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Archives communales de Seurre (21).
Droits réservés.

Roger, Jean, Josselin naît le 13 août 1920 à Dijon (Côte-d’Or – 21), 21 ruelle des Poussots, de Jean Josselin, 33 ans, coiffeur, et de Jeanne Juliette Didier, 30 ans, son épouse, ouvrière aux tabacs. Il a deux sœurs : Germaine et Andrée, âgées respectivement de 8 et 14 ans.

Dijon. La Manufacture nationale des Tabacs. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Dijon. La Manufacture nationale des Tabacs.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Il a un an lorsque son père décède. Sa mère, toujours ouvrière des tabacs, élèvera seule ses trois enfants.

À l’été 1940, Roger Josselin est chômeur et demeure au 20 rue Neuve-Bergère à Dijon.

Il participe à une action de propagande au cours de laquelle un groupe de Jeunes communistes collent des “papillons” dans toute la ville et écrivent des slogans sur les murs avec du charbon de bois.

Les 30 septembre et 1er octobre, une douzaine d’entre eux sont arrêtés, dont Roger Josselin qui est pris à Dijon. En février 1941, un Tribunal les condamne à des peines allant de cinq à dix mois de prison [1]. Roger Josselin est condamné à cinq mois d’emprisonnement et à une amende.

Après sa sortie de détention – à une date restant à préciser, – il vient habiter à Seurre (21) et, pendant quelques mois, est préparateur en pharmacie dans cette ville (à Auschwitz, il se déclarera comme assistant en pharmacie « apothekergehilfe »).

Seurre, sur les bord de la Saône, après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Seurre, sur les bord de la Saône, après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En juillet 1941, il est embauché comme terrassier aux établissements Pellerin et Lambert, entreprise de travaux publics de Seurre.

Le 6 septembre, Roger Josselin épouse Camille Pernelle à Dijon ; leur fils, Jean, naîtra début juin 1942.

En septembre également, il devient entraîneur de l’équipe de football du Club Sportif Seurrois.

En février 1942, Roger Josselin reçoit une convocation pour se présenter à la Kommandantur de Seurre [2]. Ne se doutant de rien, il s’y rend et est de nouveau arrêté, le 26 février, par les autorités allemandes pour activité communiste. Il est alors domicilié au 3 rue du Pont, 1er étage, à Seurre.

Le 1er mars, l’ingénieur de l’entreprise où il travaillait établit un certificat en sa faveur. Le Club Sportif Seurrois fait la même démarche.

Le 30 mars, sa mère, domiciliée à la même adresse, écrit au préfet de la Côte-d’Or pour demander la libération de son fils et un secours matériel, sa belle-fille enceinte se retrouvant sans ressources après avoir quitté son travail à la laiterie de Seurre.

Le 17 avril, le préfet de la Côte-d’Or demande au sous-préfet de Beaune des précisions sur les motifs et circonstances de son arrestation. Ce dernier lui répond le 27 avril que le maire de Seurre n’a aucun renseignement pouvant l’expliquer.

Le 4 mai, le préfet de la Côte-d’Or demande au maire de Seurre son avis pour l’attribution d’un secours d’extrême urgence ; sa lettre étant restée sans réponse, il renouvelle sa demande le 30 juin. La réponse du maire, en date du 16 juillet, précise que c’est l’épouse de Roger Josselin qui est sans ressources (sa mère perçoit une retraite) et donne un avis favorable à l’attribution d’un secours.

À une date restant à préciser (dès février ?), Roger Josselin est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Roger Josselin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Josselin.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]). Il a 22 ans.

Le 22 octobre, le préfet de la Côte-d’Or informe le maire de Seurre qu’il a fait une demande d’aide matérielle au délégué départemental du Secours national pour la famille de l’intéressé et lui demande de lui « préciser si M. Josselin se trouve toujours détenu par les Autorités allemandes ».

À Dijon, les noms de Roger Josselin et de Jean Bouscand sont inscrits sur la plaque commémorative du quartier des Poussots érigée par souscription sous l’égide du Secours Populaire Français : « 1939-1945 – A la mémoire des enfants des Poussots morts pour que vive la France ».

