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Robert, Fernand, Ligneul naît le le 20 décembre 1914 à Selommes (Loir-et-Cher – 41), fils de Placide Seigneur, 29 ans, ouvrier agricole devenu carrier (tailleur de pierre), domicilié à La Chapelle Vendômoise, enfant de l’assistance se réclamant de la tradition républicaine et anticléricale, comme son épouse, Fernande Constantin, 22 ans (celle-ci sera décédée lors du mariage de son fils).

Robert Ligneul fait ses études à l’école primaire supérieure de Saint-Aignan (41).

Il adhère aux Jeunesses communistes vers l’âge de quinze ans.

En 1932, il entre à l’École normale de Blois (41), ville où il milite au mouvement Amsterdam-Pleyel. En 1934, il est transféré, par mesure disciplinaire, à Beauvais (Oise), où il fait la connaissance de René Maublanc, professeur de philosophie.

Il est exclu de l’École normale pour son activité militante contre le service militaire de deux ans.

De la classe 1934, au recrutement de Blois, il est envoyé à Sarreguemines (Moselle), à la frontière franco-allemande, pour accomplir son service militaire. Il y fait de la prison pour avoir envoyé des articles à L’Humanité.

Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts entre 1936 et 1939, auprès duquel il sollicite sa réintégration, lui demande de refaire une année d’École normale, ce qu’il refuse. Robert Ligneul devient alors employé à la librairie communiste de la rue La Fayette à Paris et milite aux Jeunesses communistes du 9e arrondissement, dont il est secrétaire durant quelques mois.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 2, rue de Châteaudun à Paris 9e, à l’angle de la rue Lafayette.

À la fin de l’année 1938, il rencontre Madeleine Pointu, née le 6 janvier 1920 à Choussy (41), fille d’un militant communiste, venue à Paris en 1935 pour y travailler comme employée de magasin. Ils se marient le 1er septembre 1939. Ils n’auront pas d’enfant.

Le lendemain, 2 septembre, dès la déclaration de guerre, Robert Ligneul est mobilisé. Démobilisé le 22 août 1940, il regagne Paris et reprend contact avec le Parti communiste par l’intermédiaire de Pierre Georges (futur colonel Fabien).

Il se rend dans le Loir-et-Cher et entre en contact avec Georges Larcade afin d’organiser une filière de passage de la zone sud à la zone nord pour que des antifascistes allemands puissent agir parmi les troupes d’occupation.

Selon sa propre déclaration à la police, début 1941, étant au chômage, Robert Ligneul tente de subsister en vendant des pâtes alimentaires sur les marchés. Pour ce faire, il entre en contact avec la Société des Pâtes Fermières, sise 39, rue de Paris, à Clichy, où il rencontre André Seigneur, déclaré comme grossiste et dont il connaissait l’activité antérieure au Comité Thaëlman. En mai suivant, sur sa demande, celui-ci finit par l’embaucher comme secrétaire et représentant, en louant un bureau au 87, rue Taitbout (Paris 9e), où Robert Ligneul doit « recevoir les clients, répondre au téléphone, etc. ». André Seigneur a auprès de lui un deuxième « secrétaire », Jean-Jacques Y., ami d’enfance de son épouse, qui a d’autres tâches.

Robert Ligneul reçoit également des consignes de son « patron » lorsqu’ils se retrouvent dans différents établissements parisiens : le Princess Restaurant, rue de Londres, la brasserie La Pépinière et le tabac Saint-Augustin, place Saint-Augustin, le café Le Madrigal, sur les Champs-Élysées.

Vers le 16 octobre, une « information » parvient au service de la brigade spéciale des Renseignements généraux de la préfecture de police, signalant qu’André Seigneur aurait repris de l’activité au sein du parti communiste clandestin, remplissant les fonctions de responsable du 8e arrondissement en tenant des « conciliabules » au café situé à l’angle de la rue de la Pépinière et de la place Saint-Augustin. Des inspecteurs engagent alors une série de surveillances et de filatures à son égard et à celui des personnes avec lesquelles il est en relation. Les rapports de police montrent qu’André Seigneur a de nombreux contacts et de multiples rendez-vous, faisant suspecter une activité d’agent de liaison entre différents centres communistes. Lors de leurs déplacement à pied et en métro, ses deux secrétaires – dont « un homme à lunettes » – semblent se méfier et multiplient les manœuvres afin de déjouer les filatures.

