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Probablement photographié au camp de Rouillé. DAVCC.

Marcel, Ferdinand, Marty naît le 28 décembre 1895 à Puteaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez son père, Ferdinand, Gustave, Marty, 29 ans, journalier, domicilié au 103, rue Voltaire, de mère alors « non dénommée » (Adrienne Parent).

Il commence à travailler comme peintre en bâtiment.

Le 10 novembre 1914 à Nanterre, Marcel Marty épouse Gabrielle Rosalie Marie Reverdy, née le 29 juillet 1896 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), couturière, orpheline (sous l’autorité d’un tuteur et d’un conseil de famille).

Pendant un temps, la famille vit au 24, rue des Rosiers avec le père de Marcel. Celui-ci est alors également peintre en bâtiment,

De la classe 1915, Marcel Marty est incorporé le 19 décembre 1914 comme soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie. Il part aux armées le 30 mai 1915.

Le 3 septembre 1915, son épouse donne naissance à leur fille, Gabrielle Marcelle Andrée.

Le 20 mars 1916, Marcel Marty passe au 1er régiment de zouaves. Le 6 juin suivant, il passe au 4e régiment de tirailleurs et retourne au front.
Le 17 avril 1917, à Marovilliers, il est blessé par un éclat d’obus à la jambe gauche. Il semble avoir été soigné pendant un an.
Le 2 mai 1918, la commission de réforme d’Avignon le déclare inapte pour deux mois en raison d’une névrite sciatique gauche consécutive à une blessure de guerre. Le 25 juillet suivant, la même commission le déclare apte à faire campagne, puis le 8 août, le déclare inapte à l’infanterie et l’affecte au 62e régiment d’artillerie DCA. À la même date, la 4e commission de réforme de la Seine – on peut supposer qu’il est rentré chez lui –  le propose pour une pension temporaire d’invalidité de 30 % pour « paralysie sciatique interne gauche avec reliquat de R.D. (?) partielle, fatigabilité à la marche ». Simultanément, il est « rayé des contrôles » de l’armée active (cessation de son état militaire). Le 17 septembre 1919, il est officiellement démobilisé par le 22e régiment d’artillerie et se retire chez son père au 24 rue des Rosiers à Nanterre, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En novembre 1920, la 6e commission de la Seine constatera… « Paralysie des branches terminales du sciatique gauche avec hypo., légère claudication, limitation de la flexion, hypoesthésie dorsale, paresthésie plantaire, amyotrophie 2 cm à la cuisse et jambe ». En mars 1924, la 4e commission de la Seine lui accordera une pension permanente d’invalidité de 10 %. Marcel Marty est titulaire de la Croix de guerre.

Le 9 mars 1922, son épouse décède à leur domicile, âgée de 26 ans. Leur fille a 6 ans et demi.

Le 28 mars 1925 à Nanterre, Marcel Marty se marie avec Jeanne Lovergeon (ou Lauvergeon), née le 15 décembre 1903 à Mesves-sur-Loire (Nièvre), ouvrière sur machine. Ils ont deux autres enfants, Charles, né le 28 janvier 1925, et – peut-être – Jacqueline Colette, née le 14 août 1926 (?).

Au moment de son arrestation, Marcel Marty est domicilié depuis plusieurs années au 93, rue des Rosiers à Nanterre [1] (92).

Toujours peintre en bâtiment, il est employé, jusqu’à la veille de son arrestation, par l’entreprise Lajoinie de Neuilly-sur-Seine sur son chantier du camp de La Folie à Nanterre.

C’est un militant communiste.

Au début de l’occupation, la police française le considère comme comme un « meneur communiste très actif et dangereux »

Le 26 octobre 1940, Marcel Marty est arrêté à Nanterre, « en flagrant délit de propagande communiste » (distribution de tracts), selon un document de police ; ou à son domicile à 6 heures du matin, selon son épouse.

