Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri Victor Lefèvre naît le 16 janvier 1918 à Saint-Ouen (Seine / Seine-Saint-Denis – 93) [1], chez ses parents, Albert Lefèvre, 40 ans, journalier, et Claire Louise Houille, 36 ans, son épouse, journalière, domiciliés au 123 boulevard Victor-Hugo. Lors de la présentation du nouveau-né à l’état civil, les témoins sont deux chiffonniers de Saint-Ouen.

Henri Lefèvre travaille comme ajusteur (ce qui correspond au souvenir de Fernand Devaux).

En 1939, il habite chez ses parents au 81 boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen. Au moment de son arrestation, il est toujours domicilié dans cette commune.

Le 2 septembre 1938, il est incorporé au 2e dépôt des équipages de la Flotte afin d’y accomplir son service militaire, mais la suite de cette affectation est à vérifier.Louis Heracle (déporté à Buchenwald), ouvrier à l’usine Alsthom de Saint-Ouen, évoque un apprenti nommé Lefèvre, arrêté avant lui, fin 1940, dans le bureau du personnel de l’usine par les policiers de la Brigade spéciale des Renseignements généraux, et mort en déportation. S’agit-il d’Henri Lefèvre qui avait 23 ans ?

Le 4 avril 1942 à la Mairie de Saint-Ouen, Henri Lefèvre, âgé de 24 ans, se marie avec Louise Eugénie Bailly, 19 ans, née le 7 avril 1922 à Saint-Ouen.

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté (le 28 avril ?) puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). (Henri Lefèvre ne passe pas par Rouillé…)

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (dit “camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Lefèvre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45763 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Lefèvre.

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, selon le registre d’appel du camp (Stärkebuch) ; un mois après l’arrivée de son convoi.

Le 11 janvier 1947, sa veuve se remarie à Saint-Ouen.

Le 6 juin suivant, la date du décès d’Henri Lefèvre est apposée sur son acte de naissance.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

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Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 410.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 191.
- Fernand Devaux, note.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1540 (Stb. 2, 281-284), prénom orthographié « Heinrich ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.