Jean, Charles, Louis, Gros naît le 20 mars 1922 à Paris 20e (75).

Il poursuit ses études secondaires (au lycée Voltaire ?) jusqu’à l’obtention du baccalauréat.

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Le lycée Voltaire, av. de la République, dans les années 1900. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il est habite toujours chez ses parents au 89, rue des Pyrénées (bâtiment F, 4e étage, droite), à Paris 20e, vers la cité Champagne. Il est célibataire (il a 18 ans).

En 1936, il est adhère au mouvement des Jeunesses communistes, se liant d’amitié avec Olivier Souef. À la même époque, il adhère aux Auberges de la Jeunesses et au Club des Lycéens et étudiants ajistes, et fait encore partie du Centre laïque des auberges de la Jeunesse (CLAJ) au moment de son arrestation.

Jean Gros est alors étudiant à la Faculté de Lettres (et travaille en parallèle comme instituteur suppléant ou surveillant d’externat ?).

Après l’envoi au dépôt, le 21 novembre 1940, de Jean Commère et Gisèle Vallepin, étudiants, et, le 26 novembre, de Claude Lalet, de son épouse, Eugénie Lory, de Maurice Delon et de Jean Rozynoer, tous étudiants, inculpés d’infraction au décret du 29 septembre 1939, sept inspecteurs sont chargés par André Baillet, commissaire principal, chef de la brigade spéciale des Renseignements généraux, 1ère section, « de procéder à toutes investigations utiles en vue d’identifier et d’appréhender les auteurs de la propagande clandestine communiste sévissant dans les milieux universitaires de la capitale et plus particulièrement au Quartier Latin, au moyens de tracts, papillons et brochures à tendances communistes ».

Le même jour, 26 novembre, « à la suite d’enquêtes et de surveillance qui ont permis d’établir avec certitude leur sympathie agissante vis-à-vis des doctrines communistes et des membres de l’ex-parti communiste », sont arrêtés Jean-Claude Lévy, 17 ans, Othman Ben Aleya 24 ans, Olivier Souef, 19 ans, Jean Gros, 18 ans, Pierre Daix, 18 ans (appréhendé à 20 h 15, aux abords du pavillon de ses parents), Raymond Guglielmo, 17 ans (appréhendé vers 18 h 15, au domicile de ses parents), et Jeanne Brunschwig, 19 ans.

Arrêté par deux inspecteurs vers 18 heures, alors qu’il s’apprête à rentrer chez lui, Jean Gros est trouvé porteur d’un morceau de craie, d’un carnet avec adresses, d’un projet de tract/affiche et d’un rapport écrit de sa main « mentionnant les buts des étudiants communistes au sein de AJ ». Lors de la perquisition de son domicile sont également trouvés, « dans le tiroir central du secrétaire placé dans sa chambre », cinq tracts ronéotypés – dont L’Humanité clandestine et un Almanach ouvrier et paysan, qualifié de livre (quelle année ?).

« Interpellés [interrogés], Lévy, Ben Alaya et Souef nient toute participation à la propagande clandestine. Gros, Daix, Guglielmo et la demoiselle Brunschwig reconnaissent, par contre, participer activement à le propagande clandestine effectuée actuellement dans  les milieux universitaires ».

Plus précisément, lors de son interrogatoire par les policiers, Jean Gros se défend en déclarant : « à quelques reprises, des camarades [du Club des Lycéens et étudiants ajistes] m’ont demandé de conserver sur moi pendant un temps très court, un jour ou deux, des tracts et des papillons communistes qu’ils ne voulaient pas garder sur eux, soit parce qu’ils se rendaient aux cours, soit pour toute autre raison. C’est ainsi qu’il m’a été remis également, mais à titre personnel et pour que je puisse en prendre connaissance, les cinq tracts qui ont été trouvés à mon domicile. Le carnet qui a été trouvé sur moi renferme des noms et des adresses d’étudiants que j’avais l’intention de pressentir en vue d’obtenir leur adhésion au Club ; je me suis servi du morceau de craie pour dessiner avec mes camarades un jeu dans le métro. Quand au projet d’affiche intitulé “Étudiants”, il m’a été demandé par le bureau du Club ; il devait être apposé à la Faculté de Lettres. Quant aux notes manuscrites, il s’agit d’un travail que j’avais rédigé à la demande d’un étudiant dont j’ignore le nom et qui n’appartient pas au Club ».

Le lendemain, 18 janvier, au vu du rapport des inspecteurs et après les interrogatoires des sept étudiants arrêtés dans la même « affaire », considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou des organismes s’y rattachant, par la distribution et la détention en vue de la distribution de tracts et brochures à caractère communiste », le commissaire principal André Baillet, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, les inculpe conjointement d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, dans l’île de la Cité) à disposition du procureur de la République.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. 
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. 
(montage photographique)

Le 1er mars 1941, la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Jean Gros à trois mois de prison. Cette peine étant couverte par sa détention provisoire, il est probablement aussitôt relaxé.

Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté à son domicile, par des policiers allemands et français selon Claude Souef, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin.

Le jour même, après un passage au commissariat de l’École Militaire, ceux qui sont arrêtés avec lui sont conduits en autobus à la Gare du Nord, et directement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, 
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; 
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. 
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Gros est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Gros est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46242, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; certainement avant la mi-mars 1943 (il a 21 ans).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 406 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignages de Claude Souef (lettres 1-5-1982 et 1988) et de Jean-Claude Dumoulin, arrêté dans la même affaire – Lettre de Francis Cohen sur “L’affaire de la Bibliothèque Mazarine” (1-5-1982). 
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” (BA ?) ; dossiers de la BS1 (GB 52), n° 42, « affaire Lévy – Ben Aleya – Souef – Gros – Daix – Guglielmo et Brunschwig », 27–11-1940.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

[1] Claude Lalet fait partie des 27 détenus extraits du centre d’internement de Choisel à Châteaubriant et fusillés comme otage de représailles dans la carrière de la Sablière le 22 octobre 1941.

[2] Pierre Daix, né le 24 mai 1922 à Ivry-sur-Seine, est déporté de Compiègne dans le convoi de 1218 hommes qui part le 22 mars 1944 et arrive au KL Mauthausen trois jours plus tard (matricule n° 59807). Il est parmi les sept détenus libéré à Mauthausen par la Croix-Rouge suisse le 23 avril 1945. (source : Guillaume Quesnée, Livre-mémorial de la FMD, tome 3, page 268-269, 283, I.191)