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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oswiecim, Pologne. 
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Frédéric, Jean, Marie, Ginollin naît le 10 mai 1912 à Suresnes [1] (Hauts-de-Seine), chez ses parents, Marie, Frédéric, Ginollin, 30 ans, livreur, et Eva Brun, son épouse, 24 ans, domiciliés au 7, rue Émile-Duclaux. Les deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont un autre livreur et un marchand de vin.
Son père est mobilisé au cours de la Première guerre mondiale. Blessé et mutilé, il obtient un emploi réservé de facteur.

Frédéric Ginollin fréquente les éclaireurs unionistes (organisation protestante, bien que sa famille soit catholique).

Il commence à travailler à douze ans, pendant les vacances, mais ne quitte l’école qu’en 1926, à quatorze ans, pour entrer en apprentissage chez un électricien.

Installé à Valence (Vaucluse), il travaille dans la plomberie, dans la carrosserie automobile et comme monteur de chauffage. À la suite de la grève du 1er mai 1930, il est licencié et connaît le chômage. Revenu à Paris chez un oncle, il travaille comme compagnon monteur à Enghein (Seine-et-Oise), mais aussi aux Tréfileries du Havre à Saint-Denis.

À partir de 1932, il milite au Secours rouge international, membre de la Commission exécutive, puis, en avril 1933, adhère au Parti communiste.

En septembre 1934, après avoir accompli son service militaire au 4e régiment de Zouaves comme soldat de 2e classe, il reprend son activité au Parti. Adjoint de Jean Chaumeil aux Jeunesses communistes, il est membre de son comité de section en 1935 et secrétaire adjoint à l’organisation. En 1935, il suit une école régionale et rédige, à cette occasion, une première autobiographie (pas conservée) et en donnera une deuxième à la commission des cadres en avril 1938.

Ses parents se montrent favorables au Front populaire.

Le 3 septembre 1939, à la mairie de 11e arrondissement, Frédéric Ginollin épouse Denise Reydet, née le 30 juillet 1907 à Paris 12e, divorcée d’un précédent mariage, sténodactylo, militante communiste.

Au moment de son arrestation, Frédéric Ginollin est domicilié au 87, rue des Orteaux à Paris 20e (75).

Il est alors ouvrier métallurgiste, ajusteur en aviation, mais sans emploi à partir de juillet 1940.

À la fin juin 1940, Denise Ginollin est agent de liaison du petit groupe (isolé) de direction du Parti communiste clandestin qui effectue des démarches après de l’armée allemande pour la parution légale de L’Humanité. Elle est arrêtée par la police française le 20 juin à 20 h 30, près de la station de métro Saint-Martin lors d’un rendez-vous avec Maurice Tréand, porteuse de nombreux documents liés à cette négociation. Interrogée, elle est ensuite écrouée à la prison de la Petite-Roquette. Le 25 juin, ils sont libérés sur ordre des autorités d’occupation et les pourparlers reprennent, puis ralentissent avant de s’interrompre définitivement à la fin août. Maurice Tréand et Denise Ginollin retournent à leurs activités clandestines.

De son côté, Frédéric Ginollin est actif au sein des Comité Populaire des chômeurs de Paris. Fin novembre, début décembre, il quitte son appartement officiel, vidé de ses meubles.

Le 5 février 1941, lors de son arrestation, Allard (?) est trouvé porteur d’un papier où est inscrit : « Chômeurs du 19ème, lundi 10 février 19 heures précises Riquet, Lire tout et tout ». Au soir dit, les inspecteurs de la brigade spéciale anticommuniste des Renseignements généraux établissent une surveillance aux alentours de la station de métro Riquet, attendant un homme dont ils possèdent le signalement.

Le 10 février 1941, à 19 h 10, devant le 78, rue de Flandre, à l’angle de la rue Riquet, Frédéric Ginollin est arrêté, non sans se débattre,  parvenant à avaler un petit papier qu’il tire de la poche gauche de son pantalon. Au bout de plusieurs minutes, les deux inspecteurs réussissent à le maitriser en employant la force (« par suite de la résistance qu’il nous a offert, Ginollin, dans sa chute, a heurté de la tête le bord du trottoir. ») et lui passent les menottes. Il en appelle alors à la quinzaine de passants qui se sont approchés : « On arrête les communistes. Vous laissez arrêter les communistes » ou, selon lui : «On m’arrête parce que je suis communiste ». Grâce à un automobiliste qui met son véhicule à leur disposition, les inspecteurs le conduisent au poste de police le plus proche. Fouillé, Frédéric Ginollin est trouvé porteur d’un projet manuscrit de tract dont il est l’auteur, intitulé « Non, pas de ça » et signé L’Union des Comités populaires de chômeurs de Paris, d’un carnet à couverture verte dont la première page est arrachée (c’est le papier qu’il a avalé) et de deux autres carnets portant des notes incompréhensibles et l’indication de sommes reçues pour les 17e et 9e arrondissements, ainsi que les mots « Frais bistrot, Rendez-vous tard, Repêchage ».

