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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Jean-Baptiste, Hureau naît le 16 juin 1893 à Béthencourt (Nord – 59), , chez ses parents, Jean-Baptiste Hureau, 36 ans, cuiseur de sucre (Delangre à Caudry), et Victoire Legrand, 29 ans, son épouse, domiciliés au lieu-dit La Folie. Les témoins pour la déclaration du nouveau-né à l’état-civil sont un surveillant et un ouvrier de la sucrerie.

En 1913, Henri Bureau habite au 149, rue du Chauffeur à Valenciennes (59) et travaille comme frappeur. Ses deux parents sont alors décédés.

Le 19 août de cette année, à la mairie de Valenciennes, il s’engage volontairement pour cinq ans (terme fixe) comme soldat de 2e classe au 1er régiment d’infanterie coloniale à Cherbourg (Manche). Il rejoint le corps huit jours plus tard. Peut-être est-ce alors qu’il se fait tatouer sur l’avant-bras droit un cœur traversé d’un poignard « H H ».

La Première Guerre mondiale est déclarée le 2 août 1914, alors que Henri Hureau est toujours “sous les drapeaux”.

Le 22 août, lors de la batailles des Frontières, il est fait prisonnier dans les alentours du village de Rossignol, en Gaume (extrémité sud-ouest de la Belgique), qui voit la quasi destruction d’une des divisions du corps colonial français (5000 prisonniers) ; les estimations pour la seule journée du 22 sont de 25 000 ou 27 000 Français tués : « C’est ainsi que la journée du 22 août 1914 apparaît comme la plus meurtrière de toute la Première Guerre mondiale pour l’armée française ».

Henri Hureau est interné à München (?, Munich).

Le 3 janvier 1919, il est rapatrié en France. Le 5 mars, il est affecté au 21e régiment d’infanterie coloniale. Le 2 août, il est envoyé en congé illimité de démobilisation. Et se retire à Denain (Nord).

En mai 1920, il habite au 95, rue Grande-Rue à Maisons-Alfort [1] (Seine / Val-de-Marne – 94)

Le 24 mai 1920 à Voutezac (Corrèze – 19), Henri Hureau se marie avec Marie Buffière, née le 24 juillet 1899 à Juillac (19), sans profession. Ils auront deux enfants, dont Robert, né le 27 avril 1921 à Saint-Maurice [1] (94).

En mai 1921, la famille habite au 9, rue des Bretons à Maisons-Alfort.

En 1930, la famille est domiciliée au 130, rue Grande-Rue à Maisons-Alfort). Au moment de son arrestation, Henri Hureau est domicilié au 130, rue Jean-Jaurès (la même rue sous un nouveau nom ?).

Métallurgiste, il travaille comme polisseur dans les usines Renault de Boulogne-Billancourt ; sa femme est journalière chez Dupont, à Paris.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Henri Hureau est adhérent à l’Union générale de la Métallurgie, voitures, aviation, maréchalerie et parties similaires de la région parisienne.

Plus tard, leur fils Robert sera comptable chez Bachelet (?).

Le 12 mai 1935, Henri Hureau est élu conseiller municipal communiste de Maisons-Alfort sur la liste d’Albert Vassart [2]. L’assemblée municipale le désigne pour être délégué aux élections sénatoriales en 1935 et 1938.

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Maisons-Alfort, la mairie.
Carte postale colorisée (années 1900 ?).
Collection Mémoire Vive.

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Le 16 mars 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Henri Hureau de son mandat pour appartenance au Parti communiste.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « militant communiste très actif ».

Le 10 décembre 1940, son domicile est perquisitionné sans résultat.

Le 20 janvier 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, en même temps que celui de 65 autres militants communistes de la Seine. Tous sont probablement arrêtés ce jour-là, comme Henri Hureau, appréhendé à son domicile. Le jour-même, celui-ci fait partie d’un groupe de 69 militants communistes conduits à la gare de l’Est où ils sont rejoints par une centaine d’autres venant de la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire). Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux. Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Le 14 mai, une centaine d’entre eux est transférée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Henri Hureau fait partie de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

Le 26 septembre, il est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 9 février 1942, Henri Hureau est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Henri Hureau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le 8 juillet, Henri Hureau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45676, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Hureau.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [5]).

En novembre 1944, ignorant sa mort, le comité local de libération de Maisons-Alfort fait nommer Henri Hureau à la délégation spéciale (conseil municipal provisoire) ; comme Victor Jardin.

Son fils Robert entre, à son tour, au conseil municipal le 27 juin 1945. Son élection est annulée, mais il est réélu en 1947 et 1le 26 avril 1953. Il quitte la commune en 1956, démissionnant de son mandat le 30 octobre. Il quitte la commune en 1956.

La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes de décès de Henri Hureau (arrêté du 10-08-1992 – JO n° 226).

Notes :

[1] Saint-Maurice et Maisons-Alfort : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces commune font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, Albert Vassart (1898-1958) est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. A la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Il adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[4] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ : concernant Henri Hureau, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[5] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu.
- Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61 (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives – État civil de Béthencourt – Arch. Com. Maisons-Alfort – Renseignements recueillis par Michèle Rault).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 388 et 408.
- Archives départementales du Nord, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Béthencourt NMD, années 1893-1902 (3 E 6406), acte n° 34 (vue 11/250) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Cambrai, classe 1913 (1R 3168), n° 1242 (vue 401/846).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1063-53055) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1439-13533) ; registre de main-courante du commissariat de la circonscription de Charenton, 1940 (C B 94-11).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 480 (31919/1942).

MÉMOIRE VIVE (dernière mise à jour, le 27-12-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.