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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René Lamboley naît le 24 mai 1920 à Saint-Denis [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Georges Lamboley, fraiseur, et d’Eugénie Kerrurien.

À une date restant à préciser, sa mère se marie avec Charles Georgler.

Au moment de son arrestation, René Lamboley est domicilié au 16, passage Meunier, à Saint-Denis, avec sa mère, son beau-père et ses frères, dont il est l’aîné. Il est célibataire.

Après son certificat d’études primaires, il entre à l’usine Mouton (tréfilerie des métaux) à Saint-Denis (Plaine). Il est monteur fraiseur.

Très tôt, il s’engage dans le mouvement syndical (CGT), puis aux Jeunesses communistes. Sportif, il fait partie de l’équipe de football du Club sportif ouvrier dyonisien (CSOD).

Fin 1939 ou début 1940, il est mobilisé. Après la “débacle”, en juillet, il revient à Saint-Denis. Début août, il rejoint le groupe des JC clandestines et participe au collage de papillons et aux distributions de tracts.

Le 2 septembre 1940, il est arrêté par la police française avec quatre autres membres des Jeunesses communistes (Fernand Devaux, qui sera déporté avec lui, Guy Gaillard, Hammon, et Georges Philipidès), lors d’une distribution de tracts entre la rue des Ursulines et la rue Catulienne à Saint-Denis. Ils sont d’abord conduits au commissariat de secteur, à Saint-Denis.

Le 4 septembre, René Lamboley est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Il est libéré à la fin du mois d’octobre, avec ses camarades et d’autres détenus.

Le 9 novembre 1940, il est de nouveau arrêté, avec les mêmes camarades ; le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif le jour même. Il est aussitôt conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre de la même année, dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt, afin d’y interner des hommes connus de la police française pour avoir été communistes avant guerre.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941. René Lamboley et ses camarades sont installés dans le réfectoire, transformé en “dortoir des jeunes”.

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Sanatorium de la Bucaille à Aincourt.
Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment
où se trouvent les communistes internés et qui
– vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de René Lamboley, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, ne formule pas son avis mais constate que cet interné « serait à libéré en fonction de son jeune âge, de sa situation de famille et à envoyer dans un camp de jeunesse », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte – bon esprit ». La situation de famille décrite est celle-ci : « mère vit en concubinage avec un homme malade – un frère prisonnier et un autre au chômage ».

Le 22 octobre, le directeur du camp transmet au préfet de Seine-et-Oise trente-sept notices sur des détenus devant être exclus des listes d’otages. René Lamboley est du nombre au motif qu’il « a toujours fait preuve du meilleur esprit, volontaire pour toute les corvées », le directeur estimant que, si celui-ci a été membre des jeunesses communistes, « ses convictions n’étaient pas très assises. »

Le 5 mai 1942, René Lamboley est parmi les 149 derniers internés à quitter le camp d’Aincourt – qui devient alors un camp de femmes – pour celui de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule 385, il n’y reste que cinq jours.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.
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Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 10 mai, avec 80 de ses camarades, il est remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager, gardé par la Wehrmacht. Il y retrouve de nombreux anciens d’Aincourt, dispersés entre temps dans différents camps français.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Lamboley est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45721 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Selon René Aondetto, au Block 20, René Lamboley fait partie des détenus matraqués pour l’exemple par les “kapos”, afin de montrer à tous comment s’impose la discipline du camp.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, tous sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – René Lamboley est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée à Auschwitz-I après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres), il fait équipe avec Gaston Aubert, ébéniste de formation. Leur travail – très pénible – consiste à débiter des planches à partir d’arbres venant de scieries. Son camarade de Saint-Denis, Fernand Devaux, arrive à prendre contact avec eux. Mais il perd de vue René en octobre-novembre.

René Lamboley meurt à Auschwitz le 6 décembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

Une plaque rappelle son souvenir là où il demeurait, passage Meunier à Saint-Denis. Son nom figure également au Mémorial des Déportés Politiques et Résistants, place de la Résistance à Saint-Denis.

Comme pour la plupart de ses camarades, le titre de “Déporté-Résistant” lui a été refusé.

Sources :

- Témoignage de Fernand Devaux (11-2006).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 112, 178, 386 et 409.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w77, 1w129 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

Fernand Devaux et MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-02-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).