Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Léon, Eugène, Mabila naît le 23 mai 1909 à Garches [1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Léon Mabila, 25 ans, maçon, et Silvine, Rachel Baron, son épouse, 25 ans, domiciliés rue des Cours-Communes. Les témoins pour l’inscription du nouveau né à l’état civil sont son oncle maternel, Eugène Baron, fruitier, et un ami de son père, marchand de beurre.

De la classe 1929, René Mabila accomplit son service militaire au 5e régiment d’infanterie à Coulommiers.

Le 28 septembre 1929 à Villevaudé (Seine-et-Marne – 77), il se marie avec Eugénie Léonie Brimant, née le 2 juillet 1907 dans cette commune.

Le couple a cinq enfants, dont André, né en 1930, Raymond, né en 1931, tous deux à Lagny-sur-Marne (77), Ginette, née en 1933, et Roger, né en 1935, tous deux à Dampmart (77), âgés respectivement de 12, 10, 8, 6 ans en mars 1942. Le dernier-né aura 4 ans à cette date (né vers 1938).

En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite une maisonnette en location au 8, rue de Carnetin à Dampmart, dans une boucle de la Marne, dans une boucle de la Marne, village dont la gare ferroviaire permet de rejoindre la Gare du Nord à Paris.

René Mabila est maçon (cimentier ou ferrailleur). À la veille de son arrestation, il est chef d’équipe à la Maison Schneider, 52, quai de Boulogne à Paris.

En 1936, il adhère au Parti communiste et devient secrétaire de la cellule de Thorigny-sur-Marne (77), commune voisine de son domicile, diffusant les journaux de l’organisation.

Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Thorigny, il désigne effectivement René Mabila comme secrétaire. « Les réunions de cette cellule, dont l’activité est nulle, se tiennent au Café Antony, place de l’Église […] ».

Le dimanche 19 octobre 1941 à 17 heures, René Mabila est appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes au cours d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Le même jour, René Mabila est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est immatriculé sous le n° 1778, parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre ; 42 d’entre eux seront des “45000”.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 15 novembre, le commissaire de police judiciaire M. écrit au commissaire divisionnaire, chef de la 1re brigade régionale de police judiciaire : « Au cours de l’entretient que j’ai eu, hier, avec Monsieur le colonel, chef de la Fedkommandantur de Seine-et-Marne, cet officier supérieur m’a demandé de lui signaler une douzaine d’individus arrêtés comme otages et internés au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), dans le but de les remettre en liberté. Aucun autre incendie n’ayant été allumé depuis le 19 octobre 1941 et la population, très calme, de ce département étant satisfaite des mesures prises, M. le colonel a tenu à faire un geste de bienveillance et d’humanité. M. le préfet de Seine-et-Marne est au courant de ces faits et la liste ci-dessous a été établie avec mon collègue, Monsieur R., commissaire spécial de Melun. » Figurent notamment sur cette liste de simples syndicalistes et des pères de familles nombreuses, parmi lesquels René Mabila.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est néanmoins sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Mabila est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45808 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Mabila est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment de chirurgie (Block 21) de l’hôpital des détenus du camp souche (Auschwitz-I).

René Mabila meurt à Auschwitz le 28 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].Il est homologué comme “Déporté Politique” (décision de la Préfecture de Melun, 15-12-1947). La mention « Mort pour la France » est portée sur les registres d’état civil (22-12-1947).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Dampmart, devant la mairie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Notes :

[1] Garches : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de René Mabila, c’est le mois de septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès (état civil de Dampmart 11-02-1947). La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 377 et 412.
- Recherches conduites par Cl Cardon-Hamet : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, février et déc.1992 – Val-de-Fontenay : novembre 1993 – Mairie de Dampmart – Lettre de l’un de ses fils (11-03-1992).
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Garches, année 1909 (E NUM GAR N1909), acte n° 13 (vue 9/25).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, attribution du titre de déportés politique (SC1994) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228) ; notes (SC51241).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 755 (4272/1943).
- Site Mémorial GenWeb, 77-Dampmart, relevé de Bernard Pascal (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.