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Abraham, dit André, Indictor ou Indiktor naît le 17 février 1893, à Nikolaew (Russie). Il obtient la nationalité française.

En 1938, il arrive à Caen (Calvados – 14) avec sa famille. Marié, il est père de deux enfants : René et Claudine.

Au moment de son arrestation, André Indictor est domicilié au 3, rue de Verdun à Caen.

André Indictor est coiffeur aux Galeries Lafayette de Caen, emploi qu’il partage avec son fils René, 17 ans.

JPEG - 147.4 ko     Les Galeries Lafayettes de Caen, au pied de l’immeuble Beauséjour,     place Foch, derrière le Monument aux Morts de 1914-1918,     et à côté le la Feldkommandantur 723, installée dans     l’Hôtel Malherbe. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

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Les Galeries Lafayettes de Caen, au pied de l’immeuble Beauséjour, place Foch, derrière le Monument aux Morts de 1914-1918,
et à côté le la Feldkommandantur 723, installée dans l’Hôtel Malherbe. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

On ne lui connaît pas d’activités politiques ou syndicales selon son fils René, qui ajoute que son père parlait de nombreuses langues.

En mai 1940, le directeur du grand magasin organise l’exode de ses employés et la famille Indiktor se retrouve à Nantes (Loire-Atlantique). Après l’armistice, la famille revient à Caen.

En octobre 1940, lors du recensement des Juifs, Abraham Indictor se déclare comme tel, considérant qu’il est connu comme membre de la Défense passive, mais son fils René s’y refuse, raison pour laquelle il sera ignoré des listes de recensement

Le 1er mai 1942, André Indictor est arrêté par la police allemande, comme otage juif à la suite du déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [1].

René Indictor peut visiter son père au Petit-Lycée. Il tente de le convaincre, lui et Raphaël Pecker, de tenter une évasion.

Le 4 mai, André Indictor fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

À partir du 5 juin (mais peut-être avant), probablement avec l’appui du Docteur Raphaël Pecker, André Indictor est désigné comme infirmier, faisant également fonction de cuisinier des médecins, et loge dans une des petites chambres de l’infirmerie du “camp juif”.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le docteur Abraham Drucker – resté à Compiègne – signale sa présence dans le convoi (lettre du 15 février 1946).

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Sa famille reçoit une carte du camp datée du 16 juillet : probablement la carte imprimée en allemand et envoyée à plusieurs familles indiquant : « Par décision de nos services, le détenu susnommé a été transféré dans un camp pour y travailler. Sa destination étant inconnue, il vous faudra attendre pour avoir de ses nouvelles. »

Le 8 juillet 1942, André Indictor est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46284, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André Indictor meurt à Auschwitz le 10 août 1942, selon trois registres tenus par l’administration SS du camp ; un mois après son arrivée, le même jour que dix-neuf autres “45000”.

La mention « Mort pour la France » est portée sur les registres d’état civil.

Après l’arrestation de son père, René Indictor quitte Caen et passe en zone non occupée, franchissant leligne de démarcation à Hagetmau (Pyrénées-Atlantiques). Il rejoint Marseille puis Lyon, avant de se fixer à Annecy (Haute-Savoie). Sa mère et sa sœur Claudine le rejoignent quelques mois plus tard. Il reprend son métier de coiffeur, mais sous une fausse identité, avec de faux papiers. Mais son âge le rattrape : en février 1943, il est requis pour le Service du travail obligatoire (STO). Refusant de s’y soumettre, il rejoint un maquis à La-Roche-sur-Foron (Haute-Savoie). Arrêté en février 1944, un hasard le fait libérer. En août 1944, il participe à la libération d’Annecy.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

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Inscrit sur le Mur des noms…

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 52, 53, notice de Claudine Cardon-Hamet page 123.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 408.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois aux éditions Corlet en 1992.
- Benjamin Schatzman, Journal d’un interné, Compiègne-Drancy-Pithiviers, préfacé par Serge Klarsfeld, éditions Fayard, avril 2006, pages 287 et 288, 662.
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, 140, 210-212, liste p. 245.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; il y est inscrit comme Juif, sans autre précision, mais avec ses nom et prénomfrançais.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 484 (19359/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-12-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.