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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jules, Joseph, Marie, Le Troadec naît le 27 janvier 1895 à Bourbriac (Côtes-d’Armor [1]. – 22), fils de Jean-François Le Troadec, 35 ans, et de Marie-Josephe Le Biannic, 29 ans (tous deux seront décédés au moment de sa déportation). Jules a – au moins – un frère : Jean(-Marie ?).

Jules Le Troadec a une formation d’ouvrier forgeron.

En 1912, il arrive au Havre (Seine-Maritime [2] – 76) et y travaille comme ouvrier métallurgiste.

De la classe 1915, il est mobilisé en 1914 (première guerre mondiale). Il participe à la Campagne de France de 1914 à 1917, puis part comme volontaire en Orient. En 1919, il est rapatrié comme grand malade (paludisme et dysenterie).

Jules Le Troadec réside au Havre de 1919 à 1922, puis part travailler à Paris, toujours comme “métallo”, jusqu’en 1927.

Le 25 septembre 1925, le Tribunal correctionnel de Douai (Nord) le juge pour provocation publique de militaires à la désobéissance dans un but anarchiste et le condamne à six mois d’emprisonnement et 100 francs d’amende, faits relevés le 10 juillet précédent (à Avesnes ?).

À partir de 1927 et jusqu’à son arrestation, Jules Le Troadec est domicilié au 22, rue Saint-Jacques, au Havre. Pendant un temps, il vit en concubinage avec Louise Marrec, née le 8 août 1890 au Havre, qui tient un crèmerie (qu’elle devra abandonner en 1939).

Jules Le Troadec est alors docker sur le port. Il est l’un des dirigeants du Syndicat des Dockers du Havre.

En 1931, le tribunal de simple police de Bolbec le condamne à 1 franc d’amende pour tenue de réunion sur la voie publique.

Cette même année, il est inscrit sur le carnet B [3], sur une liste d’anarchistes, comme « militant syndicaliste révolutionnaire ».

Ancien combattant de la première guerre mondiale, il est membre de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). Militant communiste actif, le PCF le présente comme candidat aux élections législatives de 1936 et comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription du Havre lors des élections cantonales d’octobre 1937. Au début de la guerre civile Espagnole, Jules Le Troadec a en charge le recrutement de volontaires et la centralisation des souscriptions de soutien. Puis, il s’engagedans les Brigades internationales pour défendre la République contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Affecté au bataillon Henri-Vuillemin de la 13e Brigade, il se bat de décembre 1936 au 18 août 1937. Une semaine plus tard, il est rapatrié pour raison de santé.

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Insigne de l’Association 
des volontaires pour 
l’Espagne républicaine, ayant 
appartenu à Christophe Le Meur. 
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. 
Coll. André Le Breton.

En 1938, il est élu conseiller d’arrondissement du 4e canton du Havre. Il est notamment en relation avec Charles Domurado, qui habite le même quartier.

Selon le commissaire principal, chef du service des Renseignements généraux du Havre en 1942 : « Depuis de nombreuses années, Le Troadec [est] au Havre un dirigeant et un militant communiste notoirement connu. Au sein du parti communiste local, il [est] très écouté et on peut même dire qu’il [est], jusqu’en septembre 1939, l’un des chefs responsables du district communiste havrais ».

En 1939, à la suite de la déclaration de guerre, Jules Le Troadec est d’abord “affecté spécial” auxTréfileries et Laminoirs du Havre, au 10, rue de Nancy, où il participe à la fabrication de « bennes automatiques ». Radié de cette affectation en mai 1940, il est « placé dans un camp du midi de la Francepar l’autorité militaire » en même temps que Marcel Toulouzan [4]. Il est libéré (démobilisé) le 9 septembre 1940.

Entre temps, le 21 janvier, il a été déchu de son mandat électif par arrêté du préfet de Seine-Maritime.

Dès son retour, Jules Le Troadec est actif au sein du Parti communiste clandestin. En contact avec Marcel Lariven, Ernest Gourichon, Antoine et Renée Girault (agent de laison), Charles Domurado, Marcel et Marie Toulouzan, il distribue des tracts, « des journaux essentiellement », appose des graffitis à la peinture et au goudron sur les murs et les trottoirs de la ville. Il colle également des “papillons” dans son entreprise et partout où il passe, notamment au bureau de chômage où se fait le recrutement des travailleurs volontaires pour l’Allemagne. Comme autres militants clandestins, il connaît également Émile Bertin, Louis Eudier, Émile Famery, Serge Guingan (décédé sous l’occupation), Marcel Larriven, Émile Mutel, André Duroméa et Pierre Naze (ces quatre derniers Résistants seront membres de la commission d’homologation des FFI-FTPF du Havre après la guerre).

