le jour même du départ, a été prévenue à temps afin de ne pas faire inutilement le déplacement.

Le 24 novembre, Henri Mathiaud est « privé de correspondance » pendant huit jours pour avoir justifié sa présence dans le secteur administratif du camp par « une excuse qui s’est révélée inexacte ».

Le 22 mai 1942, Henri Mathiaud fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Selon plusieurs témoignages (Gaston Aubert, Fernand Devaux, René Petitjean), son frère aussi est interné à Compiègne.

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Mathiaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Mathiaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45860 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les arrivants sont rassemblés pour la plupart dans les Blocks 19 et 20 du camp-souche où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau, Henri Mathiaud est dans la moitié du convoi qui est ramenée à Auschwitz-I après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Il travaille un temps dans le même Kommando que Robert Blais, d’Ivry-sur-Seine.

En juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (essentiellement les quelques 135 à 140 survivants des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Selon le témoignage de Robert Chazine (déporté à Auschwitz), il est transféré à Monowitz (Kommando Soznowitz) en avril 1944, puis ramené à Auschwitz deux mois plus tard.

Le 3 août 1944, Henri Mathiaud est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” intégrés [2] dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. Comme trois autres “45000”, il est affecté au Kommando Siemens Stadt, usine moderne fabriquant du matériel électrique à 12 kilomètres de Berlin, puis ramené à Sachsenhausen quand le front se rapproche.

Le 21 avril 1945, le camp de Sachsenhausen est évacué vers le Nord-ouest en direction de la mer Baltique. Après une marche de 240 km, Henri Mathiaud se retrouve – avec René Maquenhen et René Petitjean – dans la région de Schwerin, au château de Traumark, où l’escorte SS s’enfuit à l’approche des armées soviétiques.

Le 2 mai 1945, les troupes soviétiques libèrent les déportés, puis les remettent aux Américains, qui les « enferment » dans la caserne Adolf Hitler de Schwerin.

Le 23 mai, ils sont rapatriés en France, via Valenciennes, en wagons à bestiaux. Henri Mathiaud rentre à Clichy le jour même.

Mais son épouse a quitté le domicile conjugal (le couple divorcera le 10 juin 1948).

Le 27 mai 1945, Henri Mathiaud écrit à Marguerite Blais d’Ivry-sur-Seine pour lui annoncer la mort de son mari Robert et de son beau-frère Raymond. Il se déclare également certain du décès de Marcel Sallenave, un autre Ivryen.

Cet été-là (?), il part avec ses enfants au château de Varzy, centre de vacances (“colonie”) de la commune que celle-ci met à disposition des rapatriés convalescents. Pendant deux ans au moins, lui et ses enfants bénéficient de la solidarité à l’égard des déportés et de leurs familles.

Henri Mathiaud rejoint la section de Clichy de la FNDIRP comme responsable de la commission des fêtes.

Le 29 janvier 1949 à Clichy, il épouse Louise Riaux.

Homologué comme “Déporté politique”, Henri Mathiaud décède le 21 juin 1960, à Paris (13e). Il a 51 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national et dossier statut) – Archives municipales de Clichy – Lettre de Robert Chazine (7/1/1991) – Témoignages de René Maquenhen et de René Petitjean, de Clichy, sur la vie à Traumark et la libération (voir ces noms).
- Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23.
- Archives communales de Clichy-la-Garenne : acte de naissance, listes électorales, archives de la section locale de la FNDIRP.
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941, cote D1u6-5851.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cote 1W70.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 128.
- Archives départementales de la Vienne (AD 86), Poitier ; camp de Rouillé (cote 109W75).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Clichy-la-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais(45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin(45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).