JPEG - 69.6 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Yvan, Jean (Rodolphe), Hanlet naît le 8 mars 1920 à Paris 11e, fils d’Yvan, François, Hanlet, 26 ans, de nationalité belge, et de Marie Ratton, 30 ans, veuve de guerre, qui vivent en concubinage depuis décembre 1918 et auront en tout quatre enfants : Berthe, Yvonne, née le 2 septembre 1921 à Paris, Roger, né le 4 décembre 1922, Yvan et Odat (ou Odette ?), né(e) en 1929. Le père de famille s’est engagé volontairement en 1914. Mutilé sans pension, il est titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre.

Yvan obtient le certificat d’études primaires.

Début mars 1934, la famille s’installe au 4, rue Henri-Ranvier (escalier 11, porte 197 bis, un 3 pièces-cuisine), à Paris 11e, dans un immeuble d’HBM près de la rue de la Roquette. Pendant un temps, le père est magasinier aux établissements Jeumont, 194 avenue du Président-Wilson à Saint-Denis (Seine / Hauts-de-Seine). Sous l’occupation, la direction de cette entreprise le désignera comme suspect du point de vue politique, ayant peut-être milité au Parti communiste avant-guerre. Cependant, la police constate que « jusqu’ici, il n’a pu être pris en flagrante activité de propagande anti-nationale ». Lui-même reconnaîtra avoir eu une activité syndicale, notamment en 1936.

Au moment de son arrestation, Yvan Hanlet est domicilié chez ses parents, partageant chambre avec son frère Roger et sa sœur Berthe, Yvonne. Il est célibataire.

Yvan Hanlet est dessinateur industriel.

Son frère Roger distribue des tracts dès 1937.

De la classe 1940, Yvan est mobilisé le 8 juin 1940 (!) et réformé le 25 septembre.
Au cous de l’été 1941, Roger intègre les Bataillons de la Jeunesse, dans un groupe sous les ordres de Gilbert Brustlein.

Le 20 octobre, à l’entrée de la rue du Roi-Albert à Nantes (Loire-Inférieure / Loire-Maritime), Gilbert Brustlein abat de deux balles de 6,35 mm le lieutenant-colonel Karl Hotz, Feldkommandant de la région militaire,.

Dans la même période, Roger Hanlet est repéré par la police française à la suite de la filature d’un sympathisant ayant proposé de vendre au groupe Brustlein des armes récupérées par les égoutiers (l’homme a été dénoncé).

JPEG - 53.1 ko
Roger Hanlet, photographié par les
services de la préfecture de police
le 1er novembre 1941.

Le 30 octobre, vers midi trente, Roger Hanlet est arrêté chez lui, au domicile de ses parents, rue Ranvier, par des officiers de la brigade criminelle dirigés par le commissaire principal Georges Veber. Au cours de la perquisition, deux (ou trois ?) pistolets sont trouvés dans sa chambre et Roger conduit lui-même les policiers vers deux autres pistolets cachés dans la cave. Tous les membres de la famille présents dans l’appartement, dont Yvan, sont emmenés au 36 quai des Orfèvres.

Du 4 au 6 mars 1942, neuf membres du groupe des Bataillons de la jeunesse sont traduits devant un tribunal spécial allemand siégeant au Palais Bourbon : un procès “médiatique”. Le 9 mars, sept sont fusillés au fort du Mont-Valérien, à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine). Hormis, Fernand Zalnikow, de Paris 20e, et Robert Peltier, de Goussainville (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), tous sont des jeunes du 11e arrondissement.

Le 13 mars 1942, après l’exécution de Roger et de ses six camarades, Yvan Hanlet et son père font partie d’un groupe de quatorze hommes et femmes de la même affaire mis à la disposition de la préfecture de police (renseignements généraux) sur ordre des autorités d’occupation : trois sont libérés, les onze autres sont internés administrativement, parmi lesquels Raymond Moyen, Henri Chlevitsky et Yvan Hanlet (fils).

Les trois mêmes sont dans le groupe de cinq détenus écroués au dépôt de la préfecture de police de Paris (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité) en attendant leur transfert dans un camp, tandis que deux hommes de nationalité étrangère – dont Yvan Hanlet père (Belge) – sont envoyés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 20e). Les quatre femmes (dont Suzanne Momon et Rachel Zalnikow) sont internées à la prison de la Petite-Roquette. Transférées ensuite à la caserne des Tourelles, elles seront de nouveau remises aux Allemands le 7 août 1942.

Le 5 mai 1942, Raymond Moyen, Henri Chlevitsky et Yvan Hanlet (fils) font partie d’un groupe de 13 « communistes » conduits à la gare du Nord pour y être remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, avec 24 communistes extraits de la caserne des Tourelles et 14 « internés administratifs de la police judiciaire ». Tous sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Yvan Hanlet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Yvan Hanlet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45651 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Yvan Hanlet.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Son père est interné au fort de Romainville le 7 août 1942, sous le matricule 563, avec les parents de Fernand Zalnikow et la mère de Gilbert Brustlein, Suzanne Momon. Il échappe aux exécutions d’otages, notamment à celle du 11 août 1942, au cours de laquelle de nombreux parents de “terroristes” sont fusillés. Il est libéré définitivement le 2 septembre 1942.

Notes :

[1] La photographie d’immatriculation à Auschwitz d’Yvan Hanlet a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 90, 371 et 407.
- Claudine Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Mairie du 11e arrondissement – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Message de Boris Dänzer-Kantof (17-04-2005).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans lalutte armée, Automne 1941, collection Nouvelles études contemporaines, Fayard, février 2004, pages 106-229, notes pp. 327-328.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.