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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Bernard, Léon, Hacquin naît le 14 août 1905 à Longchamp [1] (Aube), fils de Jules Hacquin, 29 ans, forgeron, natif de Nogent-en-Bassigny (Haute-Marne – 52), et d’Eugénie Laroche, son épouse, 26 ans, native de Saint-Dizier (52). Bernard a un frère et deux sœurs plus âgés : Léon Georges, né en 1900 à Lérouville (Meuse), Georgette, née en 1902 à Doulaincourt (52), et Léone, née en 1904 à Rimaucourt (52).

En avril 1907, la famille habite de nouveau à Doulaincourt. En 1911, ils sont domiciliés au quartier de la Forge, à proximité du maître de forges de l’entreprise Ulmo et Compagnie. La famille Hacquin s’est agrandie de Germaine, née en 1908, de Jeanne, née en 1909, et de Jules René, né en 1910.

Le 2 août 1914, le père de famille, réserviste de l’armée territoriale, est rappelé à l’activité militaire au 52e régiment territorial d’infanterie. Le 17 mars 1915, il est renvoyé provisoirement dans ses foyers comme père de six enfants vivants. En septembre suivant, il est employé à la maison Ulmo fils, à Rimaucourt. Le 1er juillet 1917, il passe au 37e régiment d’infanterie tout en étant maintenu “détaché”. Démobilisé le 29 janvier 1919, il se retire à Doulaincourt.

En 1921, la famille habite dans la rue Pougny à Doulaincourt. Bernard a rejoint son père comme forgeron dans l’entreprise Ulmo fils et compagnie. En 1926, ils ont déménagés…

Au moment de son arrestation, Bernard Hacquin est domicilié rue du Grand-Pont (n° ?) – rue Aristide-Briant ? – à Joinville (52).

Marié, il est père de huit enfants.

Il est ouvrier à l’usine métallurgique de Bussy, commune de Vecqueville, comme Louis Bedet, Georges Collin, Edmond Gentil et Louis Thiéry.

Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy  dans un méandre de la Marne.  Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy
dans un méandre de la Marne.
Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 juin 1941, Bernard Hacquin est arrêté à Joinville, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”), puis rassemblés à la prison de Chaumont (52).

Le 27 juin, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Bernard Hacquin est sélectionné – malgré sa nombreuse famille – avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Bernard Hacquin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45649 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Bernard Hacquin.

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], un mois après l’arrivée du convoi.

Son nom est inscrit sur le monument au morts de Joinville, sa commune de résidence.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Longchamp devient Longchamp-sur-Aujon le 4 février 1919.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Bernard Hacquin, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Son nom et son matricule (orthographié « HACQIN ») figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 82, 127 et 128, 366 et 421.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 26.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon (1630 W, article 252).
- Archives départementales de l’Aube (AD 10), site internet du conseil général, archives en ligne : recensement de population de l’année 1906 à Longchamp.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 420 (19007/1942).
- Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.