Des tracts anti-allemands circulant dans son quartier, Jules Le Troadec est arrêté comme « communiste notoire », interrogé au commissariat central du Havre, puis relâché.

Dès sa démobilisation, il a obtenu un emploi de forgeron monteur (ou frappeur) à l’atelier de carrosserie Le Troadec, au 28, rue Franklin, au Havre, tenu par son frère, Jean-Marie Le Troadec, et Pierre Coulon. Leur garage travaille pour la Wehrmacht, accueillant des véhicules militaires en réparation. Jules Le Troadec effectue des sabotages sur certaines machines, vidangeant l’huile des carters de moteurs et desponts arrières puis y versant du sable, faisant disparaître des crochets pour remorque. En juin, 1941, la détérioration d’un moteur vaudra aux gérants du garage une importante amende de la part de « la direction des autorités allemandes des [ces] ateliers », ainsi que sa remise en état à leurs propres frais.

Le 23 juin 1941, Jules Le Troadec est de nouveau saisi, sur son lieu de travail, cette fois par la police allemande, probablement dans le cadre de l’Aktion Theoderich [5].

Il est détenu dans les Maisons d’arrêt du Havre et de Rouen, puis interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [6] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dès le 8 décembre 1941, Jules Le Troadec figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Feldkommandantur de Rouen.

Sa compagne, Louise Marrec, change de domicile pour aller habiter d’abord au 73, rue de l’ancien hôpital, puis au 12, rue de l’Abbé-Herval. Elle vit en faisant des ménages.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Le Troadec est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

À la mi-juillet, son épouse recevra la carte la carte-formulaire envoyée par l’administration militaire duFrontstalag 122 pour informer les familles du départ de leur parent vers un autre camp.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures et repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jules Le Troadec est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45766. Ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard. Sa photo n’a pas été retrouvée.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jules Le Troadec est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Là, il est affecté au Kommando de “la Forge”, où sa force est appréciée (« Petit, mais râblé, costaud » se souvient Robert Gaillard). Il est pris dans une sélection, mais son kapo polonais (Vorarbeiter) intervient exceptionnellement auprès du médecin SS pour conserver ce bon travailleur.

Quand la résistance intérieure au camp s’organise, avec un groupe français dirigé par Roger Abada(45157), Eugène Garnier (45571) et Roger Pélissou (45957), il est chargé d’organiser l’action au sein duKommando Werkestatter.

Maréchal-ferrant, Jules Le Troadec travaille à côté de la porcherie, où les cochons sont nourris avec des résidus alimentaires. Grâce aux détenus qui y sont affectés, il “organise” des vivres qui sont redistribués.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz, essentiellement des “45000”, reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis.

À la mi-août 1943, Jules Le Troadec est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres 
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Jules Le Troadec est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés auKL [7] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule 19887).

Le 29 octobre, Jules Le Troadec est parmi les onze “45000” transférés à Wansleben (Kommando de Buchenwald), une ancienne mine de potasse transformée en usine souterraine de construction d’avions ; enregistrés le 1er novembre (matricule n° 93419).

Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le nord de Halle (Dessau). Il y est libéré le 13 ou le 14 du même mois par les troupes américaines. Il est rapatrié par Sarrebourg le 24 mai et rentre au Havre deux jours plus tard.

Jules Le Troadec retrouve un emploi de docker sur le port (« commis de quai »).

Le 26 octobre 1946 au Havre, il se marie avec Louise Marrec. Ils ont deux enfants.

Après guerre, il est élu Conseiller d’arrondissement au Havre.

Le 29 juin 1950, Jules Le Troadec rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant.

Le 28 avril 1955, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre décide de rejeter sa demande et ne lui délivre que la carte de Déporté Politique (n° 1103.14852).

Le 16 octobre 1959, le Conseil d’État confirme cette décision de refus.

Jules Le Troadec meurt accidentellement (asphyxie par le gaz) le 3 février 1961.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 358, 376 et 410. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : récit de Jules Le Troadec dans L’Avenir du Havre du 12 juin 1945 – Biographie résumée d’Eugène Kerbaul – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur, communication 20/7/1989). – Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?), p. 76, 105 et 106, listes à la fin du livre. 
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/23 (545.6.1288), 880/48 (545.2.290). 
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “carnet B”, BA 1774 (…). 
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14167 du samedi 2 octobre 1937, page 4, “vingt-et-unième liste (suite)…”. 
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-56. 
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Jules Le Troadec, cote 21.p.563.177, recherches de Ginette Petiot (message 12-2013). 
- Archives départementales de Seine-Maritime, copies de documents transmises à Ginette Petiot (message 01-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-01-2014)

