Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand Lafenêtre naît le 1er mars 1906 à Saint-Maixent-l’École (Deux-Sèvres), fils d’Arthur Lafenêtre, 34 ans, boucher, et Marguerite Juliette Bijard, 26 ans, son épouse, domiciliés au 33 place du Marché. Fernand a une sœur cadette, Marguerite Marie Clémence, née le 26 septembre 1907.

Lors de son passage devant le conseil de révision (classe 1899), leur père avait été classé “service auxiliaire” par la commission de réforme de Niort en raison d’une brûlure invalidante à la main gauche. Le 21 novembre 1914, cette même commission le classe de nouveau “service auxiliaire”. Cependant, le 19 janvier 1915, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale (du 1er août 1914) et rejoint la 3e section de commis et ouvriers d’administration à Tours, “arrivant au corps” six jours plus tard. D’abord maintenu service auxiliaire par la commission de réforme de la Seine, Arthur Lafenêtre est “renvoyé dans ses foyers” le 26 mars suivant.

En 1921, la famille – venue s’installer en région parisienne – habite dans un immeuble au 21, rue d’Aguesseau à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine). Le père, Arthur, est devenu manœuvre, la mère, Marguerite, est employée (comptable ?). Ils hébergent également Marie Courtine, la mère de celle-ci, veuve Bijard, née en 1851 à Saint-Jean-Auval (Puy-de-Dôme).

En 1925, Fernand Lafenêtre, inscrit comme électeur du département de la Seine, est électricien. Sa mère, Marguerite Lafenêtre, âgée de 50 ans, décède prématurément le 23 décembre de cette année au domicile familial.

En 1926, Fernand est bobinier et sa sœur Marguerite, couturière. En 1931, Arthur devient magasinier chez Renault.

Le 10 décembre 1932, à Paris 10e, Marguerite Lafenêtre se marie avec Paul Mardochée Montel, 35 ans,  dessinateur, domicilié au 63 rue Chabrol. Arthur est témoin à leur mariage en même temps que Roger Schlidlowsky, industriel.

En 1936, Arthur Lafenêtre vit seul dans l’appartement, déclaré comme manœuvre.

Le 29 octobre 1938, à Boulogne-Billancourt, Fernand Lafenêtre se marie avec Yvonne Auber, née le 17 mars 1900 à Lille (Nord). Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Fernand Lafenêtre habite de nouveau au 19 rue d’Aguesseau.

Ni son épouse, ni la police française ne lui connaissent une activité politique (a-t-il fait l’objet d’une dénonciation directe aux autorités d’occupation ?).

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile par les Allemands. Pris comme otage, il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Lafenêtre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Lafenêtre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45713 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Lafenêtre.
Il meurt à Auschwitz le 24 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

En 1943, son épouse a déménagé au 125, rue du Faubourg-du-temple, à Paris 10e, et trouvé un emploi à l’École de Coiffure du 7, rue Darbois, à Paris 11e.

Sa sœur Marguerite, âgée de 50 ans, décède prématurément le 17 janvier 1958 à Villejuif (Val-de-Marne). Son mari, Paul Montel, décède à Crosnes (Essonne) le 25 juin 1974.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, la commune de Boulogne-Billancourt fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 409.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 2436-447866).
-Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 685 (24459/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.