Plaque commémorative du quartier des Poussots à Dijon.

Plaque commémorative du quartier des Poussots à Dijon.

Le 12 avril 2007, le conseil municipal de Seurre donne le nom de Roger Josselin à une rue de la commune.Celui-ci est également inscrit sur le Monument aux morts.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Suite à cette action de propagande, 14 jeunes communistes sont arrêtés par la police française les 30 septembre et 1er octobre 1940. Ils sont incarcérés puis déférés devant le tribunal correctionnel le 10 janvier 1941. L’audience du 14 février 1941 condamne 9 jeunes à 5 mois de prison, 2 à 8 mois et un à 10 mois de prison. Ils sont également condamnés à une amende. Deux d’entre eux nient tout et bénéficient d’un non-lieu : Marcel Caignol, élu secrétaire régional de la Jeunesse communiste en 1937 – tous les autres jeunes ont répondu lors de leur interrogatoire qu’il n’était pas leur chef – ainsi que Roger Butticaz.

Guy Hartweg décède à sa sortie de prison.

Plusieurs sont arrêtés une seconde fois. Jules Jacqueson est arrêté à Saint-Denis en 1944. Il est transféré à la Santé le 12 mars 1944, puis libéré le 17 août. Il participe à la libération de Paris. Alexandre Truchot, cheminot, passe dans la clandestinité et est fusillé le 20 septembre 1943 à Dijon. Marcel Caignol passe dans la clandestinité, il est arrêté le 28 février 1944 à Paris par la police française, puis dirigé sur un camp en Allemagne pour travailler dans une usine. Roger Butticaz est arrêté en juin 1941 puis interné à Compiègne. Roger Josselin est arrêté le 26 février 1942 à Seurre, interné à Compiègne puis déporté à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Le quotidien Les Dépêches publie en septembre 1984 dans la rubrique « libre opinion » un article de Marcel Caignol intitulé « Un point d’histoire ». Il témoigne de l’engagement des jeunes communistes Côte d’Oriens très tôt dans la résistance (en août 1940, ils commencent à récupérer des munitions). Il dénonce également la position du quotidien de l’époque Le Progrès de Côte d’Or, journal collaborationniste, qui par exemple dans son numéro du 2 octobre 1940 parle de « La Juste répression de la propagande communiste ». Il évoque aussi les « mois de détention dans des conditions déplorables (privation, mitard) » de ce groupe de jeunes communistes arrêtés suite à cette action de propagande.

[2] Un motif d’arrestation inconnu : D’après la mémoire locale, Roger Josselin a été dénoncé, mais à ce jour aucune preuve matérielle n’a été découverte. Une fiche référencée en 6J 61-62 des archives départementales de la Côte d’Or précise qu’il est arrêté le 26/2/42 pour « activité communiste », sans autre précision. Par ailleurs, dans sa correspondance avec le Préfet de la Côte d’Or en date du 16 juillet 1942, le maire de Seurre écrit qu’il n’a pu obtenir aucune information sur les causes de cette arrestation. Une liste d’internés à Compiègne établie par la Préfecture en 1942 en vue d’accorder un secours aux familles dont le soutien a été arrêté par les autorités d’occupation, indique « raison inconnue » dans la colonne « motif de l’arrestation » en face du nom de Roger Josselin.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’ Auschwitz-Isélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 363 et 408.
- Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édité par le PCF de Côte-d’Or, 1996, pages 14 et 111 (« Après la libération – Morts pour la France »).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 519.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (31577/1942).
- Le Progrès de Côte d’Or, édition du 28 septembre 1940, article d’Emile Gauthrin intitulé « Le devoir », et édition du 15 janvier 1941, article intitulé « La répression de la propagande communiste ».
- Les Dépêches, septembre 1984, rubrique Libre opinion, article intitulé « Un point d’histoire » de Marcel Caignol.
- Jean-Paul Lamy, site internet Mémorial GenWeb, 2002.
- Archives départementales de Côte-d’Or, fonds : cotes 6J 61 à 62 (fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounand, historien), cote 1630W, article 244.
- Site internet archives.cotedor.fr (recensement de la population de Dijon en 1921).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26 avril 2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.