Le 11 février, après plusieurs interrogatoires au cours desquels il ne lâche aucune informtion et au vu du rapport des inspecteurs, considérant que son activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant », le commissaire André Cougoule, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, inculpe Frédéric Ginollin d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939. « Attendu d’autre part qu’au moment de son arrestation il a opposé une résistance active avec violences aux inspecteurs qui l’avaient interpellé, et bien que connaissant leur qualité », il l’inculpe de rébellion (délit puni par les articles 209, 212, 218 et 220 du Code Pénal), et l’envoie au Dépôt, à disposition du procureur de la République.

Peu après, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 17 février, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à dix mois d’emprisonnement. C’est probablement alors qu’il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes [1] (Val-de-Marne – 94).

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La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Plus tard, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube – 10).

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Le transfert a probablement lieu le 23 février, comme pour Roger Le Bras.

Entre fin avril et fin juin 1942, Frédéric Ginollin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Frédéric Ginollin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45602 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Frédéric Ginollin est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté au Kommando “jardins”.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage duBlock 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient 
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues – 
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage 
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

A la fin de l’été 1944, Frédéric Ginollin est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, lors de l’évacuation, il est, avec Jean Guilbert, incorporé dans des colonnes de détenus dirigés vers le KL Buchenwald.

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Portail d’entrée du KL Buchenwald, près de Weimar, 
vu de l’intérieur. Carte postale. Collection M. Vive.

En avril 1945, tous deux font partie des déportés évacués vers le KL Dachau (matricule 118 878).

Le 29 avril 1945, Dachau est libéré par l’armée américaine. L’état de santé de Frédéric Ginollin nécessite une hospitalisation.

Il rentre en France le 5 ou le 9 août 1945, via Strasbourg.

En juillet 1942, Denise Ginollin, repérée, est envoyée comme interrégionale “femme” en Bretagne (pseudonyme : Odette). Le 25 janvier 1943, elle est arrêtée à Nantes. Le 13 août, le tribunal allemand de Nantes la condamne à mort avec quinze autres camarades. Graciée (?) quelques jours plus tard, elle est déportée “NN” le 6 septembre 1943 vers des prisons allemandes (Karlsruhe, Lübeck-Lauerhof, Jauer près de Breslau – Jawor en polonais). Début 1945, elle est évacuée avec d’autres détenues vers le KL Ravensbrück, puis le KL Mauthausen, où elle est libérée par la Croix-Rouge le 24 avril 1945.

De 1945 à 1961, elle est élue conseillère municipale députée communiste de Paris.

Selon Claudine Cardon-Hamet, la sœur de Frédéric Ginollin a été déportée à Auschwitz dans le convoi des“31000” (pas identifiée dans Charlotte Delbo).

Frédéric et Denise Ginollin se séparent en 1947, puis divorcent.

Pendant un temps, il vit au 17, rue d’Aval, à Paris 11e, puis rue Jean-Pierre Timbaud et, enfin, se retire à Valence (Drôme). À la suite de sa déportation, il souffre de cachexie et de tachycardie.

Frédéric Ginollin décède le 19 septembre 1951, à Toulon (Var), à 49 ans.

Il est homologué comme “Déporté politique” « à titre posthume » le 16 janvier 1954.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 358, 375 et 405. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel) – Témoignages d’André Tollet et de Roger Abada – Lettre de Madame Simone Ginollin (16-7-1954). 
- Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, in Le Maitron en ligne, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mouvement social, site internet.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Suresnes, année 1912 (cote E NUM SUR N1912), acte n° 106 (vue 28/74).
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 133, « affaire Ginollin », 11-2-1941. 
- Archives de Paris, archives judiciaires, registre du greffe, cote 1463w46. 
- Archives départementales de l’Aube, site internet, cote 310W114. 
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043. 
- Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Juin 1940, la négociation secrète, Les Éditions de l’Atelier, Paris 2006, pages 19, 21, 155 et 156. 
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, page 1159, I.139, départs des prisons de zone occupée vers celles du Reich, en septembre 1943.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Suresnes et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).