JPEG - 77.4 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges, Jules, Giraud naît le 12 avril 1889 à Bourges (Cher), chez ses parents, Louis Giraud, 46 ans, charron, et Thérèse Very, 42 ans, son épouse, domiciliés au 98, rue Nationale.

De la classe 1909, il est incorporé le 5 octobre 1910 au 13e régiment d’infanterie pour y accomplir son service militaire (en garnison à Nevers et à Decize). Le 25 septembre 1912, il est « envoyé en congé », titulaire d’un certificat de bonne conduite et se retire au 7, place Rabelais à Bourges.

Dès le 20 octobre suivant, il se déclare domicilié au 33, rue Claude-Decaen à Paris 12e.

Rappelé à l’activité militaire par l’ordre de mobilisation général du 1er août 1914, il rejoint le corps à Nevers le 3 août. Le 20 août suivant, il est fait prisonnier lors de la bataille de Sarrebourg, en Moselle (une des plus meurtrières de la campagne de Lorraine de 1914). Interné à Landshut, ville du sud-est de la Bavière, il est rapatrié dès le 8 novembre 1918 (via la Suisse et Lyon ?) suite aux accords de Berne. Le 8 janvier 1919, il passe à la 8e section de commis et ouvriers militaires d’administration (C.O.A.). Le 4 août suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire au 23, rue Buffon à Montreuil-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis).

Au cours de cette année 1919,  Georges Giraud emménage au 305, rue du Faubourg-Saint-Antoine à Paris 11e.

Il est forgeron (ébardeur).

Le 27 décembre 1919, à la mairie du 11e arrondissement, il se marie avec Émilienne Morand, née à Bourges le 15 octobre 1893, couturière, qui habite à la même adresse.

En décembre 1928, le couple demeure rue du Milieu, à Noisy-le-Grand (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis). Ils ont un enfant.

En mars 1929, Georges Giraud déclare habiter au 5, rue Saussure, à Paris 17e.

À partir de novembre 1934 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 13, rue Dulong, à Paris 17e : il vit alors séparé de son épouse.

Fin 1938, il adhère à une cellule du Parti communiste de son arrondissement.

Sous l’Occupation, il est manœuvre à la Maison Kellner-Bechereau [1], sise au 185, rue Édouard-Vaillant à Boulogne.

Le 1er mars 1941, « à la suite de la recrudescence de l’activité communiste clandestine dans le 17e arrondissement, les enquêtes et surveillances effectuées » amènent deux inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignements généraux à aller interroger chez elle Marcelle Valour, 29 ans, papetière dans une imprimerie de la rue de Bondy (Paris 10e), dont ils sont certains qu’elle participe à la diffusion de propagande imprimée. Aussitôt après leur départ, celle-ci se rend au 13, rue Dulong, où sa mère, Joséphine Carini, 54 ans, divorcée, vit maritalement avec Georges Giraud. En arrivant, elle crie : « Les tracts en l’air, on est venu chez moi ! » Les inspecteurs – qui l’ont filée – pénètrent aussitôt dans le domicile. Georges Giraud remet alors « spontanément » aux policiers deux brochures ronéotées intitulées La politique communiste datées de décembre 1940 et février 1941, une brochure Nous accusons, un tract Pour le salut du peuple de France et deux carnets à souche d’un Comité populaire de chômeurs, le tout rangé dans un tiroir du buffet de la salle à manger.

Tous les trois sont appréhendés et conduits dans les locaux de la BS à la préfecture de police pour interrogatoire. Le lendemain, Joséphine Carini déclare : « Les papiers subversifs ont été trouvés jeudi dernier sur le palier et rentrés au domicile par Giraud. » De son côté, celui-ci déclare qu’il avait reçu à son domicile quelques jours auparavant – et pour la troisième fois – ces tracts d’un individu qu’il ne connaît pas ; documents qu’à chaque fois il brûlait sans en distribuer. Le commissaire principal de la BS l’inculpe d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et l’envoie au dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la République. Mère et fille sont relaxées.

Cinq jours plus tard, le 7 mars, la 18e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Georges Giraud à six mois de prison.

Du 19 mars au 21 mai, celui-ci purge sa peine à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94), puis il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

À l’expiration de sa peine, il est très probablement libéré.

Le 19 septembre 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Appréhendé le jour même – comme d’autres détenus libérés de Poissy au mois d’août précédent – Georges Giraud est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) en attendant son transfert dans un camp.

Le 9 octobre 1941, Georges Giraud fait partie des 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Georges Giraud fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Giraud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45608 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Giraud est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, les autres étant ramenés à Auschwitz-I.

Selon le récit d’Henri Peiffer, lors d’une première “sélection”, Georges Giraud est sauvé par le Lageraltaester (doyen du camp), qui le fait descendre du camion qui l’emmène vers la chambre à gaz. Mais il n’échappe pas à une deuxième “sélection”.

Georges Giraud meurt à Birkenau le 8 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée du convoi.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du Xx-1993).

Notes :

1. Kellner-Béchereau est une entreprise de construction aéronautique français ayant existé de 1931 à 1942. Fondée par les ingénieurs Jacques Kellner, héritier d’une prestigieuse lignée de carrossiers avant même l’avènement de l’automobile, et Louis Béchereau, un des pionniers de l’aviation française, elle a conçu une demi-douzaine d’avions légers, de tourisme, de course et militaire. Jacques Kellner, fils du fondateur et directeur de l’entreprise, est arrêté en octobre 1941 pour activité de renseignements dans un réseau britannique, condamné à mort par un tribunal militaire allemand et fusillé au Mont-Valérien le 21 mars 1942. Ce même mois, l’usine est détruite par un bombardement allié. (sources : Wikipedia et Daniel Grason, Maitron en ligne)

Sources :

- Son nom (orthographié « GIRAND ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 406.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’Henri Peiffer, rescapé du convoi.
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Bourges, année 1889 (3E 4887), acte n° 286 (vue 147/499) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Bourges, classe 1909 (2R 681), matricule n° 1243 (vue 411/877).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; Dossier de la BS1, Affaire Giraud (G B 52) ; registre des consignés provisoires au Dépôt, mai 1941-mars 1942 (C C 2-1, n° 635).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 89.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 348 (18742/1942).

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 15-04-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.