Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Valère Henry naît le 20 décembre 1900 à Auboué (Meurthe-et-Moselle – 54), fils de Joseph Henry, ouvrier d’usine, et Marie Marchal, ménagère.

Le 11 décembre 1926, à Auboué, il épouse Marie Christine Colson, née en 1902 à Fleury. Ils ont trois filles : Georgette, née en 1928, Gisèle, née en 1929, et Fernande née en 1934, toutes trois à Auboué.

Au moment de son arrestation, Valère Henry est domicilié au 31 ou au 35, rue de (cité) Coinville à Auboué (54).

Valère Henry est mineur de fer.

Secrétaire du syndicat des mineurs d’Auboué de 1936 à 1939, délégué, membre de la Commission exécutive de la Fédération régionale des mineurs de l’Est, il milite également au Parti communiste, vendant L’Humanité.

Il est licencié en novembre 1938.

Entre le 5 et le 7 février 1942, Valère Henry est arrêté par la police française (ou la Feldgendarmerie ?) à la suite du sabotage du transformateur électrique de l’usine d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, lequel déclenche une vague d’arrestations dans le département (70, dont plusieurs dizaines de futurs “45000”) ; interpellé par la 15e brigade régionale de la police judiciaire (brigade de Police Mobile) venue de Nancy, il est inculpé de « menées communistes » le 8 février et écroué (probablement à la Maison d’arrêt de Nancy – Charles-III ? – comme René Favro, d’Auboué). Son dossier est transmis au Parquet de Briey.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Le 13 février, il figure pourtant sur une liste de dix « personnes [d’Auboué] arrêtées par la police allemande » dont quatre ont été relâchées.

À une date restant à préciser, désigné comme otage, il est remis aux autorités d’occupation à leur demande et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Valère Henry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Valère Henry est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46244 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 19 novembre 1942, un nommé Henri apparaît sur la liste des détenus de la chambre n° 3 du Revier de Birkenau – dont Cossart, Nouvian, Paupy, Roux et Vinsous -, qui reçoivent des médicaments. Le matricule inscrit à côté du nom “Henri” est le 46844, mais il peut s’agir d’une faute d’inattention du détenu ayant enregistré les soins (le “2” étant confondu avec un “8”).

Valère Henry meurt (à Birkenau, s’il s’agit bien de lui) le 28 février 1943, d’après le registre mentionné [1].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-06-1994).

Deux fils de son frère Émilien, ouvrier mineur à Auboué et militant communiste bien avant le Front populaire, sont engagés dans la Résistance au sein des Jeunesses communistes.

Roger Henry, né le 12 mars 1917, est responsable des JC locales depuis 1936. À partir de l’été 1941, Maurice Henry, né le 20 août 1920, est chef d’un groupe de trois de l’organisation spéciale (O.S – “voltigeurs”) implanté dans les cités du Tunnel.

En janvier 1942, lors d’une réunion clandestine préparatoire à laquelle aurait participé Pierre Georges (le colonel Fabien), Maurice Henry, qui a travaillé à l’usine d’Auboué, propose les modalités du sabotage du transformateur électrique : vider sur le sol les conteneurs d’huile conductrice d’électricité pour provoquer un court-circuit arrêtant la production.

Le 22 février, Maurice Henry fait partie du groupe de trois qui procède directement au sabotage, protégé par un groupe de quatre. Après, semble-t-il, l’arrestation de Giovanni Pacci, dirigeant militaire régional, un agent provocateur (“Carlos”) apparaît à Auboué et persuade Maurice Henry et son frère Roger, alors responsable politique régional des J.C., de se rendre à un rendez-vous à Nancy. Le 19 juin (ou le 19 mai ?), les deux frères sont arrêtés place Carnot et écroués à la prison Charles III. Le 20 juillet 1942, à la fin du procès dit « des quarante » Maurice Henry est condamné à mort avec quatorze autres résistants par le tribunal militaire allemand de la Feldkommantantur 591 à Nancy ; tous sont fusillés le 29 juillet au lieu-dit La Malpierre, dans une forêt de la commune de Champigneulles. Condamné à dix ans de travaux forcés, Roger Henry est déporté “NN” vers la prison de Karlsruhe en Allemagne le 4 août (?) avec deux autres hommes. Il meurt à la prison (Zuchthaus) de Sonnenburg le 30 septembre 1943 (FMD, I.46, pages 460 et 465).

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Collection Denis Martin – ARMREL.

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Valère Henry, c’est le 15 juin 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières 1990-1997, CD-rom version 3.61.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 367 et 407.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 101, 198, 246 à 277, 345.
- Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cote W1277/60.
- Liste de détenus ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, transmise par André Nouvian.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.