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Alexandre Hurel

Alexandre, Élie, Hurel naît le 26 juin 1890 à Paris 10e – 265 faubourg-Saint-Martin (vers la place de Stalingrad) -, fils d’Alexandre, Eugène, Hurel, 21 ans, couvreur-plombier, et de Marguerite Philiberte dite « Berthe » Campmas, 21 ans (née à Lyon le 11 août 1870, fille de François Campmas, ciseleur sur métaux -c’est lui qui a forgé les croix de la basilique de Fourvière ainsi que les grilles de la crypte- et de Marguerite Guillermet), couturière puis lingère, non mariés à l’époque, domiciliés au 11 bis, rue de Nemours.

Alexandre Hurel est mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 : Médaille militaire, Croix de guerre et quatre citations.

Le 30 octobre (?) 1913 à Lons-le-Saunier (Jura – 39), il se marie avec Jeanne Dominique, née en 1894 à Lons-le-S. Ils ont un enfant, âgé de 27 ans au début de 1941 (…peut-être Lucienne).

En 1936, il habite avec son épouse au domicile de ses parents au 18 (ou au 113 ?), rue Brulard à Fresnes [2] (Val-de-Marne – 94). Lui se déclare comme plombier à Paris, entreprise « Clous au soleil » – comme son père -, elle comme chapelière chez Marquet à Paris. Au moment de son arrestation, il sera déclaré comme fondeur (dans quelle entreprise ?).

Un de ses derniers employeurs sera pourtant Le Petit écho de la mode, au 3, rue Gasan à Paris 12e.

Le 4 juillet 1937, à l’issue d’élections partielles, Alexandre Hurel est élu conseiller municipal de Fresnes sur la liste du Parti communiste, dirigée par Maurice Catinat.

Le 11 décembre 193(9 ?), il est également élu au Conseil d’administration de la Caisse des écoles de Fresnes.

Le 5 octobre 1939, comme pour la plupart des villes de la “banlieue rouge », le conseil municipal de Fresnes est “suspendu” par décret du président de la République (sur proposition du ministre de l’Intérieur) et remplacé par une Délégation spéciale nommée par le préfet.

Le 3 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Alexandre Hurel de son mandat pour fidélité au Parti communiste, ainsi que 21 autres élus municipaux de Fresnes.

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Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Lors de sa séance du 8 mai, la délégation spéciale propose au préfet de «  provoquer la constatation de la déchéance » de six membres du C.A. de la Caisse des écoles qu’elle désigne, parmi lesquels Louis Villeminot et Alexandre Hurel.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « propagandiste actif ».

Le 5 octobre 1940, Alexandre Hurel est arrêté, comme onze autres élus et trois membres du PC de Fresnes, lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

 

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le 25 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » d’Alexandre Hurel, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, ne formule pas explicitement son avis mais constate que cet interné « est resté communiste certain dont l’internement n’a pas modifié les opinions », tout en lui reconnaissant une « attitude correcte » et en indiquant son implication de soldat en 1914-1918.

Le 29 mars 1941, quinze épouses d’internés Fresnois – dont Jeanne Hurel et la mère de son mari – adressent une lettre commune au préfet de la Seine afin d’être autorisées à leur rendre visite avec leurs enfants ; « attendu que les prisonniers de droit commun (criminels, voleurs) ont droit à des visites, nous ne pouvons comprendre que nos maris et pères, étant des hommes honnêtes, n’y ont pas droit. » Le 11 avril, le chef de cabinet du préfet demande au commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi d’ « avertir les pétitionnaires, en la personne de Mme Soupion » (probablement à l’origine de la lettre) que « le règlement intérieur du camp (interdit) les visites aux détenus. »

À Aincourt, des incidents l’opposent aux “gittonistes” du Parti ouvrier et populaire français (POPF).

Le 24 juin, Alexandre Hurel fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines), à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs. Ils y conservent le statut d’internés administratifs. Dans une cellule de trois, Alexandre Hurel se trouve avec Fernand Salmon et René Guiboiseau.

Le 27 septembre, il fait partie des 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.

 

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Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen.
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai 1942, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 291, il n’y reste que deux semaines. Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Alexandre Hurel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Alexandre Hurel est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45677 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Alexandre Hurel.

Il meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

Le 30 septembre 1944, lors de l’assemblée plénière du Comité local de libération de Fresnes, il est encore considéré comme « conseiller déporté en Allemagne » (supposé vivant… ?).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Fresnes, à l’intérieur du cimetière, parmi les “déportés politiques et fusillés”, et sur la plaque apposée à l’extérieur de la mairie le 11 novembre 1945 : « Hommage du conseil municipal et de la population de Fresnes à leurs conseillers municipaux victimes de la barbarie Nazie ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 15-09-1991).

Sources :

- Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives – État civil de Paris Xe arr. et de Lons-le-Saunier – Renseignements recueillis par Nadia Michel-Ténine et Nathalie Viet-Depaule).
- Françoise Wasserman, Juliette Spire et Henri Israël, 1939-1944, Fresnes dans la tourmente, ouvrage édité par l’Écomusée de Fresnes à la suite de l’exposition présentée du 18-10-1994 au 8-05-1995, pages 14, 18 et 19, 50, 120.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Claudine Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris 2000, cahier photo entre les pages 128 et 129, journal Front Rouge.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 388 et 408.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne ; registre des naissances du 10e arrondissement à la date du 29-06-1890 (V4E 6320), acte n°3047 (vue 24/31).
- Archives communales de Fresnes (recensement de 1936, liste de candidats aux élections de 1937, listes de déportés…), recherches conduites par Dominique Couderc (03-2007).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1w71, 1w74 (révision trimestrielle).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Site internet Mémorial GenWeb.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 480 (38454/1942).
- Claire Vergobbi, petite-fille Campmas.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-07-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).