Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Georges, LOUIS naît le 16 juillet 1920 à Paris 12e – au 18 rue Crozatier -, fils de François Louis, 23 ans, emballeur (salarié de la Cristallerie de Saint-Louis), et de Louise Lucie Dunan, 20 ans, mécanicienne, son épouse, domiciliés au 6 rue Émile Lepeu.

Son père a été mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale, le 13 avril 1915. Parti « aux armées » (sur le front) le 3 décembre 1915 avec le 31e régiment d’infanterie. Le 23 juin 1917, il a été cité à l’ordre de son régiment : « S’est distingué pendant les attaques du 16 au 23 avril 1917 par l’entrain avec lequel il a combattu et par son sang-froid dans le péril ». Le 27 juin suivant, dans la tranchée de Châteauneuf, à la route 44, il a été intoxiqué par les gaz de combat, et évacué sur une ambulance, rentrant au dépôt divisionnaire le 2 août suivant après un congé de convalescence. Il a été démobilisé le 23 septembre 1919, titulaire d’un certificat de bonne conduite, se retirant au 17 rue Caillé à Paris, puis emménageant au 6 rue Émile Lepeu dès le 9 octobre suivant.

À la mi-octobre 1921, la famille emménage au 81, rue Jean-Jaurès à Romainville [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez les parents de Louise, qui hébergent également la sœur de celle-ci et son mari.

René a un frère cadet, Raymond, né en 1923.

En 1936, et jusqu’au moment de son arrestation, René Louis est toujours domicilié chez ses parents, alors au 109, rue Jean-Jaurès à Romainville (nouvelle numérotation de rue ?).

René Louis est livreur, coursier. À partir de 1937, il est chargé d’effectuer les encaissements pour son employeur, la teinturerie Léon Réna (?).

Sous l’occupation, il est en contact avec un groupe de militants communistes clandestins de Romainville.

Le 17 septembre 1940, il est arrêté par des agents du commissariat de police de la circonscription des Lilas après avoir distribué des tracts communistes. Une note de police mentionnera également « des inscriptions à la craie ».

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou à la Maison d’arrêt de La Santé (Paris 14e).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants communistes (dit « procès des cinquante » ?), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne René Louis à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste). Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 18 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Le lendemain, il est conduit à la préfecture de police, où on l’informe de cette décision. Puis on le ramène à La Santé, où il attend son placement dans un centre d’internement… Désormais, la police française le désigne comme un « meneur communiste particulièrement actif ».

Le 7 avril, René Louis est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes ou syndicalistes avant-guerre. Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Deux jours plus tard, le 9 avril, la Cour d’appel de Paris examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Elle confirme le jugement de première instance concernant René Louis. Il est ramené à Aincourt le 21 avril.Le 6 septembre, il fait partie des 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 18 mars 1942, René Louis est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Louis est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, René Louis est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46249, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Louis.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

En France, le 23 octobre 1946, une mention en marge de son acte de naissance fixe son décès au 15 septembre 1942.

Le nom de René Louis est inscrit sur une des plaques commémoratives («  mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.

Notes :

[1] Romainville  : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 412.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
- Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.