Le 9 novembre, Marcel Marty est interné administrativement au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes ou syndicalistes avant-guerre.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, il est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Marty est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Marcel Marty est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45851, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Marty.

Il meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort mentionnée est « dégénérescence du muscle cardiaque » (Herzmuskeldegeneration).Le 16 mars 1946, le bureau national des recherches du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) établit un certificat officialisant le fait que le déporté Marcel Marty « n’a pas été rapatrié à ce jour ».

Le 30 mars, au nom de l’Amicale d’Auschwitz, Jean Rouault – rescapé du même convoi -, signe une attestation certifiant « sur l’honneur » le décès de Marcel Marty à Auschwitz, qu’il estime avoir eu lieu au cours du mois d’octobre 1942. Le 30 avril, Camille Salesse – autre rescapé -, signe un formulaire identique en indiquant la date du 12 octobre 1942.

Le 12 novembre, Jeanne Marty rempli un formulaire de demande d’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté.

Le 27 décembre, l’officier d’état civil du ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Marcel Marty « sur la base des éléments d’information figurant au dossier », dont la date mentionnée par Camille Salesse.

Marcel Marty est déclaré “Mort pour la France” (26-06-1947).

Le 13 mars 1950, sa veuve rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de “Déporté résistant”.

Le 17 décembre 1953, la Commission nationale des Déportés et internés de la Résistance prononce un avis défavorable à l’attribution de ce statut.

Le 26 mars 1954, suite à cet avis, le ministre des ACVG refuse d’accorder le titre de “Déporté résistant” à Marcel Marty, ne lui attribue que celui de “Déporté politique” (carte n° 1101 10636).

Le 14 juin suivant, Jeanne Marty écrit au ministre pour protester contre ce refus qu’elle estime infondé (« inique ») et demander un réexamen de ses droits par voie de recours gracieux.

Le 20 octobre, une réponse sans appel énumère les critères de la décision : « L’article R.286 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre déclare que le titre de Déporté résistant est attribué, à la condition expresse que la cause déterminante de la déportation soit un des actes qualifiés de résistance à l’ennemi définis à l’article R.287 dudit Code.

Or, il appert d’un document du dossier que Monsieur Marty a été arrêté le 9 novembre 1940 par la police française pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 destiné à réprimer les activité politiques clandestines nuisibles à la sécurité intérieure de l’État. [sic !]

Au demeurant, les tracts distribués par Monsieur Marty ne pouvaient, étant donné la date de l’arrestation, émaner d’organisation reconnues au titre des F.F.C. [Forces françaises combattantes], des F.F.I. [Forces françaises de l’Intérieur] ou de la R.I.F. [Résistance intérieure française], ainsi que l’exige l’alinéa a) du 4e paragraphe d’article R.287 du Code précité.

J’ajoute que vous vous réclamez de son appartenance au Mouvement Front national [2], mais ledit mouvement n’existait pas au 9 novembre 1940 ». Ainsi est rejeté l’attestation de cette organisation, datée du 2 novembre 1950, qui exposait que « Monsieur Marty entra dans la Résistance dès l’occupation et son activité contribua, pour sa part, à la formation du Front national” ».

Le nom de Marcel Marty est inscrit (sans prénom) parmi les déportés sur le Monument aux morts de Nanterre, parc des Anciennes Mairies.

Notes :

[1] Puteaux et Nanterre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Mairie de Nanterre : acte de décès (27-12-1946) ; liste de déportés politiques.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Puteaux, année 1895 (E NUM PUT N1895), acte n° 512 (vue 130/140).
- Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1915, 2e bureau de la Seine, volume 5501-6000 (D4R1 1858), n° 5888.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 59-26786) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1690-89786).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; révision trimestrielle (1w74), (1w76),  notice individuelle (1w138).
- Mémorial de la Shoah, Paris, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI 42, n° 126.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (38668/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Marcel Marty (21 P 513 697), recherches de Ginette Petiot (message 11-2012).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Nanterre, relevé de Gilles Gauthier (12-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.