Le 29 octobre 1941, Robert Ligneul est appréhendé à son domicile. Au cours de leur perquisition, les policiers trouvent un cahier sur lequel il a noté des indications semblant correspondre au secteur du 9e arrondissement. En même temps, sont arrêtés André Seigneur, l’épouse de celui-ci, le deuxième secrétaire et quatre autres personnes, tous conduits dans les locaux de la brigade spéciale des renseignements généraux pour y être interrogés (l’épouse de Robert Ligneul semble ne pas avoir été auditionnée).

Longuement interrogé sur les documents saisis à son domicile et à son bureau, Robert Ligneul explique notamment les parcours annotés sur son carnet comme devant servir à sa prospection dans le quartier afin d’y décrocher des contrats publicitaires.

Les documents saisis et les déclarations des personnes interpellées ne permettent pas aux inspecteurs d’établir la preuve d’une activité communiste clandestine. À la suite des auditions, six personnes sont relaxées, dont l’épouse d’André Seigneur et son deuxième secrétaire.

Le 2 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’André Seigneur et Robert Ligneul, « son secrétaire », à la demande de la B.S., certainement à cause de leur passé de militants communistes. Ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police

Deux jours plus tard, Robert Ligneul fait transmettre une lettre au commissaire principal des RG, rédigée sur une page arrachée à un bloc-note quadrillé, se disant extrêmement surpris de la mesure prise contre lui. Il y réaffirme qu’un des carnets incriminés ne contient que des rendez-vous privés et l’autre des déplacements professionnels, se disant prêt à fournir tous les éclaircissements nécessaires.

Le 10 novembre 1941, André Seigneur et Robert Ligneul font partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Dans ce camp, l’épouse de Robert Ligneul parvient à lui rendre plusieurs visites.

Le 22 mai 1942, celui-ci fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Ligneul est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Robert Ligneul lance une lettre qui est parviendra jusqu’à sa femme.Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

TransportAquarelle

Le 8 juillet 1942, Robert Ligneul est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45795, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Des témoignages convergents situent son décès à Auschwitz dans le courant octobre 1942, mais aucun document n’a été trouvé le confirmant.

Après l’arrestation et la déportation de son mari, Madeleine Ligneul donne son adhésion au Parti communiste à Auguste Lecoeur, en février 1943. D’abord affectée au travail de propagande parmi les femmes, elle devient agent de liaison du Comité central sous la responsabilité d’A. Lecoeur. Installée par le parti dans un pavillon à Sèvres (Seine-et-Oise), elle y accueille les réunions clandestines de la direction communiste de la Région parisienne : Auguste Lecoeur, Pierre Villon (COMAC), Auguste Gillot (CNR), René Camphin (FTP).

Après la Libération, elle est employée au Comité central du Parti communiste, puis, de 1947 à 1950, devient secrétaire de l’école du Comité central. De 1956 à 1961, Madeleine Ligneul est employée à l’Union des femmes françaises, puis de 1961 à 1977 à la Fédération des élus républicains.

À une date restant à préciser (avant mai 1946), Madeleine Ligneul a emménagé au 7, rue Jules-Verne à Paris 11e.

Le 4 avril 1946, Henri Gorgue, rescapé du convoi, signe un formulaire à en-tête de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes, attestant du décès de Robert Ligneul à Auschwitz au « mois d’octobre 1942 ».

Le 17 avril, Madeleine Ligneul remplit un formulaire en vue d’obtenir la régularisation d’un « non-rentré ». Elle habite alors au 7, rue Jules-Verne à Paris 11e.

Le 26 juin 1946, un officier d’état civil du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre dresse l’acte de décès de Robert Ligneul, en indiquant la date du 15 octobre 1945, « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus ». Le jour même, le ministère envoie au maire du 9e arrondissement une demande de transcription de la mention sur les registres d’état civil.

Robert Ligneul est homologué comme adjudant dans la Résistance Intérieure Française. Il a été déclaré “Mort pour la France”.

Une cellule du PCF du 9e arrondissement Parisien a pris son nom en 1945.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).

Sources :

- P. Delanoue et Jean Maitron, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), sous la direction de Jean Maitron, tome 34, page 39, citant : Témoignages de Madeleine et Gaston Ligneul, Georges Larcade – Livre d’or de l’enseignement public de Loir-et-Cher – Archives de la FNDIRP du Loir-et-Cher. – Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 84, 89, 371 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : lettres et réponse au questionnaire de Madame Ligneul (février 1992).
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), dossiers de la BS1 (GB 51), dossier n° 447, « affaire Seigneur – Ligneul et autres », 23 octobre 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) dossiers de la BS1 (GB 51), dossier n° 447, « affaire Seigneur- Ligneul et autres », 23 octobre 1941.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 112.
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Robert Ligneul (21 P 478 887), recherches de Ginette Petiot (message 03-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.