Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Léon, Ernest, Lavoir naît le 5 novembre 1895 à Lisieux (Calvados), chez ses parents, Émile Lavoir, 37 ans, tailleur d’habits, et Marie Gaignant, 36 ans, son épouse, domiciliés au 10, rue de Livarot (le couple s’était marié à Paris 9e). Léon a – au moins – un frère, William, né vers 1912 ou en 1919.

Pendant un temps, Léon Lavoir habite au Bas-Bel à Sainte-Marie, limitrophe au nord-est de Redon (Ille-et-Vilaine). Il commence à travailler comme serrurier.

Le 20 décembre 1914, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 115e régiment d’infanterie. Le 2 août 1915, il passe au 175e R.I. Le 20 octobre 1917, il passe au “service auto” du 8e escadron du Train (des équipages). Le 3 février 1918, il passe au 20e escadron du Train Auto. Le 13 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

Le 29 mars 1919, à Sailly-Labourse (Pas-de-Calais), Léon Lavoir se marie avec Jeanne Marie Joseph Leroux, née le 2 mai 1896 dans cette commune, domestique, fille de houiller.

En septembre 1922, il habite au carrefour de La Fourche, à Fontainebleau (Seine-et-Marne).

À partir du début 1928 (ou septembre 1932) et pendant une dizaine d’années, Léon Lavoir habite au 9 rue Faraday à Paris 17e, où sa mère est concierge.

Jeanne et Léon ont un fils, né vers 1919 (celui-ci sera mobilisé en 1939 et prisonnier de guerre en juin 1940).

À partir du 15 février 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Léon Lavoir est domicilié au 9 impasse Laugier à Paris 17e.

Militant avant-guerre, il assure la vente de la presse communiste dans la rue ; un engagement confirmé par le témoignage de René Petitjean.

Du 26 octobre 1936 au 22 mars 1938, Léon Lavoir travaille à la Compagnie générale des Voitures, sise au 28 rue du Pilier à Aubervilliers. Du 3 août 1938 au 9 mars 1940, il est ajusteur aux établissements Bréguet… à la même adresse.

Le 27 août 1939, il est interpellé par la police française pour « vente de journaux ».
Du 11 mars au 15 juillet 1940, il est “affecté spécial” à l’Atelier de construction de Puteaux (un arsenal de l’armée). Puis il est inscrit au fonds de chômage. Du 17 mars au 9 juillet 1941, il va travailler à Melun (Seine-et-Marne), comme terrassier (?).

Après la dissolution des organisations communistes, il est signalé par le commissariat du 17e arrondissement comme se livrant à la propagande clandestine en faveur de la IIIe Internationale…

Le 11 juillet 1941, désigné comme « meneur très actif », il est de nouveau appréhendé par feux inspecteurs de police française ; la perquisition (“visite domiciliaire”) opérée simultanément ne donne aucun résultat. Le même jour, le préfet de police signe un arrêté collectif d’internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 (huit personnes y sont désignées). Léon Lavoir est conduit comme « détenu communiste » à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ». Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Fin janvier 1942, Jeanne Lavoir écrit au préfet de police : « Excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire, mais je voudrais attirer votre attention sur la cas de mon mari, Lavoir Léon, détenu administrativement à la caserne des tourelles depuis le 11 juillet 1941. Ce n’est pas dans ma nature de réclamer, mais, depuis deux ans bientôt, tant de malheurs se sont abattus dans mon foyer que la charge me devient vraiment pénible. D’abord l’exode, où j’ai suivi mon mari, envoyé par son usine de Puteaux où il avait été affecté ; mon fils prisonnier de guerre, six mois sans nouvelles de nous, dur calvaire pour une mère ; mon mari, chômeur pendant onze mois à la suite de l’exode ; ma belle-mère impotente à charge pendant cinq mois, morte le 7 juillet 1941 (j’avais contracté une grosse dette dont je n’ai pu tenir l’engagement pour le remboursement, puisque mon mari, qui ne retravaillait que depuis deux mois, a été arrêté le lendemain de l’enterrement de ma mère). Depuis, je n’ai fait que m’enfoncer davantage, n’ayant pas de métier et pas une très bonne santé. Les quelques heures que je fais ne peuvent pas beaucoup me tirer d’affaire pour subvenir à trois personnes. C’est pourquoi je fais appel à votre bon sens et à votre loyauté pour réviser le cas de mon mari, qui est français, ancien combattant, et n’a à son actif aucune faute illégale. Cela je le sais et mon mari me l’a encore certifié aujourd’hui. »

Le 27 février suivant, après exposé des motifs, un fonctionnaire des Renseignements généraux conclut : « En conséquence, il semble que la libération de Lavoir ne puisse être envisagée dans les circonstance actuelles. » Le 10 mars, le chef du 1er bureau demande au commissaire de police du quartier des Ternes de faire connaître à la requérante que « sa demande ne peut être favorablement accueillie ». Le 16 mars, sans doute convoquée au commissariat, Jeanne Lavoir signe cette notification, dont elle a « reçu communication ».

Le 5 mai 1942, Léon Lavoir fait partie des 24 internés des Tourelles, dont beaucoup d’anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire à la gare de l’Est prendre un train à destination du camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 15 mai suivant, son épouse interroge le préfet de police pour connaître le lieu où il a été transféré depuis son « déplacement » : « …  j’ai fait des démarches à la préfecture, puis à la Kommandantur où celle-ci m’avait envoyée, sans obtenir aucun résultat, la Kommandantur m’assurant que mon mari, ayant été arrêté par les autorités françaises, c’est là que je devais avoir les renseignements. Je vous demanderais, Monsieur le préfet, de bien vouloir me renseigner : où est mon mari, ayant assez des angoisses d’un fils prisonnier en Allemagne, sans qu’il s’en ajoute d’autres. Et en même temps, je dois fournir une attestation de présence de mon mari au juge de Paix pour mon loyer pour le 21 mai ». Le 6 juin, le cabinet du préfet de police demande au commissaire de police du quartier des Ternes de faire connaître à la requérante que son mari a été conduit par les “Autorités allemandes” au camp de Compiègne « où il est encore ». Jeanne Lavoir en reçoit communication le 13 juin.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Lavoir est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Lavoir est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45737 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Lavoir.

Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1].

Le 15 janvier 1945, son épouse est citée comme témoin dans une procédure d’épuration concernant Henri M.

Léon Lavoir est déclaré “Mort pour la France” et homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Léon Lavoir, c’est le mois de juin 1942 « à Compiègne » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (dossier individuel ) – FNDIRP du 17e.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Lisieux N.M.D. année 1895 (2 MI-EC 1482), registre des naissances, acte n° 296 (vue 95/522).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 718-26475) ; dossier individuel établi par les Renseignements généraux (77 W 1698-91265).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 698 (25481/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.