Isidore Hoffmann naît le 17 octobre 1918 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), fils de Jacob (“Jacques”) Hoffmann, 44 ans, né le 10 août 1874 à Ibraël ? (Roumanie), marchand ambulant, et de Miriam (“Marie”) Vinitzky, 37 ans, née en 1880 à Odessa, son épouse, mariés le 17 octobre 1899 « devant le rabbin de la synagogue israélite (sic) de Londres (Angleterre) », domiciliés au 3, rue (Jean ?) de la Fontaine, quartier de la Crique, dans l’axe central de l’ile définie par les bassins de la Barre, du Commerce et du Roi, jouxtant la place de l’Arsenal.

Le Havre. Extrait d’un plan de ville d’avant-guerre, avec mention des embarcadères vers d’autres port. Au bas de l’image, l’accès à la pleine mer par l’avant-Port. La place de l’Arsenal est située en haut à gauche. Collection Mémoire Vive.

Le Havre. Extrait d’un plan de ville d’avant-guerre, avec mention des embarcadères vers d’autres port.
Au bas de l’image, l’accès à la pleine mer par l’avant-Port.
La place de l’Arsenal est située en haut à gauche.
Collection Mémoire Vive.

Isidore est le benjamin d’une famille de six enfants, tous nés au Havre : Frida et Adela (jumelles), le 31 mars 1901, Anna, le 24 octobre 1902, Salomon, la 28 novembre 1903, Henri, le 22 mars 1907, Roger, le 6 juin 1909.

Le 23 février 1926 au Havre, sa sœur Anna, 24 ans, se marie avec Chaskiel (“Charles”) Kajler, dit “Kayser”, né le 10 octobre 1896 à Varsovie (Pologne), français par naturalisation. Sous l’occupation, ils habiteront au 6 rue Écuyère, quartier du Vieux Marché, à Rouen (76).

En 1938, Isidore Hoffmann a 20 ans.

Il est employé de commerce ou marchand forain.

Au moment de son arrestation, il est toujours domicilié au 3, rue de la Fontaine.

Il est marié à Berthe Gorodiczki, arrêtée en Seine-Maritime (selon Yves Lecouturier, voir sources).

Le 26 février 1942, Isidore Hoffmann est arrêté « comme otage israélite » à la suite de l’attentat de la place de l’Arsenal [2]. Selon une notice fournie par les Archives du Havre, il passe par le camp de Drancy avant son transfert, le 15 mai 1942, au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

On suppose qu’il a été sélectionné entre fin avril et fin juin 1942, avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Isidore Hoffmann est peut-être enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 46245, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 7 novembre 1942, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier).

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Le 11 mai 1954, par jugement du tribunal civil du Havre, Isidore Hoffmann est déclaré décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz (transcrit sur le registre d’état civil de la ville le 11 juillet 1954).

Le 22 juin 1942, son beau-frère Charles Kajler a été déporté dans le convoi n° 3 depuis le camp de Drancy vers Auschwitz (matricule n° 40907), emportant 933 hommes et 66 femmes. Il y est mort le 27 juillet suivant. À l’été 1945, 66 personnes ont survécu.

Le 18 juillet 1943, sa sœur Anna, épouse du précédent, âgée de 40 ans, a été déportée dans le convoi n° 57 depuis le camp de Drancy vers Auschwitz, emportant 1000 personnes. 440 personnes sont gazées à leur arrivée. 369 hommes et 191 femmes intègrent le camp. À l’été 1945, 43 personnes ont survécu, dont 16 femmes. C’est le convoi d’Henri Bulawko et d’Alma Rosé. La date certaine du décès d’Anna Kajler est inconnue.

Les autres parents proches d’Isidore Hoffmann semblent avoir échappé au génocide (à vérifier…).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : «  Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S , attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. L’O.S. est l’Organisation Spéciale qui à partir de septembre 1940 est la structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des premières attaques d’un détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias,Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15. En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant.

Au Havre, la place de l’Arsenal, à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite). Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Au Havre, la place de l’Arsenal,
à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite).
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

AVIS

De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.

Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant

Le Journal de Rouen du 25 février 1942.

AVIS

Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.

Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942 Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant

Le Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 376 et 407.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 521.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), à la fin de son livre, Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, Le Havre – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : liste Boisard (1968).
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, page 115, liste p. 262.
- Message de complément d’Évelyne Lemberski (9-07-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-06-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.