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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Adrien Humbert naît le 28 juin 1921 à Paris 13e.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 158, avenue Jean-Jaurès à Drancy [1], ou à Clichy-sous-Bois [2] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Adrien Humbert est charpentier.

Le 22 août 1940, il est arrêté par la police française « pour détention et distribution de tracts communistes ». Il est inculpé pour infraction au décret du 26 septembre 1939 avec quatre autres personnes, mais la procédure s’achève par un non-lieu prononcé le 17 avril 1941.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par «  les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Adrien Humbert est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif. Dans le wagon où se trouve Adrien Humbert, un “mouton” est battu pour ses trahisons ; selon lui, il y laisse la vie.

Le 8 juillet, Adrien Humbert est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45674 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Adrien Humbert est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Là, il est affecté comme charpentier au chenil (5 à 600 chiens d’attaque) pour réparer les niches. Il réussit à apprivoiser les chiens qui le laissent entrer dans leur enclos et manger les restes de leurs gamelles. Quand viennent les grands froids, un berger allemand accepte même qu’il vienne se réchauffer contre son flanc. Pris à voler des biscuits de chien, le SS responsable du chenil lance sur lui une dizaine de chiens qui ne le mordent pas vraiment. Mais il est renvoyé de ce poste.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), Adrien Humbert reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

À la fin de l’été 1944, Adrien Humbert est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, il est parmi les douze “45000” incorporés dans une colonne de détenus évacués vers le KL [3] Gross-Rosen. Ce camp est aussi évacué très rapidement. En plein hiver, Adrien Humbert voyagesur des wagons plats, découverts, pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. Il finit le voyage couché sous deux cadavres, abrité sous leurs trois couvertures. Peu de déportés arrivent à débarquer au KL Buchenwald où a abouti le train. Là, il est affecté dans un Kommando proche de Magdebourg.

Devant la poursuite de l’avancée soviétique, ce petit camp est évacué à marche forcée : la colonne partie avec 500 détenus à 17 heures, n’en compte plus que 300 vers minuit. Un SS donne sa serviette à porter à Adrien Humbert. Celui-ci y découvre un sandwich et un flacon d’alcool. Il s’en nourrit, jette la serviette dans le fossé, et se dissimule parmi les autres détenus, tous semblables.

Dans la nuit, entre deux gardiens SS, il se glisse sans bruit dans le fossé et attend que la colonne s’éloigne. Il s’enfuit en courant à travers champs jusqu’au petit jour. Plus tard, dans un village, il voit venir vers lui deux soldats avançant au pas. Il s’évanouit… puis se réveille dans les bras d’un prisonnier de guerre français. Il reste avec le petit groupe : il est sauvé.

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L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

De sa déportation, il ramène une profonde blessure à la cuisse (ou à la cheville) qui ne cicatrisera jamais.

En 1974, sur un cahier, il rédige un récit non publié de 21 pages : 39 ans après, mémoires d’un déporté.

Adrien Humbert décède le 14 février 1987.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 79, 188 et 189, 242, 305, 311, 321, 312 et 313, 344, 350, 358, 384 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 17.
- Archives de Paris : rôle du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 25 février-31 mai 1941, D1u6 5854.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-03-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Drancy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). Elle est aussi sinistrement connue pour avoir été le lieu où fut implanté – dans la cité de la Muette inachevée – le camp de regroupement des Juifs (vieillards, enfants…) avant leur transport vers Auschwitz-Birkenau et autres lieux.

[2] Clichy-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.