Cette notice biographique doit- être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Côtes-d’Armor : département dénommé “Côtes-du-Nord” jusqu’en février 1990

[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[3] Le carnet B : Dès sa création, à partir d’une instruction secrète de novembre 1912 visant le recensement des éléments antimilitaristes pour les neutraliser, il permet d’inscrire des personnes définies comme dangereuses pour l’ordre public (notamment les militants anarchistes). Après 1918, il liste les suspects français et étrangers susceptibles de divulguer aux puissances ennemies des renseignements concernant la défense nationale. Révisé le 10 février 1922, selon les vœux du ministre de l’Intérieur, le carnet B vise également “certains individus notoirement acquis aux idées extrémistes », susceptibles d’entretenir des troubles violents par une propagande qui porte à « l’action directe ». Certains communistes et syndicalistes révolutionnaires répondent à ces critères. Un répertoire général est donc tenu au ministère de l’Intérieur, à partir du duplicata d’un folio mobile et d’une notice individuelle envoyés par les autorités préfectorales ou militaires. L’individu suspect se retrouve en fiche dans chaque brigade de gendarmerie et dans chaque préfecture dont dépend son domicile, ainsi que dans chaque état-major de corps d’armée dont dépend son affectation. Ces folios mobiles, transmis entre les différents centres de gendarmeries doivent permettre de suivre ses déplacements sans que l’intéressé en soit informé. Ordonnées par les préfets et les généraux commandant les corps d’armée qui doivent suivre « personnellement » l’examen des dossiers, les inscriptions au carnet B sont soumises, en cas de différend entre les deux parties civile et militaire, à la responsabilité commune des ministres de la Guerre et de l’Intérieur. Sur proposition des autorités compétentes, et après acceptation du ministre de l’Intérieur, le carnet B peut faire l’objet de révisions en ce qui concerne les individus qui se sont amendés ou n’étant plus susceptibles de fomenter ni d’exercer une action révolutionnaire à titre individuel ou collectif. Révision également nécessaire pour rayer les inscrits qui sont décédés, disparus ou partis dans d’autres pays depuis plus de deux ans. L’article 10 du code d’instruction criminelle qui fonde la légalité d’un tel carnet donne au préfet toutes les attributions de police judiciaire du juge d’instruction, notamment le droit de faire des perquisitions et de remplir les formulaires de mandats de perquisition et d’amener. Une inscription au carnet B , signifiait que l’individu pouvait être mis en état d’arrestation, sur une simple décision du préfet remplissant un formulaire en blanc préalablement annexé à son dossier individuel. Même dans la période du Front populaire, le carnet B a vu l’inscription de grévistes : Maria Iverlend a été inscrite dans celui de la Somme, le 1er octobre 1936, avec comme motif : « extrêmiste militante depuis de longues années. A pris une part très active dans la conduite du mouvement de grèves et occupation des usines juin-août 1936. Violente et exaltée. » Traitées à part, les listes de personnes surveillées par les renseignements généraux dépassaient largement le nombre de celles inscrites au carnet B. Dans son livre, Treff Lutetia Paris, Oskar Reile, major en 1940 dans le groupe de recherche du contre-espionnage de l’Abwehr, raconte comment le capitaine Wiegand, à la fin du mois de juin 1940, a « trouvé dans les locaux, 11 rue des Saussaies à Paris les archives et fichiers parfaitement en ordre de la Sûreté nationale ». En janvier 1943, sous l’impulsion d’Oberg, les archives du ministère de l’Intérieur seront déplacées à la Wilhem-strasse, à Berlin. Deux bureaux de la Gestapo recevront la mission de traiter les informations du fichier central concernant les individus pour l’un, les associations et les partis politiques pour l’autre. En 1945, les archives de la Sûreté nationale seront sous contrôle soviétique (restituées en 1992 au gouvernement français). En l’état actuel des connaissances, à défaut de listes précises, il semble impossible de reconstituer le nombre des individus ayant été inscrits au carnet B ainsi que de connaître l’utilisation qu’en ont fait à la déclaration de guerre, les autorités françaises et après la défaite de 1940 son incidence sur le contrôle allemand de la population française et étrangère. Le carnet B a été abrogé le 18 juillet 1947. D’après Jean-Pierre Deschodt, Le carnet B après 1918RIHM n° 82, Commission Française d’Histoire Militaire, en ligne sur WWW.STRATISC.ORG le site de la stratégie dans l’histoire.

[4] Marcel Toulouzan sera fusillé le 4 février 1944 à Rouen (75) pour l’attentat au cinéma Sélect du Havre.

[5] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, administré par la Wehrmacht et réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich”.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942

[6] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[7] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.